En l'espèce, une employée de bureau prend sa retraite le 1er juin 2003 et se prévaut par la suite de l'application de la convention collective de l'import export mentionnée sur son bulletin de paie. Elle saisit donc la juridiction prud'homale le 7 avril 2004, pour obtenir le paiement de diverses sommes et notamment celle d'une prime d'ancienneté. Mais la Cour d'appel de Nancy, dans son arrêt du 19 mai 2006, déboute celle-ci de ses demandes au motif que « cette mention procédait d'une erreur et ne suffisait en tout cas pas à caractériser l'intention claire et non équivoque de l'employeur d'appliquer volontairement cette convention collective ».
En d'autres termes, c'est suggérer que l'employeur est admis à démontrer qu'il n'a en aucun cas voulu faire application de cette convention à l'égard de la salariée. Pourtant, comme le soulignait la jurisprudence antérieure de la cour de cassation, cette simple mention constituait une présomption irréfragable, présomption dont cherche à se prévaloir la salariée dans son pourvoi en cassation.
La question qui se pose alors à la chambre sociale est celle de savoir quelle est la force probante de la mention d'une convention collective sur le bulletin de paie.
[...] Cour de cassation, chambre sociale novembre 2007 - la mention d'une convention collective sur le bulletin de paie C'est en opérant un revirement de jurisprudence que la chambre sociale de la cour de cassation rend, dans son arrêt en date du 15 novembre 2007, une solution en phase avec le droit communautaire. En effet, elle admet que la mention d'une convention collective sur le bulletin de paie vaut présomption simple de la volonté de l'employeur d'en faire application à l'égard du salarié intéressé. [...]
[...] Une solution qui doit donc être accueillie, du moins sur la forme. Un rapport juridique plus équilibré entre salarié et employeur Par cet arrêt de 2007, la cour de cassation met un terme au droit absolu reconnu au salarié de se prévaloir des informations mentionnées sur son bulletin de paie, et ouvre la possibilité à l'employeur de se défendre sur ce terrain, ce qui n'était pas acquis auparavant. La solution est donc plus orthodoxe, car, comme l'affirme Brigitte Reynès, elle opère un compromis équilibré entre protection du salarié et droit de la défense de l'employeur En effet, il était sans doute disproportionné de consacrer d'un côté le droit au salarié de choisir entre la convention collective mentionnée sur son bulletin de paie et celle normalement applicable ; et de l'autre, soumettre l'employeur à un régime très strict d'information, toute mention informative valant présomption irréfragable de sa volonté de s'engager. [...]
[...] Mais cette obligation n'est pas nouvelle en droit interne et était déjà effective avant l'entrée en vigueur de la directive, puisque comme rapporté par Brigitte Raynès (maître de conférences à l'université de Toulouse), un décret de 1988 avait fait de la mention de la convention collective applicable l'une des mentions obligatoires figurant sur le bulletin de paie. Une obligation envers laquelle la cour de cassation s'est montrée maintes fois très sévère quant à son régime d'application. Elle exige par exemple pour l'application d'une clause de mobilité contenue dans une convention collective que lors de l'embauche, le salarié en ait eu connaissance et pleinement conscience (arrêt de la chambre sociale novembre 2001) ; il revient à l'employeur de faire la démonstration de cette information (chambre sociale juillet 2001). [...]
[...] On en a par la suite déduit que la mention de cette convention sur le bulletin de paie démontrait une telle volonté de l'employeur. La cour régulatrice est même allée jusqu'à considérer, dans son arrêt du 18 novembre 1998, que cette mention constitue une présomption irréfragable de l'engagement de l'employeur, même si les juges ne la qualifient pas expressément en tant que telle. C'est dans le même état d'esprit que l'arrêt Lapassouse du 18 juillet 2000 vient même accorder au salarié le choix de la convention qui lui serait la plus favorable. [...]
[...] On comprend donc pourquoi, au vu des précédents, la salariée revendique le bénéfice d'une telle possibilité de se voir appliquer la convention mentionnée. Toutefois, si cette position apparaît très protectrice du salarié, elle est sans doute trop défavorable à l'employeur dans la mesure où celui-ci peut être contraint d'appliquer une convention collective sans qu'il ne l'ait réellement voulu, et ce serait donc ainsi remettre en cause la solution de l'arrêt de 1991 qui posait que l'application d'une convention collective ne doit résulter que d'une volonté claire et non équivoque de l'employeur. [...]
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