Un accord-cadre prévoyant le bénéfice d'une prime anniversaire pour les salariés bénéficiant d'une certaine ancienneté avait été signé au sein d'un groupe de sociétés. Il renvoyait à un calendrier qui devait être négocié dans chaque société pour la mise en œuvre de cette prime. Un accord d'entreprise au sein de l'une des sociétés fut négocié par les partenaires sociaux.
Il prévoyait que la prime anniversaire d'entrée dans le groupe serait applicable à compter du mois suivant la signature de l'accord, à l'exclusion de l'un des établissements de l'entreprise, qui n'en bénéficierait qu'un an après. Des salariés de l'établissement en question saisirent le Conseil des Prud'hommes en paiement de cette prime anniversaire, en se prévalant du principe « à travail égal, salaire égal ».
Le Conseil des Prud'hommes statuant en dernier ressort leur donna raison, l'employeur se pourvu en cassation, ainsi que certains salariés. Selon l'employeur, ne méconnaissait pas l'accord collectif différant la date d'entrée en vigueur de la prime anniversaire, car cette distinction était fondée sur des raisons objectives, tenant notamment aux capacités financières de l'entreprise et à la nécessité de pouvoir cependant offrir à la grande majorité des salariés – tous sauf ceux de l'établissement en question – le bénéfice de cette prime. Ainsi, le Conseil des Prud'hommes, aurait violé l'accord collectif en question.
Un accord collectif d'entreprise, peut-il prévoir une distinction selon les établissements dans le versement d'une prime au vu des capacités financières de l'entreprise ?
[...] Nous allons voir maintenant pourquoi, de manière générale, la négociation collective ne peut méconnaître un tel principe. Le respect du principe de légalité En toute hypothèse, la convention collective ne peut prévoir de dispositions contraires à l'ordre public absolu auquel appartient le principe à travail égal, salaire égal et doit être considérée comme nulle La primauté de l'ordre absolu sur la convention collective Le principe à travail égal, salaire égal qui impose à l'employeur d'assurer une égalité de traitement entre salariés placés dans une situation identique, a été dégagé dans un arrêt du 29 octobre 1996. [...]
[...] Cependant, on peut s'interroger sur l'opportunité d'une sanction comme la nullité (ou la clause réputée non écrite). En effet, l'illicéité de la convention n'était que temporaire (jusqu'à la date où les salariés de l'établissement exclu bénéficieraient de la prime). Or, annuler définitivement la clause, remettre les parties en l'état et donc les obliger à renégocier, paraît être peu adéquat. En l'espèce, il semble que la clause devrait uniquement être privée d'effet jusqu'au jour où la situation n'aurait plus été illicite, afin de rétablir la licéité sans revenir sur une négociation qui avait permis à de nombreux salariés du groupe d'obtenir des avantages importants. [...]
[...] Cour de cassation, chambre sociale octobre 2009 - la négociation collective Bien que la liberté de la négociation collective soit le principe, nous allons voir que les partenaires sociaux ne peuvent déroger au principe d'égalité entre les salariés. Le principe d'égalité s'apprécie restrictivement, toute distinction devant être justifiée par une raison objective tenant à la situation du salarié. Un accord-cadre prévoyant le bénéfice d'une prime anniversaire pour les salariés bénéficiant d'une certaine ancienneté avait été signé au sein d'un groupe de sociétés. [...]
[...] En effet, au jour où l'avantage serait finalement concédé aux salariés de l'établissement exclu, la distinction donc l'illicéité cesseraient. Cependant, cette relativité de l'illicéité ne permet pas d'accueillir le pourvoi, dès lors que la différence de traitement n'était pas fondée sur des raisons objectives, quoique temporaire, cette situation était illicite en vertu de l'ordre public absolu Le sort de la convention collective illicite En principe, la convention d'entreprise devrait être nulle. Cependant, une convention est acte divisible, donc on pourrait restreindre cette nullité aux seules clauses illicites prévoyant une mise en œuvre différée de la prime pour les salariés de l'établissement en question. [...]
[...] Un accord collectif d'entreprise, peut-il prévoir une distinction selon les établissements dans le versement d'une prime au vu des capacités financières de l'entreprise ? La Cour de cassation déclare le pourvoi des salariés irrecevables pour des raisons procédurales, car le Conseil des Prud'hommes n'avait pas statué en dernier ressort, son taux de compétence étant épuisé. Parallèlement, elle rejette le pourvoi de l'employeur en retenant que le choix des partenaires sociaux d'exclure les salariés d'un établissement du bénéfice d'une prime, même aux fins de permettre au plus grand nombre d'en bénéficier rapidement, ne pouvait se justifier par les capacités budgétaires de l'entreprise. [...]
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