Sous l'influence des droits anglo-saxons et aux nouvelles réalités économiques de nouveaux contrats ont été introduits en droit français dont le contrat à durée déterminée. Bien plus précaire que le contrat de travail à durée déterminée, ce nouveau contrat a cristallisé les débats sur l'emploi et fait l'objet d'un régime strict. Dérogatoire au principe de la durée indéterminée du contrat, le contrat à durée déterminée est requalifié en contrat indéterminé lorsqu'il ne respecte pas les conditions qui s'imposent à lui. Cet arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 23 janvier 2008 en donne l'exemple.
En l'espèce, M.X était engagé depuis 14 ans par son employeur au titre de contrats à durée déterminée (CDD) successifs. La relation contractuelle cesse.
M.X saisi le conseil de prud'hommes afin de voir la relation contractuelle requalifiée en contrat à durée indéterminée (CDI). L'affaire est portée devant la Cour d'appel. Celle-ci décide que l'emploi n'ayant pas un caractère temporaire, l'ensemble des contrats de travail à durée déterminée doit être requalifié en un contrat à durée indéterminée.
L'employeur se pourvoit en cassation. Il invoque le droit de recourir à des contrats à durée déterminée successifs afin de pourvoir aux emplois pour lesquels il est d'usage de recourir à de tels contrats en raison du caractère par nature temporaire de l'emploi. Il reproche à la Cour d'appel d'avoir manqué de base légale en se prononçant sur la seule constatation de l'absence de caractère temporaire, sans rechercher si, pour cet emploi, il n'était pas d'usage de recourir au CDD.
La Cour de cassation est ainsi amenée à déterminer si l'absence de caractère temporaire de l'emploi doit conduire à requalifier l'ensemble de la relation contractuelle en CDI.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle indique que « l'accord cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en œuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raison objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ». Rappelant que la Cour d'appel a qualifié l'absence de caractère temporaire de l'emploi, elle conclut, par substitution de motif, qu'ainsi, « la conclusion de contrats à durée déterminée successifs n'était pas justifiée par des raisons objectives ». Cette décision semble redonner une place prépondérante au critère de temporalité dans la justification du recours à des CDD successifs pour pourvoir à un emploi d'usage, critère qui avait été abandonné par la jurisprudence antérieure. Ce revirement de jurisprudence semble être dicté par des impératifs communautaires comme l'indique la référence à la directive de 1999. Si la décision apparaît comme étant partiellement imposée par le droit communautaire, elle était souhaitable indépendamment d'une recherche de compatibilité. En effet, la réintroduction du critère de temporalité est favorable au salarié en ce qu'elle réduit le champ du recours au CDD qui est un contrat précaire par définition. De plus, la justification du recours au CDD successifs se trouve ainsi objectivisé, ce qui conduit à une égalité entre salariés. Enfin, cette réintroduction du critère de temporalité était logique puisque le CDD a par définition une durée déterminée, il est donc naturel que l'emploi qu'il sert à pourvoir ait lui même une durée limitée.
Ainsi, il conviendra d'étudier successivement la réintroduction imposée du critère de temporalité (I) puis le caractère souhaitable de cette réintroduction (II).
[...] En effet, une approche in concreto risquerait de permettre à l'employeur de justifier le recours à des CDD successifs en se fondant sur des éléments concrets qui sont totalement spécifiques à la relation de travail qu'il a avec l'employé. Il lui serait ainsi permis d'établir que dans ce cas précisément l'emploi est temporaire alors qu'il ne le serait pas normalement. L'exigence du caractère temporaire y perdrait grandement en efficacité. [...]
[...] La réintroduction imposée du critère de temporalité La Cour de cassation réintroduit par cet arrêt le critère du caractère temporaire de l'emploi à pourvoir dans la justification du recours au CDD. Il faut voir ici le retour à une interprétation stricte des textes encadrant le recours au CDD lequel retour s'imposait au regard de l'état du droit français comme communautaire Le retour à une interprétation stricte de la notion d'emploi d'usage La Cour de cassation opère un retour à une interprétation stricte des textes. [...]
[...] Ce retour à la loi et à son esprit, cette volonté de réalisme de la qualification contractuelle, s'imposait. Elle était par ailleurs souhaitable. La réintroduction souhaitable du critère de temporalité La réintroduction du critère reposant sur le caractère temporaire de l'emploi apparaît comme bienvenue. Elle est ainsi très favorable au salarié dans son principe et permet une réelle protection du fait de son applicabilité large Une réintroduction du critère de temporalité favorable dans son principe au salarié Le retour du critère de temporalité est très favorable au salarié. [...]
[...] Ainsi, la Cour de cassation rappelle ici que la Cour d'appel s'est appuyée sur la nature du poste et la durée de la relation de travail. Il convient donc de constater que le juge du fond ne doit pas se limiter à la seule considération du poste occupé. Cela semble opportun, car comme dans le cas des emplois saisonniers (cf. supra), un poste temporaire s'il est occupé successivement et de manière continue peut constituer un emploi permanent. Si le doute reste toutefois permis sur la méthode d'appréciation qui doit être retenue, il est souhaitable qu'elle s'effectue in abstracto. [...]
[...] L'appréciation large de l'exigence de caractère temporaire de l'emploi La Cour de cassation impose une justification par des raisons objectives qui s'entendent d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi Toutefois, convient-il d'apprécier in concreto ce caractère temporaire et ces éléments concrets, ou bien in abstracto. Une lecture très ou trop rapide de l'arrêt pourrait laisser penser que les termes éléments concrets supposent une appréciation in concreto. Toutefois, la Cour de cassation indique que doit être recherché le caractère par nature temporaire de l'emploi. [...]
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