Malgré son caractère synallagmatique, le contrat de travail place le salarié dans une situation d'infériorité par rapport à son employeur lors de la conclusion du contrat. En théorie, le contrat est soumis à la négociation entre les parties. Mais dans la pratique, le salarié est souvent contraint, du fait notamment de sa dépendance économique, d'accepter le contrat proposé par l'employeur. Certaines mentions du contrat de travail constituent des éléments essentiels de celui-ci. Ce sont, par exemple, la rémunération, le poste de travail ou les horaires et le lieu de travail. Mais tout ce qui est écrit dans le contrat ne lie pas toujours les parties. C'est le cas notamment du lieu de travail, qui est le lieu dans lequel le salarié doit effectuer sa prestation de travail. En effet, au fil des ans, la jurisprudence a élaboré une théorie concernant le changement du lieu de travail imposé par l'employeur au salarié ; c'est-à-dire lorsque l'employeur décide de faire travailler le salarié dans un lieu autre que celui initialement prévu au contrat de travail.
Comment la jurisprudence relative aux changements de lieu de travail a-t-elle évolué ? Ce sujet mérite une attention particulière, la jurisprudence relative au changement de lieu de travail étant critiquable : d'un point de vue juridique, elle s'éloigne considérablement des règles régissant le droit des contrats, et d'un point de vue socioéconomique, cette jurisprudence est assez défavorable aux salariés. Elle est en revanche plus souple quant au changement de lieu de travail effectué en présence d'une clause de mobilité. Ainsi, en l'absence de clause de mobilité, la jurisprudence relative au changement de lieu de travail est très contestable (I). Elle est en revanche appréciable lorsque ce changement est effectué en vertu d'une clause de mobilité (II), bien que cela paraisse juridiquement et socialement contradictoire.
[...] B Une jurisprudence néanmoins critiquable Nous l'avons vu, la jurisprudence sur les changements de lieu de travail en présence d'une clause de mobilité est plus favorable aux salariés. Mais elle est néanmoins critiquable. Tout d'abord, la clause de mobilité a bel et bien valeur contractuelle dès lors que le salarié en a eu connaissance et qu'elle est géographiquement déterminée, c'est-à-dire, dès lors qu'elle n'est pas abusive. Cette clause devrait alors s'imposer au salarié. Le recours à la théorie de l'abus du droit est cependant justifié ; mais il ne nous paraît pas logique que la jurisprudence n'en fasse pas application en matière de changement de lieu de travail décidé par l'employeur en l'absence de clause de mobilité. [...]
[...] En effet, en faisant application de ce texte, la jurisprudence offre une garantie notable aux salariés quant aux changements de lieu de travail. Notons toutefois que cette liberté fondamentale est mise en concurrence avec une autre : la liberté d'entreprendre. Il faut alors déterminer laquelle prime sur l'autre. Cependant, le droit au respect de la vie privée et familiale du salarié ne sera écarté que si la protection des intérêts légitimes de l'entreprise le justifie et si cela est proportionné au but recherché. [...]
[...] En la matière, la jurisprudence a une position différente de celle concernant le changement du lieu de travail en l'absence de clause de mobilité. En effet, depuis 1999, elle sanctionne l'usage abusif par l'employeur de cette clause. Mais surtout, depuis l'arrêt Spileers du 12 janvier 1999, elle se réfère à l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme pour apprécier la mise en œuvre d'une telle clause. Et depuis l'arrêt Guichard de 2004, elle impose que cette mise en œuvre soit conforme à l'intérêt de l'entreprise et proportionnée au but recherché. [...]
[...] Actuellement, il apparaît bien que la jurisprudence tient toujours compte de ce critère de l'aggravation de la situation du salarié. II Une jurisprudence appréciable quant aux clauses de mobilité La jurisprudence relative au changement de lieu de travail en vertu d'une clause de mobilité est appréciable en ce qu'elle ait plus favorable au salarié ; elle n'en est pas pour autant exempte de critiques A Une jurisprudence plus favorable au salarié Par deux arrêts de 1999, la jurisprudence a précisé les conditions d'application des clauses de mobilité. [...]
[...] Concernant le lieu de travail, une première étape jurisprudentielle a eu lieu avec l'arrêt Gautier du 4 janvier 2000 dans lequel la Cour de cassation considère qu'il faut apprécier le secteur géographique dans lequel s'effectue le changement de lieu de travail. S'il a lieu dans un secteur géographique distinct du lieu initial, il y a modification du contrat de travail, que le salarié peut valablement refuser ; si, au contraire, le changement de lieu de travail s'effectue dans le même secteur géographique, il y a seulement changement des conditions de travail, dont le refus par le salarié peut être sanctionné. [...]
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