« La communauté a pour mission de combiner la réalisation du marché intérieur avec la promotion d'« un niveau d'emploi et de protection sociale élevé ». Les objectifs de politique sociale, notamment l'« amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès », doit donc être « mis en balance » avec « l'abolition des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux », que commande la réalisation du marché intérieur ».
C'est dans ce cadre, celui du dilemme de l'Europe sociale et de l'Europe économique, que les arrêts de la Cour de Justice des Communautés européennes ont été rendus les 11 et 18 décembre 2007. Ces deux arrêts sont relatifs à des entreprises qui ont entendu exercer leurs libertés de prestation de services ou d'établissement propres au Marché commun. Alors, ces entreprises ont chacune été confrontées à la question du droit syndical international.
En l'espèce, ces deux affaires concernent des syndicats menant une action contre le dumping social. Dans l'affaire Viking il s'agit de lutter contre un pavillon de complaisance. Dans l'affaire Laval, il s'agit d'une filiale de la société lettone Laval qui travaillait sur des chantiers de construction en Suède.
[...] Ceci n'est pas une solution nouvelle, et d'autres jurisprudences communautaires avaient déjà admis que l'exercice de droits fondamentaux pouvait justifier des restrictions aux libertés économiques ( CJCE 12 juin 2003, Schmidberger et CJCE 14 octobre 2004, Omega). Si le droit de mener une action collective a été proclamé dans ces deux arrêts dans le but de répondre à la finalité sociale de l'Europe, il n'en reste pas moins qu'elle reste difficilement compatible avec la finalité économique première de l'Europe. Ce qui définit l'Union européenne, c'est d'abord des libertés économiques. Si elles peuvent être restreintes par des actions collectives, l'existence même du Marché commun pourrait être remise en cause. [...]
[...] L'arrêt Albany du 21 septembre 1999 de la Cour de Justice des Communautés européennes concernait un accord collectif qui rendait obligatoire l'affiliation à un fond de pension, faussant ainsi la concurrence. Dans cette affaire, le juge communautaire n'avait pas été jusqu'à consacrer le droit de la négociation collective, mais s'était contenté d'un encouragement. Il faut noter que si la nature de l'UE a parfois été définie par le modèle social européen (l'article du Traité prescrivant une fonction particulière à la Communauté : L'Union établit un marché intérieur. [...]
[...] Dans l'affaire Viking, il est affirmé que des actions collectives visant à mener une entreprise étrangère à conclure une convention de travail avec un syndicat susceptible de la dissuader de faire usage de sa liberté d'établissement restreignent cette liberté Sur le même ton, il est attesté dans l'affaire Laval que le droit des organisations syndicales d'un Etat membre de mener des actions collectives est susceptible de rendre moins attrayant, voire plus difficile, pour ces entreprises l'exécution de travaux de construction sur le territoire suédois et constitue donc une restriction à la libre prestation de services Selon la logique de la jurisprudence communautaire, toute restriction ou tout ce qui peut rendre moins attrayante la liberté de circulation constitue une entrave. L'action collective est donc une entrave. Mais au-delà de l'Europe économique, la Communauté a également pour objectif de mener une politique sociale. Notamment, un des objectifs est d'améliorer les conditions de vie et de travail. [...]
[...] On peut citer la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989, l'article 151 du Traité CE qui se réfère à la Charte sociale européenne, l'article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE. Il est également admis par le Conseil de l'Europe dans la Charte sociale européenne du Conseil de l'Europe et dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. S'inspirant de ces textes, la Cour de Justice des Communautés européennes reconnaît dans les arrêts du 11 et 18 décembre 2007 le droit de mener une action collective, notamment le droit de grève, comme un droit fondamental faisant partie des principes généraux du droit communautaire. [...]
[...] Ainsi, selon les détracteurs de ces arrêts, la CJCE établissait une sorte de hiérarchie entre les différentes libertés mettant la liberté de circulation et d'établissement devant le principe de l'égalité de traitement entre les salariés. Au regard des solutions apportées à ces arrêts, l'Europe économique semble donc primer sur l'Europe sociale bien que l'arrêt Viking reconnaisse le droit de grève comme un droit fondamental de l'Union il limite les actions collectives à des revendications visant le respect des minimas sociaux imposés par le droit communautaire aux Etats membres. Le CJCE semblait d'ailleurs confirmer cette interprétation en statuant dans un sens similaire le 3 avril 2008 dans un arrêt Rüffert. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture