Les avantages accordés par l'employeur qui ont un caractère de généralité, de constance et de fixité sont considérés par la jurisprudence comme un usage d'entreprise. Au regard de la hiérarchie des normes, l'usage d'entreprise se situe entre le contrat de travail et les accords collectifs de travail, sa dénonciation est possible mais soumise à des conditions énoncées par la jurisprudence.
En l'espèce, la société CFTA accordait, en vertu d'usages constants, à ses salariés absents pour cause de maladie, le maintien de leur salaire et payait au personnel de conduite, le samedi, un forfait excédant la rémunération des heures effectivement travaillées. L'employeur a dénoncé ces usages par courrier au motif qu'un préavis de grève avait été déposé. Suite à l'intervention de l'inspecteur du travail, la société retirait sa décision quelques semaines plus tard. L'employeur a ensuite averti le comité d'entreprise de sa volonté de dénoncer les usages, chose qu'il a faite par lettre le 20 décembre 1990 avec préavis de trois mois.
Mr El Kebir et 5 autres salariés ont alors saisi la juridiction prud'homale afin de se voir allouer les sommes correspondant à l'application des usages dénoncés. Dans un arrêt du 2 avril 1992, le conseil prud'hommes a accueilli leur demande. La société CFTA a alors formé un pourvoi afin que les salariés requérants ne se voient pas accorder le bénéfice des usages dénoncés se fondant sur la méconnaissance des dispositions de l'article 1134 du Code civil.
Il est ici question de savoir si la dénonciation d'un usage d'entreprise doit être motivée et si elle peut se fonder sur un motif illicite.
La Cour de cassation a répondu que "s'il est exact que la dénonciation d'un usage n'a pas à être motivée, elle est néanmoins nulle s'il est établi que le motif, qui a entraîné la décision de l'employeur, est illicite". Elle a donc rejeté le pourvoi de la société CFTA.
Ainsi, il apparaît que l'employeur est tout à fait en droit de supprimer un usage dans son entreprise sans motivation de sa part : "la dénonciation d'un usage n'a pas à être motivée" mais la dénonciation est tout de même soumise au respect d'une procédure formelle (I). Néanmoins bien que le motif ne soit pas une nécessité dans la dénonciation de l'usage par l'employeur, la jurisprudence rend une décision surprenante en prenant en compte la motivation réelle de l'employeur énonçant que la dénonciation " est néanmoins nulle s'il est établi que le motif, qui a entraîné la décision de l'employeur, est illicite" (B).
[...] 1993) "les contrats à durée indéterminée c'est- à-dire les contrats à exécution successive conclus sans détermination de durée impliquent, en principe, le pouvoir de se dégager unilatéralement. Se reliant à la prohibition des engagements perpétuels, la règle a pour but la sauvegarde de la liberté individuelle" . La Cour de cassation a ici retenu la même solution afin de sauvegarder la liberté individuelle et a donc appliqué celle-ci dans le domaine des conventions collectives. Elle confirme ainsi la règle selon laquelle la dénonciation d'un usage n'a pas à être motivée, règle que l'on retrouve dans des arrêts antérieurs (Cass. Soc oct 1993: Bull. civ. nº293). [...]
[...] L'employeur a dénoncé ces usages par courrier au motif qu'un préavis de grève avait été déposé. Suite à l'intervention de l'inspecteur du travail, la société retirait sa décision quelques semaines plus tard. L'employeur a ensuite averti le comité d'entreprise de sa volonté de dénoncer les usages, chose qu'il a faite par lettre le 20 décembre 1990 avec préavis de trois mois. Mr El Kebir et 5 autres salariés ont alors saisi la juridiction prud'homale afin de se voir allouer les sommes correspondant à l'application des usages dénoncés. [...]
[...] Ainsi, la dénonciation avait pour seul but de tenter de faire échec à l'exercice normal par des salariés du droit de grève. Or, le droit de grève est reconnu constitutionnellement (CE Dehaene juillet 1950). C'est sur ce principe que le conseil des prud'hommes justifie légalement sa décision en accueillant la demande des salariés en paiement des sommes correspondant à l'application des usages dénoncés. Nous pouvons donc penser que le motif est illicite dès lors qu'il n'est pas lié à l'économie ou à un intérêt de l'entreprise. [...]
[...] Elles doivent être exécutées de bonne foi." C'est sur ce principe issu du droit commun des contrats que se fonde la société CFTA pour prétendre à la nullité des prétentions de Mr El Kebir et autres. Or, la jurisprudence a estimé (cass.1er civ février 1985: Bull. civ. que si le contrat est la loi commune aux parties , la liberté qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 justifie qu'un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l'un ou l'autre des contractants. C'est ce qu'expliquent F Terré, Ph. Simler et Y. Lequette dans Les obligations (Dalloz, 5e éd. [...]
[...] Le paradoxe jurisprudentiel C'est une solution surprenante que rend ici la Cour de cassation, en effet elle énonce d'une part que l'employeur n'est pas tenu de motiver sa décision de mettre un terme à l'usage et d'autre part elle s'appuie sur le motif de l'employeur pour rejeter le pourvoi. Ainsi, elle fonde sa solution sur un critère qui ne constitue pas un élément nécessaire à la dénonciation. [...]
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