cour de cassation, chambre commerciale, 2 juin 2015, salariés licenciés, agir en réparation, préjudice de perte d'emploi, préjudice personnel, préjudice distinct, procédure collective, tiers fautif consacré, pouvoirs du mandataire judiciaire
La décision rendue par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 2 juin 2015 affine la délimitation entre les actions relevant du monopole du mandataire judiciaire ou du commissaire à l'exécution du plan, et les actions pouvant être exercées par un ou plusieurs créanciers. Cette décision précise également la notion de défense de l'intérêt collectif des créanciers qui a beaucoup animé la doctrine.
La haute juridiction devait donc s'interroger sur le point de savoir si les salariés licenciés d'une entreprise en redressement judiciaire étaient recevables à agir en réparation de leur préjudice de perte d'emploi et de chance de recevoir des formations, à l'encontre de la banque ayant octroyé des crédits ruineux à leur employeur.
[...] C'est donc aussi cet esprit qui anime la décision du 2 juin 2015, les salariés qui ont subi un licenciement ont subi un préjudice qui leur est propre, car le licenciement les a touchés personnellement, à l'exclusion des autres créanciers. Pour le professeur François-Xavier Lucas,[4] cette décision confirme le recul de l'intérêt collectif des créanciers, et partant du caractère collectif de procédures, qui sont de moins en moins collectives au fur et à mesure que se succèdent des décisions limitant l'empire de cet intérêt collectif des créanciers dont le mandataire judiciaire doit assurer la défense Le mandataire judiciaire se trouve dépossédé de certaines actions, au profit des créanciers individuellement. [...]
[...] Toutefois cette critique est à nuancer puisque l'hypothèse ayant donné lieu à la décision commentée, l'octroi de crédit ruineux, tend à se marginaliser puisque l'article L650-1 du code de commerce, introduit en 2005, neutralise presque totalement la responsabilité des dispensateurs de crédits dans le cadre des procédures collectives. De plus, la solution adoptée profite en l'espèce à des salariés, et a été retenue ensuite au profit du dirigeant concernant ses rémunérations futures. Ainsi on peut se demander si le caractère exorbitant du droit du travail est le moteur de cette évolution tendant à préserver les voies de droit ouvertes au salarié, partie faible au contrat, et si cette solution se cantonnera finalement aux hypothèses de préjudices subis par des salariés. [...]
[...] En effet, la spécificité du préjudice qui ne concerne que certains des créanciers exclut la compétence du commissaire au plan qui ne peut exercer que les actions tendant à la représentation et la protection de l'intérêt collectif des créanciers. Plus précisément, la Cour censure la Cour d'appel, car l'action en réparation des préjudices invoqués par les salariés licenciés, étrangère à la protection et à la reconstitution du gage commun des créanciers, ne relevait pas du monopole du commissaire à l'exécution du plan Ainsi, la seule existence d'un préjudice différent de celui collectivement subi par les créanciers fonde la recevabilité d'un ou plusieurs créanciers. [...]
[...] La haute juridiction devait donc s'interroger sur le point de savoir si les salariés licenciés d'une entreprise en redressement judiciaire étaient recevables à agir en réparation de leur préjudice de perte d'emploi et de chance de recevoir des formations, à l'encontre de la banque ayant octroyé des crédits ruineux à leur employeur. La chambre commerciale de la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel, au visa de l'article L621-39 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige et de l'article 1382 du Code civil. [...]
[...] En effet, la Cour d'appel a violé ces textes en déclarant les salariés irrecevables alors que l'action en réparation des préjudices invoqués par les salariés licenciés, étrangère à la protection et à la reconstitution du gage commun des créanciers, ne relevait pas du monopole du commissaire à l'exécution du plan. Ainsi, la chambre commerciale de la Cour de cassation consacre un droit des créanciers à agir contre un tiers fautif en cas de préjudice individuel et distinct et délimite donc le monopole d'action du mandataire judiciaire, ou commissaire à l'exécution du plan (II). [...]
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