L'article L 122-12 alinéa 2 du Code du travail dispose dans son alinéa deuxième que « s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fond, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ».
Par trois arrêts en date du 16 mars 1990, l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation a défini le transfert d'entreprise comme « le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est reprise ou poursuivie ».
Selon un arrêt de la Chambre sociale du 7 juillet 1998, une entité économique « est un ensemble de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ».
L'objet de notre intervention est d'envisager l'application de cette disposition au sein des entreprises en difficulté. Deux logiques rivales coexistent en la matière : d'une part, la logique commercialiste du droit des procédures collectives qui a pour but la sauvegarde de l'entreprise et sa viabilité et d'autre part la logique à finalité sociale du droit du travail qui tend à protéger les salariés.
Nous nous proposons ici d'étudier l'impact de l'article L 122-12 alinéa 2 du Code du travail sur les contrats de travail en cours dans une entreprise en difficulté et plus particulièrement lorsque le plan de cession arrêté par le Tribunal de commerce prévoit des licenciements. Ce plan vise à assurer la poursuite de l'activité, le maintien de tout ou partie des emplois et à apurer le passif.
Au vu de nos recherches, il nous a semblé opportun de ne pas restreindre notre exposé au seul plan de cession mais de considérer la cession dans un sens plus large.
De ce fait, nous envisagerons dans un premier temps l'applicabilité de principe de L 122-12 alinéa 2 du code du travail en cas de cession d'une entreprise en difficulté (I) puis étudierons dans un second temps les spécificités du plan de cession (II).
[...] Un arrêt récent vient d'en préciser la portée en énonçant que le nouvel employeur ne peut être tenu au paiement de dommages et intérêts dus au titre d'un manquement aux obligations nées du contrat de travail antérieur à la modification dans la situation juridique de l'employeur[8]. Ainsi il apparaît selon la position parfois tangente de la Cour de Cassation que les objectifs du plan de cession doivent nécessairement être conciliés même si cela n'est pas toujours évident. Deux logiques s'affrontent donc : celle du droit des procédures collectives et celle du droit du travail. Le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome se fait parfois au détriment de tout ou partie des emplois. [...]
[...] La vision communautaire tend donc à favoriser la protection des salariés et le maintien de leur contrat de travail dès lors que l'activité à laquelle ils étaient associés survit. Que penser de l'opportunité des solutions retenues aux niveaux national et communautaire ? Certes, le transfert de plein droit des contrats de travail permet au cessionnaire l'emploi d'une main d'œuvre qualifiée et expérimentée, cependant ses aspirations relatives à la reprise d'une entreprise en situation de difficulté peuvent être différentes. En conséquence, l'application de l'article L 122-12 alinéa 2 ne parait pas toujours opportune. [...]
[...] Les salariés non licenciés dans le cadre du jugement arrêtant le plan de cession sont repris par le jeu d'une cession légale des contrats qui opère de plein droit. Cette cession s'applique tant concernant un plan de cession totale, qu'un plan de cession partielle. Cette solution est logique puisque le cessionnaire s'engage à reprendre l'entreprise dans le but de résorber ses difficultés économiques. Par conséquent, le fait de lui imposer la poursuite de l'ensemble des contrats de travail le freinerait dans cette perspective. [...]
[...] Cependant, cette solution semble a priori bien spécifique aux cas des seuls licenciements décidés par le juge commissaire. Mais ne serait-il pas les prémices de l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation datant du 1er octobre 2003 dans lequel la Haute juridiction a eu l'occasion de se prononcer sur des licenciements dans le cadre du plan de cession. Elle affirme que l'administrateur judiciaire n'est en droit de procéder à des licenciements que s'ils sont prévus par le jugement arrêtant le plan Elle considère que des licenciements ne peuvent valablement intervenir en conséquence de l'adoption d'un plan de cession qu'à la condition que le jugement arrêtant le plan indique le nombre des licenciements autorisés, ainsi que les activités et catégories concernées, en sorte que l'administrateur judiciaire qui prononce un licenciement économique sans justifier de cette autorisation commet une faute pouvant engager sa responsabilité personnelle Cette règle devrait être généralisée pour les procédures ouvertes à compter du 1er janvier 2006 à tout licenciement pour motif économique intervenant en application d'un plan de cession. [...]
[...] En effet, il est des cas où l'exception issue de l'inapplicabilité de l'article L 122-12 alinéa 2 du Code du Travail à l'égard des licenciements effectués dans le cadre d'un plan de cession ouvert par le tribunal de commerce est lui-même écarté pour de nouveau faire place au principe du transfert. Ce sont les cas des salariés licenciés dans le cadre du plan de cession, et réembauchés immédiatement ou dans un laps de temps relativement court au sein de la société tierce qui a repris l'activité de l'entreprise cédée à laquelle ils appartenaient. [...]
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