Rq : pour traiter ce cas pratique, il convient de se placer en avril 2004
L'entreprise E-Cultures (250 salariés) a pour activité la commercialisation de livres, de CD et
de DVD. L'essentiel de son personnel travaille à l'expédition des articles commandés en ligne
par les internautes. Depuis un certain temps, le climat social de l'entreprise s'est passablement
dégradé.
Deux salariés de l'entreprise (M. Emmanuel et M. Arnaud) travaillant à l'expédition des colis,
estiment ne pas être suffisamment payés eu égard aux cadences qui leur sont imposées. En
guise de rétorsion, pendant tout le mois de février 2004, ils ont décidé de ne préparer que 200
colis par jour au lieu des 300 qui leur sont demandés. Leur surprise, et surtout leur
mécontentement sont grands lorsqu'ils reçoivent leurs bulletins de paye du mois de février :
l'employeur a tout simplement amputé leur rémunération d'un tiers. Furieux, ils alertent
l'ensemble du personnel de l'entreprise.
Une trentaine de salariés non syndiqués décide de protester contre la mesure qui a été adoptée
à l'encontre de M. Emmanuel et de M. Arnaud. Ils décident ainsi, non seulement soutenir leur
camarades, mais également remettre en cause les conditions salariales qui sont en vigueur
dans l'entreprise. Le mot d'ordre de grève est lancé le 6 mars 2004 et 45 salariés arrêtent
immédiatement leur travail.
L'employeur restant sourd aux revendications, le mouvement se durcit très vite – des piquets
de grève sont mis en place. Le 10 mars 2004, deux grévistes (Mlle Sabrina et Mlle Sophie)
insultent et bousculent violemment des salariés non grévistes qui voulaient pénétrer dans
l'entreprise. L'employeur, M. François trouvant cette attitude inadmissible estime que des
sanctions sévères s'imposent à l'encontre de ces deux grévistes – il décide de les licencier sur
le champ. Une autre salariée (Mlle Sarah) subit le même sort dans la mesure où, avec l'aide
de trois salariés, elle a bloqué la sortie de plusieurs camions de l'entreprise. Mlle Sarah ne
comprend pas la sévérité de la sanction dont elle fait l'objet : après tout elle n'était pas la
seule à bloquer la sortie des camions et les autres salariés qui y ont participé n'ont fait l'objet
que d'un avertissement.
Le mouvement s'est finalement apaisé et la vie de l'entreprise a repris son cours. Plusieurs
salariés grévistes sont néanmoins surpris à la lecture de leur bulletin de paye du mois de
mars : leur salaire a non seulement fondu mais M. François a purement et simplement
supprimé leur prime d'assiduité pour le mois de mars. L'employeur entend par ailleurs
imposer des heures supplémentaires aux salariés afin de rattraper le retard pris dans le
traitement des commandes, mais il a d'ores et déjà annoncé que ces heures seraient payées au
taux normal dans la mesure où le retard pris est imputable à la grève.
Enfin, Mme Claire entend elle aussi contester la réduction de salaire qu'elle a subi au mois de
mars. Trois jours après le début de la grève, elle est tombée malade (bronchite aigue) et elle
n'a réintégré l'entreprise que le jour de la fin de la grève. Elle conteste le fait que l'employeur
ait refusé de l'indemniser de ses journées maladie.
Remarque : on suppose que les règles procédurales du licenciement (entretien préalable, lettre de licenciement)ont été respectées.
[...] Ils décident ainsi, non seulement soutenir leur camarades, mais également remettre en cause les conditions salariales qui sont en vigueur dans l'entreprise. Le mot d'ordre de grève est lancé le 6 mars 2004 et 45 salariés arrêtent immédiatement leur travail. L'employeur restant sourd aux revendications, le mouvement se durcit très vite des piquets de grève sont mis en place. Le 10 mars 2004, deux grévistes (Mlle Sabrina et Mlle Sophie) insultent et bousculent violemment des salariés non grévistes qui voulaient pénétrer dans l'entreprise. [...]
