Il s'agit d'un arrêt rendu par la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation en date du 3 mai 2007 relatif à une clause de non concurrence insérée dans un bail commercial.
En l'espèce, Mme X est titulaire d'un bail commercial portant sur un immeuble appartenant à la SCI Mailly I, son bailleur. Dans le contrat de location, est insérée une clause de non concurrence stipulant que : « le preneur ne pourra également en aucun cas, exploiter des commerces actuellement exercés par les autres locataires de l'immeuble…, le preneur déclarant parfaitement connaître les activités déjà exercées dans l'immeuble. »
Un changement de propriétaire et donc de bailleur est intervenu. Ce dernier n'a pas inséré de clause de non concurrence dans les baux commerciaux consentis par les 25 janvier 1989 et 1er septembre 1997 à la société Moly Textiles. Le bail commercial de Mme X a été postérieurement renouvelé mais aux conditions initiales : la clause de non concurrence figurait toujours dans son contrat.
Mme X a assigné la SCI pour faire valoir que la clause de non concurrence était devenu sans objet et donc inapplicable, du fait de « mutations économiques et transformations de commerces intervenues dans l'immeuble loué à divers commerçants ».
La Cour d'Appel de Montpellier a accueilli favorablement les arguments de la demanderesse dans un arrêt du 23 novembre 2005 en reconnaissant que le bailleur avait commis une faute contractuelle en n'insérant pas une clause de non concurrence dans les baux commerciaux consentis à la société Moly Textiles. Elle en a déduit la résolution de la clause de non concurrence se trouvant dans le contrat de location passé entre Mme X et la SCI.
La SCI a formé un pourvoi devant la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation faisant valoir que « le renouvellement du bail s'opère aux clauses et conditions du bail venu à expiration ». Elle ajoute que le juge ne saurait modifier les clauses d'un bail ni a fortiori en prononcer la résolution, sans méconnaître les dispositions de l'article 1134 du code civil et le décret N°53-960 du 30 septembre 1953.
[...] Pourtant, malgré ce principe fondamental du droit des obligations, la Cour de cassation admet qu'un locataire puisse invoquer l'absence de clause de concurrence dans le contrat de bail commercial de l'un de ses voisins pour qu'il ne soit lui-même plus soumis à sa clause de non-concurrence. En admettant que l'absence de clause dans un contrat puisse servir de fondement pour affirmer la résolution de la clause de non-concurrence d'un contrat distinct, les juges portent une atteinte flagrante à la relativité du contrat. Ils ont préféré donner davantage de poids à l'intention des parties sur l'effet relatif des conventions. Cette position se justifie dans la mesure où la clause de non- concurrence est d'une nature spécifique dans un bail commercial. [...]
[...] On peut se demander pourquoi les juges n'ont pas prononcé la résiliation de la clause litigieuse qui est une sanction de l'inexécution contractuelle. On peut tenter de justifier la solution de la Cour en admettant qu'elle a considéré que la clause de non-concurrence n'ayant plus d'objet du fait de l'absence de cause, il manquait une condition de validité de formation. Le caractère rétroactif de la résolution viendrait ici attester ce raisonnement (les juges prononcent la résolution de la clause au jour de l'assignation Mais cette analyse n'est pas très convaincante surtout que c'est au cours du temps que la clause a perdu son objet. [...]
[...] L'intention des parties de créer une zone de non-concurrence est d'autant plus fondamentale que la clause se trouvait dans tous les baux commerciaux, et ce, dès leur conclusion. Elle a donc pu être déterminante dans le consentement des preneurs à la conclusion du bail commercial. La clause introduit ainsi une dimension collective dans le bail commercial qui est un contrat pourtant synallagmatique. Comme le pourvoi y invitait les juges, il convient d'envisager cette clause sous l'angle du principe de la relativité des conventions. B. [...]
[...] En l'espèce, les juges considèrent que la zone de non-concurrence est indirectement affectée par l'absence de clause de non-concurrence dans tous les baux commerciaux. Il en découle pour les preneurs, la possibilité de se prévaloir de l'économie d'un contrat passé entre le bailleur et un autre locataire. De ce fait, la Cour donne une interprétation élargie de la notion de tiers. Les juges estiment que le bailleur commun est un lien entre les locataires qui ne sont plus considérés comme des tiers les uns vis-à-vis des autres L'immixtion du juge dans la sphère contractuelle. [...]
[...] Le locataire ne pouvait qu'engager la responsabilité délictuelle de son voisin. La possibilité a été reconnue par un arrêt de la Cour de cassation en Assemblée Plénière le 6 octobre 2006. Cette solution récente est peu satisfaisante pour le locataire dans la mesure où seule l'exécution forcée de l'obligation de non-concurrence serait véritablement de nature à faire cesser le préjudice qu'il subit. Cependant, l'obligation de non- concurrence est une obligation de ne pas faire qui se résout en dommages et intérêts en vertu de l'article 1147 du Code civil. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture