Travailleur indépendant, lien de subordination, relation contractuelle, contrat de travail, demande en requalification, monde économique innovant, subordination juridique, travail salarié, affaire Take Eat Easy, Uber, arrêt Uber
Alain Supiot disait, « la subordination ne saurait constituer un horizon insurpassable ». Voué à une diffusion internationale, l'arrêt de principe Uber rendu par la Chambre sociale de la Haute juridiction judiciaire le 4 mars 2020, constitue une contribution significative à la détermination du régime applicable aux travailleurs des plates-formes, tout en consolidant une ligne jurisprudentielle que laissait déjà deviner la décision Take Eat Easy du 28 novembre 2018.
[...] La représentation du travail indépendant, se compose, de la constitution par le travailleur d'une clientèle propre et la liberté pour ce travailleur de fixer ses tarifs et de déterminer les conditions d'exécution de sa prestation de service. Or, cette représentation ne prend pas en compte toutes les formes de travail non salarié tolérées par le droit. Par exemple, il existe des travailleurs salariés dont l'activité n'implique pas nécessairement la constitution d'une clientèle propre mais plutôt l'exploitation de la clientèle d'autrui. [...]
[...] Cet arrêt nous conduira à examiner successivement la prépondérance donnée par la Chambre sociale au principe de réalité sur l'apparente indépendance du travailleur en s'appuyant sur les critères classiques du contrat de travail qui néanmoins, met l'accent sur une contrainte sous l'organisation du travail qui justifie le lien de subordination (II). Une prééminence du principe de réalité au cœur de l'opération de requalification en contrat de travail Afin de pouvoir requalifier en salariat les juges, s'adonnent au préalable à l'analyse de la « réalité » de l'indépendance d'un travailleur pour ensuite, mettre en lumière les indices de subordination à l'aide d'une grille de compréhension des faits d'espèce, en appliquant un double faisceau d'indices Une confrontation du travail indépendant à la réalité d'un monde économique innovant En l'espèce, la société Uber fait valoir différents indices en faveur du statut d'indépendant, « totalement libre de se connecter ou non, de choisir l'endroit et le moment où il entend se connecter, sans en informer la plateforme à l'avance » mais aussi, « libre d'accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses », arguments pourtant balayés par la Chambre sociale. [...]
[...] Or, il apparaît que la Chambre sociale s'est surtout focalisée sur l'absence d'indépendance réelle du travailleur pour en déduire un lien de subordination juridique. La Cour de cassation évoque le caractère « fictif », cette affirmation interroge, en ce qu'elle peut faire écho à des arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne qui rappelle qu'une personne doit être qualifiée de travailleur au sens du droit social de l'Union si son indépendance est fictive (Allonby 13 janvier 2004, FNV Kunsten Informatie en Media 4 décembre 2014), mais également, à la dissimulation du salariat par le détournement du statut d'auto-entrepreneur mise en lumière par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation dans une décision Formacad le 7 juillet 2016. [...]
[...] Cette « incitation » apparaît ainsi comme un substitut de l'obligation pour le salarié de mettre sa force de travail à la disposition de l'employeur. Par conséquent, la catégorie de contrat de travail se trouve bien caractérisée dans tous ses éléments. « Loin de décider librement de l'organisation de son activité de rechercher la clientèle, ou de choisir ses fournisseurs, le chauffeur avait intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par la société Uber », il est important de relever qu'en l'espèce, la référence au service organisé prend une tournure assez particulière. [...]
[...] C'est un indice ici de non-indépendance, et donc du lien de subordination qui suggère l'existence d'un contrat de travail. De plus, le chauffeur a signé un « formulaire d'enregistrement de partenariat », qui est habituellement transmis de façon dématérialisée et rédigé en petits caractères, à ce propos, les juges anglais ne mâchent pas leurs mots quant à ce document, le qualifiant « d'arrangements contractuels alambiqués, complexes et artificiels, formulés sans aucun doute par une batterie d'avocats ». Ainsi, il est possible d'en conclure sans trop grand risque d'erreur que le chauffeur ne lit pas les abondants documents contractuels, pour la plupart illisibles, on ne saurait mieux décrire l'absence de liberté réelle du chauffeur lorsqu'il contracte. [...]
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