[...] La grève vise par nature à nuire à l'entreprise, mais elle est également un droit qui rentre directement en conflit avec deux autres libertés : la liberté de travail et la liberté d'entreprendre. La faute lourde doit être entendue de manière rigoureuse : - elle doit être directement et personnellement imputable au salarié - elle doit être d'une gravité démontrée, gravité que l'état d'insubordination actif et autorisé ne saurait justifier Sont constitutifs de faute lourde : - tous les actes qui s'opposent à la liberté de travail des salariés non grévistes - les voies de fait et les violences En l'espèce l'employeur peut imputer une faute lourde : - à Mlle Sabrina et Sophie qui ont bousculé et insulté des salariés non grévistes - à Mlle Sarah et aux trois salariés qui ont bloqué la sortie des camions de l'entreprise La faute grave étant caractérisée, ces salariés : perdent toute immunité que ce soit sur le plan disciplinaire ou le plan de la responsabilité civile peuvent être licenciés sans aucune indemnité de rupture (pas d'indemnité légale, ni d'indemnité de préavis ; ils perdent en outre leur indemnité de congés payés) l'employeur doit respecter la procédure de licenciement disciplinaire Donc en l'espèce : - Droit du travail Les conflits collectifs de travail l'employeur pouvait parfaitement décider de licencier Mlles Sabrina, Sophie et Sarah ; de même il pouvait sanctionner les trois complices de Mlle Sarah La preuve de la faute lourde pèse sur l'employeur qui est libre d'utiliser tous modes de preuve (ex : identification des salariés participant à un piquet de grève à partir de photographies annexées à un constat d'huissier qui n'avait pas donné lieu contestation). [...]
[...] Droit du travail Les conflits collectifs de travail En l'espèce, le mouvement lancé le 6 mars 2004 et suivi par 45 salariés est motivé par la volonté de remettre en question des conditions salariales de l'entreprise. Forme de l'arrêt de travail les salariés doivent complètement cesser le travail. Lorsque les salariés décident de ralentir les cadences ou d'exécuter leur travail de manière défectueuse, le mouvement ne peut plus revêtir la qualification de grève au sens juridique du terme les grèves perlées sont illicites. [...]
[...] Ici, il convient d'interroger d'autres salariés non grévistes qui ont été absents dans le courant du mois de mars afin de voir si leur prime a également été supprimée. Dans le cas d'une réponse affirmative, la mesure prise par M. François est licite. La question des heures supplémentaires M. François souhaite recourir à des heures supplémentaires afin de rattraper le retard pris dans l'expédition des colis. Le recours aux heures supplémentaires est possible (dans la limite du contingent annuel) mais ces heures supplémentaires doivent être rémunérées en tant que telles. [...]
[...] Enfin, Mme Claire entend elle aussi contester la réduction de salaire qu'elle a subi au mois de mars. Trois jours après le début de la grève, elle est tombée malade (bronchite aigue) et elle n'a réintégré l'entreprise que le jour de la fin de la grève. Elle conteste le fait que l'employeur ait refusé de l'indemniser de ses journées maladie. Remarque : on suppose que les règles procédurales du licenciement (entretien préalable, lettre de licenciement) ont été respectées. Cas pratique - Eléments de réponse Une distinction fondamentale est à opérer entre deux concepts : - l'exercice normal du droit de grève qui bénéficie de l'immunité liée à l'exercice d'un droit constitutionnel - les mouvements illicites (et non plus grève illicite) : notion de faute aucune protection pour les salariés Intérêt de la distinction : Dans le cadre d'un exercice normal du droit de grève : - toute réaction patronale sur le plan disciplinaire est nulle (licenciement, mise à pied ) - le salarié bénéficie d'une immunité totale en matière de responsabilité civile Droit du travail Les conflits collectifs de travail Dans le cadre d'un mouvement illicite : - les salariés participants commettent des fautes : possibilité de sanctions disciplinaires - possibilité d'être condamnés à réparer le préjudice subi par l'entreprise en cas d'intention de nuire Enjeu : le salarié souhaite faire reconnaître à son mouvement le caractère de grève ; l'employeur quant à lui dénie cette qualification afin de recouvrer le plein exercice de ses prérogatives notamment le droit de licencier, de sanctionner et d'agir en responsabilité civile. [...]
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