En l'espèce, une journaliste pigiste a conclu successivement des contrats à durée déterminée pendant neuf ans. En l'occurrence, elle a participé à la réalisation de trois émissions de télévision. A la suite de la suppression d'une des émissions, la société a alors mis fin à la collaboration avec la journaliste. Cette dernière demande alors la requalification de ses contrats en contrat de travail à durée indéterminée et le paiement d'indemnités de rupture et de congés payés.
La question qui se pose est de savoir si dans le domaine de l'audiovisuel il est possible de requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Et dans l'hypothèse où l'employeur peut avoir recours aux contrats à durée déterminée, quelles sont les conditions pour que ce type de contrat soit valable ?
[...] Il y a désormais un double contrôle : d'abord savoir si l'emploi qu'exerce la salariée fait partie des emplois dans lesquels il est d'usage constant de recourir à un contrat à durée déterminée ; ensuite, et de là surgit la nouveauté, le juge doit contrôler le caractère temporaire de l'activité afin d'éviter la succession abusive de contrat à durée déterminée. Ce caractère temporaire devient alors véritablement une condition de licéité du contrat d'usage ce qui permet de renforcer la protection du salarié. Ce double contrôle correspond alors à la définition générale du contrat à durée déterminée qui n'a pas pour vocation de pourvoir durablement à un emploi. [...]
[...] Ainsi, dans un arrêt du 20 septembre 2006, la Cour de cassation ne rappelle que la condition de la mention de l'activité à l'article D.1242-1 du Code du travail en considérant que les contrats à durée déterminée conclus dans le secteur d'activité de l'hôtellerie et de la restauration où il est d'usage de ne pas recourir à des contrats à durée indéterminée ne peuvent être requalifiés malgré une occupation régulière en saison et hors saison sur plusieurs années La Cour de cassation paraît alors méconnaître la lecture littérale de l'article L.1242-2, c'est pourquoi il est aisé de comprendre le revirement de jurisprudence de l'arrêt du 23 janvier 2008 qui a pour vocation de mettre fin à certains abus. Un renforcement du contrôle du juge : le retour au critère de la nature temporaire de l'activité L'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 23 janvier 2008 est un arrêt important en ce qu'il donne une position totalement différente des arrêts rendus en 2006. [...]
[...] 1242-1 du Code du travail (anciennement article L.122-1) dispose qu' un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise De même, l'article L. 1242-2-3° (anciennement article L. 122-1-1) dispose qu'il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois Il est fort possible de penser que la lecture de ces articles peut justifier pleinement l'attendu de principe de la Cour de cassation à savoir notamment le retour à un contrôle de la nature temporaire de l'activité. [...]
[...] La Cour de cassation retourne alors à une interprétation traditionnelle mais innove en s'inspirant du droit communautaire et en ajoutant une nouvelle notion précisant la nature temporaire de l'activité. Un élément nouveau issu du droit communautaire : l'existence de raisons objectives La Cour de cassation, dans son arrêt du 23 janvier 2008 ne s'est pas simplement contentée d'énumérer les articles du Code du travail relatifs au contrat d'usage, elle a également cité des sources du droit communautaire à savoir les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en œuvre par la directive du 28 juin 1999. [...]
[...] 121-2 du Code du travail dans lequel l'employeur peut recourir à des contrats à durée déterminée dits d'usage. Dans ces conditions, en ce qui concerne son emploi de journaliste pigiste, il était d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée eu égard au caractère par nature temporaire des programmes télévisés Cependant, la Cour de cassation adopte un revirement de jurisprudence en ajoutant de nouveaux éléments à l'appréciation du contrat d'usage et considère, au visa des articles L.122-1, L.122-1-1, L.122-3-10 et D.121-2 du Code du travail et les clauses 1 et 5 de l'accord cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en œuvre par la directive du 28 juin 1999, qu' en se déterminant ainsi par des motifs inopérants tirés du caractère temporaire des programmes de télévision sans rechercher si l'emploi de journaliste pigiste occupé par la salariée dans le secteur de l'audiovisuel faisait partie de ceux pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée et si l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision Ainsi, dans le domaine des contrats d'usage, la Cour de cassation opère un revirement successif en ajoutant de nouvelles conditions ces nouvelles conditions sont fondées sur des sources étendues allant du droit national au droit communautaire (II). [...]
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