Cour de cassation chambre sociale, arrêt du 25 mai 2016, clause de non-concurrence illicite, rupture de contrat de travail, réparation d'un préjudice, article 1147 du Code civil, article L.1121-1 du Code du travail, dommages et intérêts, préjudice nécessaire, protection du salarié, article 3243-2 du Code du travail, article R.1234-9 du Code du travail, juges du fond, ordonnances Pénicaud, droit social, flexibilité du travail, commentaire d'arrêt
Le droit social prétorien a toujours dû pallier le mutisme de la loi sur la question de la clause de non-concurrence. Et celle des conséquences de son illicéité a toujours obéi à une certaine constance de la jurisprudence de la Cour de cassation, du moins jusqu'à cet arrêt de la chambre sociale rendu le 25 mai 2016 et publié au bulletin. Le revirement ici opéré a été largement remarqué par la doctrine et mérite une analyse approfondie. En l'espèce, un salarié avait été embauché en qualité de démarcheur chargé de suivre et de développer une clientèle de particuliers. Après avoir été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement, il a pris acte de la rupture du contrat de travail le 27 octobre 2010. Il a retrouvé un emploi après cette rupture, violant ainsi la clause de non-concurrence prévue dans le contrat de travail. Or, cette clause de non-concurrence s'avérait illicite.
[...] Obéira ainsi à cette logique le manquement de l'employeur à l'obligation de rémunérer le salarié à hauteur minimum du salaire de croissance (arrêts du 19 janvier 2012 et du 17 mars 2016), son omission de faire passer un examen médical d'embauche et des visites médicales régulières à un salarié (arrêts du 9 juillet 2014 et du 27 janvier 2016), ou encore la prononciation d'une sanction en méconnaissance des conventions applicables (arrêt du 4 décembre 2013). La chambre sociale a appliqué cette théorie à plusieurs occurrences en matière de clause de non-concurrence illicite. C'est d'abord par des arrêts du 10 juillet 2002 que la cour impose cette présomption, précisant que la clause de non-concurrence doit obligatoirement comporter une contrepartie financière. [...]
[...] Alors qu'elle appliquait systématiquement ce que la doctrine a désigné comme la théorie du « dommage nécessaire » emportant présomption du préjudice du salarié elle exige désormais un préjudice résultant de l'illicéité de la clause de non- concurrence pour que le salarié puisse prétendre à réparation, solution transposée d'un arrêt rendu un mois avant celui-ci A. Une théorie du dommage nécessaire emportant présomption du préjudice du salarié La largesse des dispositions de l'arrêt L. 1121-1 du Code du travail a incité la Cour de cassation à ériger une solide construction prétorienne en matière de clause de non- concurrence. La Cour avait pour habitude de considérer que le manquement de l'employeur à l'une de ses obligations causait forcément un dommage au salarié, et lui ouvrait donc droit à des dommages et intérêts. [...]
[...] En effet, la jurisprudence désormais caduque de la présomption de dommage faisait que des salariés ayant violé une clause de non-concurrence illicite se voyaient bien souvent dédommagés d'une somme dérisoire. Alors que les juges étaient conscients de l'absence de tout préjudice subi par l'employé, l'usage jurisprudentiel les faisait le réparer. Ce revirement était donc très attendu en matière de clause de non-concurrence. Il s'agit d'une modification visant à aligner le droit du travail avec les autres domaines juridiques, qui, bien souvent, ont une approche plus classique de la notion de préjudice. Le but ici visé est avant tout de restituer la jurisprudence sociale dans le droit commun des obligations. [...]
[...] Mais cette notion de préjudice se borne-t-elle au respect d'une clause nulle causant une difficulté pour le salarié à retrouver un emploi du fait des restrictions auxquelles il croit devoir obéir ? Quid du salarié qui, avant de prendre connaissance de la nullité de la clause de non- concurrence, aurait rencontré des difficultés à quitter son emploi à cause d'un employeur peu désireux d'indemniser la contrepartie prévue ? En effet, même si une clause de non- concurrence ne s'applique que postérieurement à la rupture du contrat de travail, elle produit pendant l'exécution de ce dernier des effets officieux. [...]
[...] En effet, les salariés demandeurs aux deux pourvois ont violé la clause de non-concurrence illicite stipulée dans leur contrat de travail. Pourtant, les solutions de ces arrêts sont tout à fait opposées. Dans cet arrêt du 25 mai 2016, la chambre sociale rappelle que « l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond » avant de juger que, la cour d'appel ayant « constaté que le salarié n'avait subi aucun préjudice résultant de l'illicéité de la clause de non-concurrence », le salarié n'a pas droit à réparation. [...]
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