Commentaire arrêt Chambre sociale Cour cassation 10 juillet 2002
La rupture du contrat de travail d'un salarié protégé n'est pas abandonnée à la seule discrétion de l'employeur et du salarié. C'est du moins ce que rappelle cet arrêt du 10 juillet 2002 de la chambre sociale de la Cour de cassation dont les faits et la procédure furent les suivants. Monsieur Costes, salarié de la société Innotech international depuis 1983, exerçait les fonctions de directeur zone Afrique, et était investi de plusieurs mandats représentatifs.
Il a conclu, le 31 mars 1995, une transaction avec l'employeur au sein de laquelle étaient envisagées les conditions de la rupture de son contrat de travail ainsi que les conséquences qui en résultaient. En contrepartie, le salarié s'était engagé à démissionner de ses fonctions représentatives. Après avoir été licencié le 16 avril 1996, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de son ex-employeur à diverses sommes, mais ce dernier a formé une demande reconventionnelle en « résolution » de la transaction du 31 mars 1995 pour absence de cause et restitution des sommes versées en exécution de cette dernière.
[...] ce qui signifie que la rupture du contrat de travail d'un salarié protégé ne peut être réalisée que par licenciement (Cass. Soc février 1996, JCP 1996, édition II note J.-J. Serret), et, qu'a fortiori, la renonciation du salarié protégé au statut protecteur serait sans effet (Cass. Soc février 1996, précité). L'arrêt commenté rappelle ce qui précède, puise les juges suprêmes affirment que la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun des salariés investis de fonctions représentatives a été instituée, non dans le seul intérêt de ces derniers, mais dans celui de l'ensemble des salariés, de sorte qu'est atteinte d'une nullité absolue d'ordre public toute transaction conclue entre l'employeur et le salarié protégé avant la notification de son licenciement prononcé après autorisation de l'autorité administrative. [...]
[...] La jurisprudence a ensuite, par touches successives, précisé les conditions d'application de ce statut. Ainsi, la Cour de cassation a posé, le 21 juin 1974, que: les dispositions légales relatives au licenciement de salariés investis de fonctions représentatives ont institué, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun qui interdit, par suite, à l'employeur de poursuivre par tout autre moyen la résiliation du contrat de travail (Bull. ch. Mixte JCP 1974, édition II concl. Touffait; ou voir encore, Cass. Soc mai 1975, Bull. civ. n°284). [...]
[...] Crim décembre 1993, RJS ne pourrait davantage engager une procédure de résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié protégé (Cass. Ch. mixte juin 1974, précité). Ce n'est qu'à l'expiration de la période de protection qu'il pourra licencier l'intéressé dans les formes du droit commun (Cass. Soc mars 1993, Bull. civ. et, dans l'hypothèse d'une rupture irrégulière du contrat de travail, l'employeur peut être tenu de réintégrer le salarié protégé dans son ancien emploi ou un emploi équivalent. Néanmoins, le salarié protégé peut toujours manifester une volonté non équivoque de démissionner (voir pour une absence de démission, Cass. [...]
[...] Ce second point consacré par l'arrêt rapporté mérite un approfondissement. II- La nullité absolue de la transaction et ses conséquences La chambre sociale de la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de souligner que les salariés ne pouvaient conclure une transaction antérieure au licenciement, puisqu'ils ne pouvaient renoncer par avance aux dispositions d'ordre public instituées pour protéger leur mandat (Cass. Crim février 1992, JCP 993, éd. II note F. Taquet; Cass. Soc décembre 1992, Bull. civ. nº578; 1er juin 1994, RJS n°880; 16 mars 1999, D jur. [...]
[...] Reste un dernier élément qui n'a pas été soulevé dans l'arrêt du 10 juillet 2002: c'est l'application de la règle nemo auditur selon laquelle nul ne peut invoquer sa propre turpitude, et qui aurait pu empêcher l'employeur d'obtenir la restitution des sommes versées (voir à cet égard, le commentaire de Madame Emmanuelle Mazuyer sous le présent arrêt, JCP édition G. II, 10018). Car, enfin, l'employeur a bénéficié des conséquences d'une irrégularité qu'il avait commise avec le salarié. C'est dire si, dans le domaine de la rupture du contrat de travail des salariés protégés, il reste beaucoup à construire. [...]
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