Aux termes des alinéas 6 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : "Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale..." et "Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises." Dans une décision du 6 novembre 1996, le Conseil constitutionnel a considéré que, si ces dispositions « confèrent aux organisations syndicales vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs, elles n'attribuent pas pour autant à celles-ci un monopole de la représentation des salariés en matière de négociation collective ».
Dès lors, le législateur était donc à même de diversifier la conduite de la négociation collective et de reconnaître à d'autres acteurs que les traditionnelles organisations syndicales représentatives le droit de négocier et conclure une convention ou accord collectifs soumis aux articles L131-1 et suivants du Code du travail.
L'identité de ces parties signataires des conventions et accords collectifs de travail, autrement dit des « négociateurs », était donc susceptible d'évolution au plan législatif. Mais il fallait que cette évolution s'articule autour d'un axe majeur : la nécessité de préserver et renforcer la « légitimité » de la norme négociée, en tant que source de plus en plus importante du droit du travail. En effet, toutes ces conventions et accords collectifs, élaborés à des degrés divers (au niveau national, régional, local, interprofessionnel, professionnel, de branche, du groupe, de l'entreprise, ou de l'établissement), que l'on pourrait qualifier aux côtés du professeur Teyssié de « lois d'essence contractuelles », ont toujours pour vocation de gouverner une collectivité et de s'imposer à elle.
Si au départ, les premiers conventions et accords collectifs de travail - soumis au droit civil des contrats et au champ d'application circonscris par la volonté des parties - étaient toujours négociés entre les employeurs et organisations syndicales, cette situation s'est vite révélée insuffisante. En effet, le faible taux de syndicalisation français (notamment au sein des petites et moyennes entreprises privées) avait pour effet de « bloquer » en pratique la négociation collective à bien des niveaux… Ce qui contrastait étrangement avec la reconnaissance du droit de chaque salarié à la négociation collective – et ce, quel que soit donc l'effectif de son entreprise -, et avec l'importance croissante de la négociation collective, plus souple et proche de la réalité des entreprises que la loi.
Le législateur, confronté à ce problème, s'est donc laissé guider par le souci de rendre plus concret l'exercice du droit à la négociation pour faire évoluer les textes en la matière. L'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995, qui ouvrait la négociation collective aux élus du personnel, sans toutefois remettre en cause le rôle donné par la loi aux organisations syndicales représentatives dans ce domaine, lui a montré le chemin. C'est dans cette logique d'ouverture que se sont inscrites la loi du 12 novembre 1996, puis la très importante loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social. Cette dernière consacre en effet, à certaines conditions, le droit à la négociation collective des représentants élus du personnel et des salariés mandatés par des organisations syndicales représentatives.
Désormais, les organisations syndicales ne sont plus les seuls négociateurs, aux côtés des employeurs, aux conventions et accords collectifs de travail. Aussi, face à ces évolutions, il convient de s'interroger sur l'acquisition de la qualité de signataire à la convention ou à l'accord collectif de travail.
La qualité de négociateur est traditionnellement conférée du côté patronal et du côté salarial, cette bipolarisation ayant été confirmée par la loi du 4 mai 2004 (I). Cependant, depuis cette loi, les représentants des salariés ne sont plus exclusivement les délégués syndicaux. Subsidiairement, d'autres représentants peuvent aujourd'hui participer à la négociation collective (II).
[...] Cependant, la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 16 mars 2005, a exigé que l'organisation patronale remplisse les conditions de la représentativité lorsqu'il s'agit d'une procédure d'extension d'un accord collectif. De plus, selon un arrêt du 4 novembre 1971 de la chambre sociale, l'organisation patronale devra en tous les cas être habilitée à négocier et conclure au nom de ses adhérents, par exemple par ses statuts, ou par une délibération spéciale. Il faut préciser que dans le cadre de conventions ou accords de groupe, l'article L132-19-1 du Code du travail dispose que la convention ou l'accord collectif de travail est négocié et conclu du côté patronal par l'employeur de l'entreprise dominante ou un ou plusieurs représentants, mandatés à cet effet, des employeurs des entreprises concernées par le champ de la convention ou de l'accords Il faudra entendre par entreprise dominante la définition qu'en a donné le législateur dans l'article L439-1 du Code du travail relatif aux comités de groupe : l'entreprise devra soit détenir la majorité du capital de la société dominée, soit la majorité des droits de vote dans les assemblées, soit être en droit de nommer la majorité des membres du Conseil d'administration ou de surveillance, soit détenir plus de 10% du capital de la société dominée tout en entretenant avec elle une relation commerciale permanente et importante (par exemple, un contrat de sous-traitance). [...]
[...] Jeammaud - Le manuel Droit du travail droit vivant éditions liaisons 15ème édition 2006/2007 de J.E. [...]
[...] Le salarié mandaté ne pourra tout d'abord conclure un véritable accord collectif de travail qu'en l'absence de délégués syndicaux ou de représentants élus du personnel. Par conséquent, son intervention est supplétive de toute autre forme de représentation du personnel dans l'entreprise. En outre, cette faculté devra être autorisée par une convention de branche ou un accord professionnel étendu de même que pour l'intervention des représentants élus du personnel en tant que négociateurs. Enfin, les salariés de l'entreprise ou de l'établissement devront approuver le mandat à la majorité des suffrages exprimés Le législateur a donc encadré assez fortement ce mandatement du salarié. [...]
[...] De plus, ce même article énonce que les accords d'entreprise ou d'établissement ainsi négociés avec des représentants élus du personnel devront être approuvés par une commission paritaire nationale de branche (dont les modalités de fonctionnement sont prévues par la convention de branche ou professionnel étendu. A défaut, ils n'auront pas la qualité d'accords collectifs de travail et seront réputés non écrits. Enfin, lesdits accords d'entreprise ou d'établissement ne pourront entrer en application qu'après leur dépôt auprès de cette autorité administrative dans les conditions de l'article L132-10 du Code du travail. Par conséquent, l'objectif affiché par le législateur de 2004 est loin d'être atteint, et la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux n'est toujours pas assurée. [...]
[...] L'identité de ces parties signataires des conventions et accords collectifs de travail, autrement dit des négociateurs était donc susceptible d'évolution au plan législatif. Mais il fallait que cette évolution s'articule autour d'un axe majeur : la nécessité de préserver et renforcer la légitimité de la norme négociée, en tant que source de plus en plus importante du droit du travail. En effet, toutes ces conventions et accords collectifs, élaborés à des degrés divers (au niveau national, régional, local, interprofessionnel, professionnel, de branche, du groupe, de l'entreprise, ou de l'établissement), que l'on pourrait qualifier aux côtés du professeur Teyssié de lois d'essence contractuelles ont toujours pour vocation de gouverner une collectivité et de s'imposer à elle. [...]
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