Cour de cassation Assemblée plénière du 25 juin 2014, arrêt Baby-Loup, licenciement, liberté religieuse, laïcité, article L1321-3 du Code du travail, articles L1121-1 du Code du travail, article 9 de la CEDH, article 10 de la DDHC, arrêt Peinture Corona, arrêt Dahlab contre Suisse, commentaire d'arrêt
En l'espèce, une salariée titulaire d'un CDI a été engagée en tant qu'éducatrice de jeunes enfants exerçant la fonction de directrice adjointe de la crèche gérée par une association. Elle a bénéficié d'un congé de maternité puis d'un congé parental à la suite duquel elle a été convoquée à un entretien en vue d'un éventuel licenciement. Elle a été licenciée pour non respect des dispositions du règlement intérieur de l'association car portant un signe religieux ostentatoire. S'estimant victime d'une discrimination, elle saisit la juridiction prud'homale en nullité de son licenciement et paiement de diverses sommes.
Dès lors, la salariée saisit la juridiction prud'homale en demande de nullité de son licenciement et d'octroi d'indemnités liées à ce dernier. La juridiction prud'homale la déboutant de sa demande, elle fait appel de la décision. La cour d'appel confirme le jugement. Etant donné qu'il s'agit d'un arrêt d'assemblée plénière, il apparaît clair que la Cour de cassation a rendu un premier arrêt, et que la cour d'appel de renvoi a rendu un arrêt contraire à celui de la Cour de cassation.
[...] Il convient en effet de bien distinguer liberté d'opinion religieuse et liberté d'exprimer sa religion. L'employeur peut valablement apporter des restrictions à cette dernière si celles-ci sont justifiées. Or, ici, comme le précise la cour, il s'agissait d'une crèche, qui n'est certes pas un service public, mais qui exerce une activité en relation avec des petits enfants, et on imagine que les parents attendent de cet établissement une certaine mesure et retenue concernant l'éducation religieuse. Alors, la cour semble se référer ici plutôt à la deuxième partie de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoyant que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». [...]
[...] La tentative de tempérament d'une décision polémique effectuée par la Cour de cassation En l'espèce, la cour a bien admis le licenciement de la salariée, revenant ainsi sur son arrêt de 2013 rendu par la chambre sociale. Mais, cette reconnaissance étant une décision lourde, elle a tenté de la tempérer en écartant la qualification « d'entreprise de conviction » que la cour d'appel lui avait reconnue initialement d'une part et en fondant également ce licenciement sur les insubordinations répétées de la salariée d'autre part Le refus de reconnaissance d'une entreprise de conviction : un « numéro d'équilibriste » effectué par la Cour de cassation Il convient ici de voir que la Cour de cassation, bien qu'elle ait reconnu le licenciement comme valide, a tenté de ne pas tout remettre en cause. [...]
[...] Le conseil a estimé le 18 septembre 2014 que ce licenciement n'était pas valable. On attend encore les suites de l'affaire, mais on voit ici que le conseil n'a pas pris la même direction que l'assemblée plénière quelques mois auparavant. Cependant, quand on regarde de plus près ce règlement, amendé en 2003, il dispose que « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s'appliquent dans l'exercice de l'ensemble des activités développées, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu'en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche ». [...]
[...] On l'appelle aussi entreprise de tendance et le doyen WAQUET, dans son ouvrage « Loyauté du salarié dans les entreprises de tendance » en donne une définition complète selon laquelle il s'agit « d'associations, de syndicats ou de groupements (partis politiques, églises, ou autres groupes à caractère religieux) dans lesquels une idéologie, une morale, une philosophie ou une politique sont expressément prônées. Autrement dit, l'objet essentiel de l'activité de ces entreprises est la défense et la promotion d'une doctrine ou d'une éthique ». Ainsi, après en avoir donné la définition, il convient de revenir à l'arrêt. Selon la cour, l'association Baby-Loup n'est pas à inclure dans ce type d'établissement précité. [...]
[...] On voit clairement que la Cour de cassation tente ici de glisser vers une justification plus objective, plus concrète et de fonder le licenciement sur la faute grave et les insubordinations commises par la salariée. On peut alors se demander si la cour invoque ce moyen seulement pour donner du corps à l'arrêt, pour cacher le point charnière de cette affaire ou alors si la cour développe un nouveau moyen à part entière. Il semble qu'il y ait un peu des deux. [...]
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