Le pouvoir de direction est le pouvoir donné à l'employeur en raison du lien de subordination et de la liberté d'entreprendre qui lui permet d'administrer seul l'entreprise et ses préposés.
A ce titre, c'est lui qui édicte un règlement intérieur, qui contrôle et surveille l'activité de ses salariés, et, dans certains cas, les sanctionne en cas de faute professionnel. Il dispose ainsi d'un pouvoir disciplinaire. Avant 1982, le pouvoir disciplinaire était admis comme un pouvoir de contrainte exprimé sans contrôle. Une thèse dénommée contractualiste a été élevée dans l'arrêt « Brinon » de 1956 (Cass.soc. 31 mai 1956) : « l'employeur qui porte la responsabilité de l'entreprise est seul juge de ses choix et de sa gestion ». Du fait du lien de subordination qui caractérise le contrat de travail, le chef d'entreprise avait le pouvoir de condamner le salarié en se fondant sur ce pouvoir disciplinaire. L'employeur était alors en droit de choisir librement la sanction prévue dans le règlement intérieur et aucun contrôle du juge n'était possible. La loi du 4 août 1982 est venue protéger davantage les droits des salariés en organisant une procédure disciplinaire et en donnant aux juges le soin de vérifier l'étendue de ce pouvoir. Cette loi, intégrée aux articles L1331-1 et suivants du Code du travail, met en exergue deux idées : ce pouvoir est un attribut indispensable du chef d'entreprise, mais il ne peut être mis en œuvre que dans l'intérêt de la société et suppose donc un contrôle.
En l'espèce, un salarié a participé à une rixe avec deux de ses collègues. Son employeur, qui lui a signifié une mise à pied de trois jours lui annonce par écrit, plus de deux mois après l'incident, une mesure de rétrogradation le concernant. Par retour de courrier à l'employeur, le salarié conteste la procédure qui a été suivie, s'indigne de sa seule mise en cause dans le trouble et refuser d'être affecté au nouveau poste.
Dès lors, il conviendra de se demander quelles sont les règles qui régissent le pouvoir disciplinaire de l'employeur ?
[...] Un délai raisonnable doit être respecté et il doit informer le salarié qu'il a le droit de se faire assister (par un avocat, ou un représentant du personnel par exemple). Lors de cet entretien individuel, le chef d'entreprise enregistre ses explications. L'absence du salarié ne peut pas être retenue à son encontre, étant donné que cette formalité est prévue dans son intérêt personnel (Cass.soc 28 novembre 2000). Mais en l'espèce, aucune demande d'entretien préalable n'est mentionnée. L'employeur a donc omis (volontairement ou non) d'organiser cet entretien et d'en informer son salarié. [...]
[...] Il peut choisir de sanctionner différemment des salariés auxquels il reproche les mêmes faits : il dispose d'un pouvoir d'individualisation de son pouvoir de sanction. Mais ce pouvoir est face à une double limite. D'abord celle du contrôle des juges qui vérifient qu'il n'y a pas eu de détournement de pouvoir en prenant en considération les différences de traitement infligées à des salariés pour des faits identiques (Cass.soc 14 mai 1998), mais aussi les limites légales : la sanction doit être prévue dans le règlement intérieur, la sanction doit être proportionnée au manquement reproché, les sanctions pécuniaires et discriminatoires sont interdites. [...]
[...] En guise d'exemple jurisprudentiel, le récent arrêt de la Cour de cassation en date du 5 juin 2008 a censuré une décision de la cour d'appel justifiant un licenciement pour faute grave et violences aux motifs que pour apprécier la gravité de la faute, il appartenait à celle-ci de rechercher si le déclenchement de la rixe était imputable au salarié et de tenir compte de l'ensemble des circonstances de fait au regard, notamment, de l'ancienneté et du comportement antérieur de ce salarié Dans notre cas d'espèce, la faute de l'employé peut être considérée comme sérieuse voire légère. En tout état de cause, l'employeur n'a pas décidé d'aller jusqu'au licenciement. La faute ainsi déterminée, l'employeur, en vertu de son pouvoir disciplinaire, va prononcer une sanction. [...]
[...] Si elle est prévue par le règlement intérieur, l'employeur peut donc décider de rétrograder un salarié sur un poste inférieur à celui qu'il occupait précédemment. Bien souvent, elle s'accompagne d'une diminution de salaire en raison de ce nouveau poste de travail avec une qualification moindre. Pourtant, il ne s'agit pas d'une sanction pécuniaire interdite parce que le nouveau salaire correspond au nouveau poste de travail. Par ailleurs, il ne s'agit pas non plus d'une double sanction, car la baisse du salaire n'est que la conséquence de ce nouvel emploi. [...]
[...] Le juge contrôlera l'existence de la faute, sa gravité, la proportionnalité et la validité de la sanction, la régularité de la procédure. Tout ceci remet en cause la théorie selon laquelle l'employeur est le seul juge de la sanction. L'article L1333-2 du Code du travail permettra aux juges d'annuler la sanction en cas de procédure irrégulière, de disproportion ou de caractère non justifié de la sanction. Du fait des vices de procédure, l'employeur pourra être condamné au versement de dommages-intérêts en fonction du préjudice subi par l'employé. [...]
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