Les juges de la Cour de Cassation ont affirmé le principe selon lequel une modification du contrat de travail prononcée à titre de sanction disciplinaire ne peut être imposée au salarié.
Mme K. a été embauchée le 5 août 1990 par la société Le Berry en tant que directrice d'hôtel. Elle a été affectée à l'hôtel-restaurant Le Berry à Bourges. Suite à un entretien préalable, la société a notifié le 20 avril 1994 à Mme K. qu'elle était rétrogradée dans un emploi de « chef de réception ». Par lettre du 26 avril 1994, Mme K. a refusé cette modification de son contrat de travail et elle a été licenciée par lettre le 29 avril 1994.
Mme K. a saisi le Conseil des Prud'hommes afin d'obtenir une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Un appel a été interjeté et la Cour d'Appel a condamné l'employeur à payer à Mme K. une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif « que la rétrogradation prononcée le 20 avril 1994, après un entretien préalable et au motif de griefs constitutifs de fautes, constituait une sanction disciplinaire et qu'il s'ensuit que les griefs ainsi déjà sanctionnés, à l'égard desquels l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire, ne pouvaient plus être invoqués à l'appui du licenciement ; qu'il est donc inutile d'en examiner la réalité et la gravité ».
La société Le Berry a formé un pourvoi en cassation.
Les juges du fond ont dû s'interroger sur le fait de savoir si un salarié peut refuser une sanction disciplinaire au motif qu'elle modifie son contrat de travail. En outre, dans quelle mesure un employeur peut-il prononcer un licenciement suite à ce refus de sanction ?
Par un arrêt du 16 juin 1998, la chambre sociale de la Cour de Cassation a cassé la décision de la Cour d'Appel au motif « qu'une modification du contrat de travail, prononcée à titre de sanction disciplinaire contre un salarié, ne peut lui être imposée ; que, cependant, en cas de refus du salarié, l'employeur peut, dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, aux lieu et place de la sanction refusée ». Par sa décision, la Cour d'Appel a bien considéré que le salarié peut refuser une sanction disciplinaire qui prend la forme d'une modification du contrat de travail. Toutefois, les juges suprêmes lui reprochent de ne pas avoir examiné les faits reprochés à la salariée afin de savoir s'ils pouvaient constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pouvant être prononcée en tant que sanction de substitution suite au refus initial de ladite salariée.
Il convient alors d'examiner le régime applicable à une sanction disciplinaire modifiant le contrat de travail (I), puis d'établir la possibilité de l'employeur de prononcer une sanction de substitution selon certaines conditions (II).
[...] Il apparaît clairement selon les propos mêmes des juges de la Cour d'Appel dans le cas d'espèce, que la rétrogradation constitue une modification du contrat de travail. Par conséquent, cette sanction était bien soumise au régime juridique de la modification du contrat de travail qui nécessite l'acceptation du salarié par application de l'article 1134 du Code Civil qui donne force obligatoire au contrat. Le refus de la sanction par le salarié Une jurisprudence antérieure confuse. En vertu de l'article 1134 du Code Civil, en fonction de la nature de la sanction dont il est victime, un salarié est en droit de la refuser. [...]
[...] En droit positif, il n'existe pas de texte précis qui détermine les éléments essentiels dont la modification entraîne une modification du contrat soumise à l'approbation du salarié. Toutefois, une directive communautaire du 14 octobre 1991 est venue éclairer le législateur en définissant ces éléments essentiels. Il s'agit notamment du lieu de travail, de la rémunération, de la qualité ou catégorie d'emploi. Comme cela a été vu précédemment, la sanction disciplinaire peut prendre la forme d'un avertissement ou d'un blâme. Dans ce cas, la question de la modification du contrat ne se pose pas. [...]
[...] La loi ne fixant aucun délai au salarié pour faire connaître sa réponse, il appartiendra donc à l'employeur d'en fixer un. Celui-ci ne devra pas être trop bref, pour laisser le temps au salarié de prendre sa décision, mais ne pourra pas être trop long non plus, sous peine de mettre l'employeur en difficulté. Celui-ci doit en effet prononcer le licenciement dans un délai d'un mois après l'entretien préalable. Pour surmonter la difficulté, la doctrine a suggéré de faire courir ce délai à compter du refus du salarié. La solution paraît opportune mais demeure contraire à la loi. [...]
[...] Toutefois, la portée de la décision semble illusoire. En effet, les seules sanctions qui n'emportent pas modification du contrat de travail et que l'employeur peut imposer sont le blâme et l'avertissement, sanctions à l'évidence mal adaptées aux cas envisagés. Quant au licenciement, l'employeur ne sera pas toujours en mesure d'y procéder, faute d'en remplir les conditions légales. En effet, il reste l'hypothèse où le salarié s'est rendu coupable d'une faute suffisamment importante pour justifier une rétrogradation, mais non un licenciement. [...]
[...] Cette position était très discutable car le salarié se trouvait devant un dilemme : soit subir la sanction, soit partir sans indemnité. Le revirement jurisprudentiel du 16 juin 1998 Pour surmonter le dilemme susmentionné, la Cour de cassation était alors contrainte d'opérer un revirement jurisprudentiel et d'abandonner sa jurisprudence considérant comme fautif le refus du salarié de se soumettre à une modification de son contrat de travail par le biais d'une sanction disciplinaire. C'est ainsi que dans le cas d'espèce arrêt Société Le Berry du 16 juin 1998, la Cour de Cassation va renverser sa position en énonçant dans son arrêt de principe qu'une modification du contrat de travail, prononcée à titre de sanction disciplinaire contre un salarié, ne peut lui être imposée La sanction est ainsi justiciable du régime jurisprudentiel de la modification. [...]
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