Texte à revirements et rebondissements multiples, l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail continue d'occuper le devant de la scène juridique. Les derniers développements de la jurisprudence relative aux licenciements antérieurs au transfert d'entreprise ne démentent pas le propos. La Cour de cassation poursuit, par cet arrêt du 11 mars 2003, son oeuvre d'édification concernant l'article L. 122-12, al. 2 du Code du travail.
En l'espèce, M. Voisin était salarié de la société Plast'lux placée en liquidation judiciaire. Or, le liquidateur judiciaire l'a licencié le 30 juillet 1998 pour motif économique. Mais, au cours de son préavis (se terminant le 3 novembre 1998), la société Ever Plast, repreneur de l'activité, lui a proposé le 1er septembre 1998 de conserver son emploi. Or, M. Voisin ayant refusé cette proposition, le 5 novembre 1998, le liquidateur judiciaire l'a informé que l'activité de la société Plast'lux avait été reprise par la société Ever Plast, en conséquence de quoi son licenciement était devenu sans effet.
M Voisin a alors demandé en justice ses indemnités de licenciement, de préavis ainsi que de congés payés. Cependant, sa demande a été rejetée en première instance, puis par la cour d'appel de Rennes.
La Cour d'appel de Rennes, dans son arrêt du 30 janvier 2001, a débouté M. Voisin de ses prétentions sur le fondement que la reprise de l'activité de la société cédante Plast'lux par la société cessionnaire Ever Plast avait entraîné le transfert d'une entité économique autonome dans les conditions de l'article L. 122-12 du Code du travail et que par conséquent il y avait eu transfert du contrat de travail de M. Voisin à la société Ever Plast, rendant par la même son licenciement sans effet.
M. Voisin s'est alors pourvu en cassation. Il a fait grief à l'arrêt d'appel d'avoir considéré qu'il y avait eu transfert d'une entité économique autonome. En effet, son pourvoi retenait que la nullité du licenciement édictée par l'article L. 122-12 du Code du travail est une nullité d'ordre public de protection destinée à protéger le salarié et donc à préserver son droit d'option. Ce faisant, la Cour d'appel aurait dû selon le pourvoi prendre en considération l'opposition manifestée par M. Voisin quant au changement d'employeur, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3 et L. 122-12 du Code du travail.
Il s'agissait donc pour la Cour de Cassation de préciser l'étendue du droit d'option des salariés en cas de transfert de leur entreprise, notamment, dans le cas où l'employeur cessionnaire venait à faire valoir, avant l'expiration du préavis, son intention de poursuivre la relation contractuelle avec le salarié sans modification de son contrat de travail et ainsi de déterminer dans quelles conditions le salarié peut refuser les effets d'un transfert d'entreprise. En d'autres termes, un salarié licencié antérieurement au transfert d'une entité économique autonome dont l'activité est poursuivie peut-il exercer dans tous les cas une action contre l'employeur cédant afin de se voir réparer les conséquences dommageables de son licenciement et ainsi refuser un changement d'employeur alors même que les conditions d'application de l'article L122-12 du Code du travail sont réunies ?
La chambre sociale de la Cour de Cassation, dans son arrêt dit « arrêt Voisin » en date du 11 mars 2003, a considéré que le salarié, licencié à l'occasion du transfert d'une entité économique autonome privant son licenciement d'effet, a le choix de demander au repreneur la poursuite du contrat de travail rompu ou à l'auteur du licenciement la réparation du préjudice en résultant. Toutefois, le changement d'employeur s'impose à lui lorsque le cessionnaire l'informe, avant l'expiration du préavis, de son intention de poursuivre, sans modification du contrat de travail, de sorte qu'en ce cas, le salarié licencié ne peut se prévaloir des conséquences du licenciement à l'égard du cédant, pour invoquer des créances d'indemnités de rupture.
Pour la Cour de Cassation, il s'agira dans un premier temps de rappeler le droit positif et plus spécifiquement les conséquences qu'un transfert d'entreprise entraîne sur la qualification des licenciements prononcés (I), puis d'aboutir à une conclusion visant à circonscrire le droit d'opposition des salariés au transfert de leur contrat, lorsque l'employeur cessionnaire est disposé à continuer la relation contractuelle avant l'expiration du préavis et sans aucune modification du contrat de travail (II).
[...] La Cour dispose alors que selon l'article L. 122-12, al du Code du travail, tel qu'interprété au regard de la directive 77-187 du 14 février 1977, les contrats de travail en cours sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique, conservant son identité, dont l'activité est poursuivie ou reprise. La Cour de cassation considère désormais que constitue une entité économique, un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre. [...]
[...] Une telle proposition, consistant à intégrer le droit d'option en droit positif, serait en outre conforme aux règles régissant la cession conventionnelle de contrat car, indépendamment du fait que le contrat de travail est conclu intuitu personae du côté du salarié et que son consentement à la cession devrait être nécessaire, depuis 1997, la Cour de cassation, par la voix de sa Chambre commerciale, décide que toute cession de contrat suppose le consentement du cédé. Néanmoins, il ne faudrait pas, et c'est bien l'objectif poursuivi par la Cour de Cassation en l'espèce, que ce choix soit dicté par des considérations d'opportunité et s'apparente pour le salarié à une posture discrétionnaire. [...]
[...] 122-12, alinéa 2 du Code du travail : le transfert d'une entité économique autonome entraîne de plein droit le maintien des contrats de travail et prive d'effet les licenciements prononcés à l'occasion du transfert qu'ils soient donc antérieurs ou postérieurs au transfert (Cass. soc mars 2002, précité ; 22 janv. 2002), cette transmission, opérée par le seul effet de la loi, s'imposant au salarié comme à l'employeur (Cass. soc janv. 1990). Il avait ainsi déjà été jugé que le refus du salarié de poursuivre l'exécution du contrat de travail maintenu devait s'analyser en une démission privative de toute indemnité (Cass. soc mai 1985 ; 5 nov. [...]
[...] Ainsi, la situation d'espèce est constitutive d'un transfert d'entreprise, en conséquence de quoi le licenciement du salarié, prononcé par le liquidateur, est privé d'effet. Des licenciements privés d'effet en cas de transfert d'entreprise Depuis un arrêt du 20 janvier 1998 dit arrêt Guermonprez, l'impossibilité pour l'employeur de licencier avant transfert était posée et s'inscrivait comme une tendance jurisprudentielle à confirmer ou infirmer. L'arrêt étiqueté P+B+R publié au rapport annuel d'activité de la Cour de cassation (Cass. soc janv JCP 1998, II, 10027, rapp. P. Waquet ; Dr. soc p obs. [...]
[...] C'est vers cette seconde solution que La Cour de Cassation s'est orientée. La limitation à la reconnaissance du droit d'opposition des salariés au transfert de leur contrat Il parait nécessaire de rappeler qu'au lendemain de l'arrêt Maldonado, la logique voulait conférer à ce dernier un champ d'application très large. Or, dans une décision rendue le 24 septembre 2002, la Chambre sociale a privé le salarié, dont le contrat de travail à durée déterminée a été rompu avant le transfert, du droit de se retourner contre l'employeur d'origine. [...]
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