L'arrêt soumis à notre étude rendu le 19 novembre 1997 par la chambre sociale de la Cour de cassation traite d'une affaire en droit du travail qui rappelle le caractère limitatif du règlement intérieur. En l'espèce, deux salariés ont, au cours des années 1982 et 1985, été embauchés par la société Boccard. Après les avoir affectés dans un premier temps sur un chantier à Fos-sur-Mer, leur employeur leur a demandé de rejoindre un chantier à Dunkerque. Les salariés ont refusé cette mutation et la société Boccard a, le 12 février 1991, constaté la rupture des contrats de travail. Les deux salariés ont alors saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant à voir condamner l'employeur au paiement de rappels de salaire, d'indemnités de rupture, de congés payés, et d'indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La question qui se posait à la Cour était dès lors de savoir si un salarié peut refuser un changement du lieu de travail alors même qu'il a signé un règlement intérieur prévoyant une clause de mobilité.
[...] L'arrêt rendu en l'espèce est intéressant dans le sens où il permet de redéfinir clairement le domaine du règlement intérieur et du contrat de travail. Il s'agira donc de voir dans quelles mesures la clause de mobilité prévue par le règlement intérieur est inopposable au salarié. Son opposabilité est subordonnée à l'acceptation claire et non équivoque du salarié et à son intégration au contrat de travail (II). L'opposabilité de la clause de mobilité subordonnée à l'acceptation claire et non équivoque du salarié L'intégration au contrat de travail de la clause de mobilité prévue par le règlement intérieur du seul fait de sa signature par le salarié a été censurée par la Cour de cassation pour qui l'acceptation d'une clause de mobilité résulte uniquement de la volonté claire et non équivoque du salarié L'intégration au contrat de travail de la clause de mobilité prévue par le règlement intérieur du seul fait de sa signature par le salarié - En l'espèce, pour dire fautif le refus de mutation ( ) et son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que l'intéressé avait paraphé ( ) un exemplaire du règlement intérieur contenant une clause de mobilité ; qu'ainsi cette clause s'était intégrée dès l'embauche dans son contrat de travail ( ) - Le changement du lieu de travail est un simple changement des conditions de travail, le salarié ne peut s'y opposer. [...]
[...] Son acceptation ne peut se manifester par la signature du règlement intérieur la prévoyant. L'acceptation de la clause de mobilité par la volonté claire et non équivoque du salarié - En l'espèce, le fait d'apposer sa signature sur le règlement intérieur lors de l'embauche ne manifestait pas de la part du salarié, la volonté claire et non équivoque d'accepter l'intégration à son contrat de travail de la disposition du règlement intérieur relative au changement de lieu de travail - L'acceptation d'une clause de mobilité ne peut résulter que de l'accord exprès du salarié. [...]
[...] - Considérer que l'acceptation et l'intégration d'une clause de mobilité peuvent résulter de la signature par le salarié du règlement intérieur peut être la porte ouverte aux abus de la part d'un employeur de mauvaise foi qui peut y intégrer et imposer au salarié toute disposition que ce dernier aurait refusée si elles avaient fait partie du contrat de travail. - C'est une façon détournée de modifier le contrat de travail sans le consentement du salarié. - Cette solution permet à la Cour de cassation de rappeler le caractère limitatif du règlement intérieur. C'est également une façon de limiter le pouvoir de direction de l'employeur qui rédige de façon unilatérale de règlement intérieur, car le règlement intérieur n'est rien d'autre que la manifestation de son pouvoir normatif. [...]
[...] - Mais, la cour d'appel n'a pas pris en compte le fait que le règlement intérieur et le contrat de travail ont une nature juridique différente. L'un est un acte unilatéral rédigé par l'employeur, un acte réglementaire de droit privé qui s'applique à tous les membres du personnel (Chambre sociale septembre 1991) alors que l'autre est un contrat synallagmatique conclu entre l'employeur et le salarié. - La clause de mobilité n'est intégrée dans le contrat de travail que si elle est préalablement prévue par celui-ci et expressément acceptée par le salarié. [...]
[...] L'employeur ne doit pas pouvoir modifier le contrat de travail par le biais d'une disposition contenue dans le règlement intérieur. - L'employeur a en l'espèce fait un usage abusif du règlement intérieur en licenciant son salarié pour refus de mutation puisque le changement de lieu de travail ne pouvait pas être imposé au salarié, mais n'avait pas non plus vocation à être prévu par le règlement intérieur. La clause de mobilité est en l'espèce inopposable au salarié qui ne l'a pas acceptée expressément et inopposable parce que son objet est étranger au règlement intérieur. [...]
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