L'article L.122-14-3 du Code du travail (CT) dispose qu'"en cas de litige, il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur" dans la lettre de licenciement prévue aux articles L.122-14-1 et L-122-14-2. Le législateur a donc choisi de laisser un pouvoir très important aux juges. Il existe bien quelques causes de licenciement expressément interdites par la loi concernant le licenciement pour motif personnel, mais aucune précision relative aux motifs professionnels.
Les employeurs étaient donc fréquemment tentés de licencier pour un motif général d'insuffisance des résultats, autrement dit de productivité insatisfaisante. C'est pourquoi la Cour de cassation a réagi à cette situation défavorable au salarié. Elle a commencé par censurer le licenciement sur le seul fondement de la non réalisation des objectifs d'une clause contractuelle (Soc. 16 février 1992, Smadia contre Réa). Elle admettait tout de même que l'insuffisance de résultats soit un motif suffisamment précis (Soc. 13 décembre 1994). Puis sa jurisprudence s'est affinée jusqu'à l'arrêt Samsung informations system, rendu par la chambre sociale le 30 mars 1999, qui pose en principe que "la seule insuffisance de résultats ne peut, en soi, constituer une cause de licenciement". La Haute juridiction accepte donc le principe de licenciement pour insuffisance de résultats, mais seulement à titre subsidiaire. Si elle n'est pas une cause "en soi", c'est qu'il faut un rattachement à d'autres éléments, constitutifs d'une cause autonome de licenciement.
Dès lors que l'insuffisance de résultats n'est pas une cause autonome de licenciement, le problème se pose de déterminer ses conditions de validité : à quels motifs doit-elle être rattachée pour être acceptée ? Comment les juges limitent-t-ils le recours à ce motif de licenciement ?
La Cour de cassation a précisé que l'insuffisance de résultats doit "résulter soit d'une insuffisance professionnelle soit d'une faute imputable au salarié" (Soc. 3 avril 2001), ce qui laisse un champ d'application du motif assez large (I). Mais cette libéralité sur la qualification d'insuffisance est compensée par un contrôle strict de l'imputabilité des résultats au salarié (II)
[...] On peut estimer qu'il s'agit d'une protection du salarié. Pourtant, au regard des diverses espèces, il semble que cette condition soit surtout juste pour l'employeur. Car lorsque que les juges du fond décideront que les résultats sont réalisables, le salarié pourra être considéré comme responsable de leur non réalisation. La jurisprudence a ainsi pu décider que le chef de vente improductif (Soc novembre 1978) ou cadre qui avait réalisé à peine 50% des objectifs fixés (Soc octobre 1999, Bosch), sont licenciés pour une cause réelle et sérieuse. [...]
[...] Cette prise en compte du comportement se retrouve dans la notion d'insuffisance professionnelle. Si elle n'est pas en principe fautive, elle peut tout de même constituer "en soi" une cause réelle et sérieuse du licenciement (Soc mai 2000). Pour la caractériser, le juge tiendra par exemple compte du manque de rigueur (Soc mai 2002), des lacunes dans les connaissances professionnelles (Soc mai 1998) ou encore de l'incapacité du salarié à faire face à ses responsabilités (Soc février 1990). Lorsque ces comportements auront eu pour conséquence une insuffisance de résultats, ils seront analyses comme une inexécution des obligations contractuelles, et constitueront une cause réelle et sérieuse de licenciement. [...]
[...] Pourtant le juge pourra tout de même accepter l'insuffisance dans un cas où les résultats ne sont pas fixés. Néanmoins, des objectifs sont prévus dans la majorité des cas. L'encadrement des clauses contractuelles d'objectifs favorable au salarié Les clauses de résultats insérées dans les contrats concernent essentiellement les représentants et les cadres commerciaux. Elles prévoient des objectifs à atteindre, généralement par trimestre, semestre ou année. Mais un arrêt Giraudy de la chambre sociale de la Cour de cassation (Soc novembre 2000) a décidé "qu'aucune clause du contrat de travail ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera une cause de licenciement". [...]
[...] La Cour d'appel qui relève que les instructions étaient "multiples, tatillonnes et contradictoires" peut refuser le motif d'insuffisance des résultats (Soc mars 1994). Ici la Cour de cassation applique un principe général du droit : nemo auditur propriam turpitudinem allegans. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. On peut noter que selon le même principe, l'employeur ne peut priver le salarié de ses moyens d'action pour invoquer ensuite sa non productivité. Il y a donc une obligation de comportement de l'employeur, sans quoi le motif de l'insuffisance de résultats ne serait pas "sérieux". La jurisprudence est sévère à son égard. [...]
[...] Par exemple une insubordination aux directives de l'employeur qui aurait entraîné l'insuffisance de résultats. Le salarié devra alors subir un licenciement disciplinaire qui le privera de ses indemnités. Si les effets sont différents en fonction de la qualification du comportement, les deux fondements sanctionnent néanmoins des agissements ou des abstentions imputables au salarié lui-même. II. Le contrôle équitable de l'insuffisance des résultats L'arrêt Grésy rendu par le Cour de cassation le 3 février 1999 pose en principe que "l'insuffisance des résultats au regard des objectifs fixés ne constitue pas en soi une cause de rupture privant le juge de son pouvoir d'appréciation de l'existence d'une cause réelle et sérieuse". [...]
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