La confrontation entre droits fondamentaux et mutation géographique n'apparaît pas pour le moins étonnante. Il est impossible de nier la recrudescence de l'utilisation des clauses de mutation géographique qui donne lieu, depuis quelques années, à un abondant contentieux. Ce qui permet alors au juge de peaufiner, à sa guise, la construction du régime de la mutation géographique. Il s'agit de clauses insérées dans le contrat de travail par lesquelles le salarié consent, par avance, à changer de lieu de travail. De prime abord, celles-ci apparaissent contraires au célèbre article L.120- 2 qui proclame que " nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne sauraient être justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ". L'arrêt dont il est question a du statuer sur ce sujet ô combien fascinant touchant aux droits et libertés fondamentaux.
Par un arrêt en date du 28 mars 2006, les juges de la chambre sociale de la Cour de cassation ont cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel au visa des articles L.122-14-4 et L.120-2 du Code du travail. A cette deuxième question d'une éventuelle atteinte à une liberté fondamentale, ils ont répondu par la négative. Ils ont considéré que "la mutation géographique ne constitue pas en elle-même une atteinte à la liberté fondamentale du salarié quant au libre choix de son domicile". Ils vont même plus loin en précisant que cela ne justifie pas la nullité du licenciement, admise par les juges du fond. Éventuellement, la mutation géographique peut priver de cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié si l'employeur l'a mis en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.
Force est de constater que cette solution porte un intérêt majeur en ce qu'elle précise une fois de plus le régime de la mutation géographique. Les juges de la Cour de cassation la considère comme étant d'une véritable importance. Cela se perçoit au travers des différents moyens utilisés pour qu'elle soit connue aux yeux de tous. Cet arrêt, à la fois, fait l'objet d'une publication, est inscrit au bulletin de la Cour et est même diffusé via internet sur le site de la Cour de cassation ( cf. les lettres P+B+I apposées à la suite de l'arrêt ). Il apparaît quelque peu inhabituel que la Cour se base sur le fondement des libertés fondamentales. Il serait d'usage de contrôler la mutation au regard de son entrée ou non dans le " socle contractuel ". Il faut, en outre, remarquer que la Cour de cassation confirme des solutions précédemment établies en y apportant quelques précisions non négligeables. Il conviendra alors d'envisager les deux précisions fournies de manière séparée pour opérer plus de clarté dans l'analyse. Il faut alors pour commencer constater l'insuffisance de la seule mutation géographique pour causer une atteinte à la liberté fondamentale du libre choix du domicile du salarié ( I ). Puis, il faudra envisager la conséquence logique découlant de cette solution en constatant que les juges ont opté pour une solution adaptée par l'éventuelle requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse fondée sur l'exigence de bonne foi ( II ).
[...] En effet, en mutant une salariée à des centaines de kilomètres de son précédent lieu de travail, il se doutait bien qu'elle avait devoir entreprendre un déménagement. Puis, en lui imposant de retourner sur son premier lieu d'affectation, l'employeur savait pertinemment que cette décision allait engendrer un second déménagement. Cette absence de bonne foi de la part de l'employeur est très visible. Ce qui ne devrait pas trop poser de problèmes à la salariée afin d'en apporter la preuve lors du renvoi après cassation. [...]
[...] Elle fonde ainsi son argumentation sur les droits et libertés fondamentaux des salariés. La cour d'appel avait effectué un raisonnement similaire mais avait, elle, conclu à l'existence d'une atteinte à une liberté fondamentale. Au regard de ce qui est affirmé dans cet attendu d'une grande importance, les juges de cassation déclarent de manière extrêmement explicite que la mutation géographique ne cause pas d'atteinte à la liberté fondamentale du salarié quant au libre choix de son domicile. A priori la clause de mobilité géographique est valable contrairement à la clause de non concurrence ou la clause d'exclusivité qui, elles sont en principe illicites. [...]
[...] Ainsi, lorsque l'employeur utilise de manière abusive une clause de mobilité même sans causer une atteinte à une liberté individuelle, il devra nécessairement être sanctionné. Le licenciement n'a plus lieu d'être. C'est pourquoi, les juges n'hésitent pas à opérer cette requalification. Dans l'arrêt dont il est question, les juges posent certaines exigences à l'éventuelle requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ils l'admettent si l'employeur a mis en oeuvre la mutation géographique " dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle Les juges font appel à ce bon vieux principe indémodable qu'est la loyauté au sein du contrat. [...]
[...] Récemment, lors d'un contrôle de clauses de mobilité et du changement des conditions de travail, les juges avaient mis en exergue ce principe. Ils avaient procédé à un raisonnement analogue dans les arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 23 février 2005. Auparavant, pour contrôler les décisions prises par l'employeur, le juge faisait appel à la notion d'abus. Ce n'est plus le cas à présent. A la lecture de cette précédente solution, il faut remarquer que la bonne foi de l'employeur est présumée. [...]
[...] En ce cas, ils se devaient également de déterminer les conséquences qui en résultent. Par un arrêt en date du 28 mars 2006, les juges de la chambre sociale de la Cour de cassation ont cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel au visa des articles L.122-14-4 et L.120-2 du Code du travail. A cette deuxième question d'une éventuelle atteinte à une liberté fondamentale, ils ont répondu par la négative. Ils ont considéré que "la mutation géographique ne constitue pas en elle-même une atteinte à la liberté fondamentale du salarié quant au libre choix de son domicile". [...]
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