La Cour d'Appel n'a pas fait dépendre la compétence juridictionnelle de la loi applicable au contrat de travail. Elle a relevé le caractère international du contrat de travail et en l'état de ses constatations, elle a pu décider que la clause attributive de compétences, incluse dans le contrat de travail conclu entre un salarié français et une société étrangère pour être exécuté à l'étranger était valide et qu'elle excluait l'application de l'article R517-1 du Code du travail et qu'elle emportait renonciation du salarié au bénéfice des dispositions de l'article 14 du Code Civil.
Avec l'internationalisation des rapports de travail, liées à celles de la production des biens et de la fourniture des services, les litiges entre salarié et employeur s'internationalisent également. Ce type de contentieux, bien avant la détermination de la loi applicable au litige, soulève de nombreuses problématiques quand à la saisine du juge compétent. L'enjeu pour tout justiciable est important car entre une conception très libérale du droit international privé en matière de contrat et la traditionnelle vision protectrice des intérêts du salarié développée par le droit du travail, l'application de l'une ou l'autre de ces conceptions déterminera bien souvent le juge compétent et donc les issues d'un litige pouvant opposer un salarié et son employeur. Mais il est aujourd'hui certain que le contrat de travail international demeure différent de tout autre contrat international pouvant être conclut entre deux parties. Cette différence s'exprime à travers la volonté de protéger la partie la plus faible au contrat, le salarié, en mettant en place des dispositions plus favorables à son égard quand à la détermination de la loi applicable ou du juge compétent. Il est fait largement exception au rôle prédominant de l'autonomie de la volonté en droit international privé au profit du caractère impératif d'un ordre protecteur du salarié. Cependant la vision protectrice des intérêts du salarié dans les rapports internationaux de travail a du mal à trouver une justification, la « faiblesse » contractuelle du salarié étant souvent remise en question. Le salarié international étant bien souvent un salarié exerçant des fonctions d'importance avec un haut niveau de qualification donc jugé apte à négocier son contrat de travail « à armes égales avec son employeur ». Cette vision particulière des rapports internationaux de travail semble trouver écho dans cet arrêt rendu par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation en date du 30/01/1991.
En l'espèce, un salarié, de nationalité française et domicilié en France, exerçant la profession de pilote pour une compagnie aérienne zaïroise et ayant signé son contrat de travail à Kinshasa est licencié. Celui-ci saisit la juridiction prud'homale de son domicile. Aucune précision ne nous est donnée sur la solution retenue en première instance. La Cour d'Appel de Rennes par un arrêt rendu en date du 24/02/1987 déclare la juridiction prud'homale française incompétente pour connaître du litige. Le salarié se pourvoit alors en cassation et développe plusieurs moyens à l'appui de ses prétentions : il considère que son activité l'a amené à effectuer son travail en dehors de tout établissement, son activité de pilote pouvant avoir lieu à l'intérieur comme à l'extérieur de la République du Zaïre et celui-ci ayant conservé son domicile en France la réunion de ces deux éléments imposaient la compétence de la juridiction française sans que l'employeur ne puisse invoquer une clause attributive de compétence nulle en vertu de l'article R517-1 du Code du Travail. De plus la clause attributive de compétence au profit des tribunaux zaïrois dans le contrat de travail du salarié lui demeurait inopposable, celui-ci n'ayant pas renoncé de manière expresse et non équivoque au bénéfice de l'article 14 du Code Civil. Enfin, la compétence internationale est régie par les règles internes de compétence territoriale quelque soit la loi applicable au fond et la nationalité des parties, les considérations de la Cour d'Appel sont donc inopérantes.
Le conflit opposant le salarié et son employeur présente un caractère international très marqué. Il appartenait alors à la Cour de Cassation de déterminer comment les juges du fond devaient apprécier la validité d'une clause attributive de juridiction dans les rapports internationaux de travail?
Par un arrêt rendu en date du 30/01/1991, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation rejette le pourvoi formé par le salarié. Elle estime que la Cour d'Appel n'a pas fait dépendre la compétence juridictionnelle de la loi applicable au contrat de travail. Elle a relevé le caractère international du contrat de travail et en l'état de ses constatations, elle a pu décider que la clause attributive de compétence, incluse dans le contrat de travail conclu entre un salarié français et une société étrangère pour être exécuté à l'étranger était valide et qu'elle excluait l'application de l'article R517-1 du Code du travail et qu'elle emportait renonciation du salarié au bénéfice des dispositions de l'article 14 du Code Civil.
Cette solution rendue par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation se révèle être assez atypique au regard de la position qu'avait développée la Chambre Sociale dans sa jurisprudence antérieure. L'étude de cet arrêt nécessite d'en délimiter les contours : la juridiction saisie se trouvait face à un litige dans un rapport international de travail et il convenait pour la Cour de Cassation de donner une méthode de résolution de ce litige. Les solutions apportées à cette forme de litige par la Convention de Bruxelles de 1968 ne pouvaient s'appliquer en l'espèce : le défendeur à l'instance n'étant pas domicilié dans un Etat membre de l'Union Européenne or le critère du domicile du défendeur est celui qui permet à la Convention de Bruxelles de s'appliquer. La particularité de cette affaire était dès lors située dans la présence au sein du contrat d'une clause attributive de juridiction en faveur d'un juge étranger et la Cour de Cassation devait donc se prononcer en faveur de règles de détermination du juge compétent qui seraient soit fidèle à une vision libérale du contrat soit d'avantage protectrice des intérêts du salarié. La solution rendue par la Cour de Cassation est toute en nuance, la Cour dégageant des principes à respecter par les juges du fond quand à l'appréciation de la validité d'une clause attributive de juridiction au sein de relations internationales de travail (1), tout en définissant la portée que peuvent revêtir de telles clauses insérées dans un contrat de travail international. (2)
[...] Il est nécessaire que l'accord des parties sur la compétence juridictionnelle résulte clairement des stipulations du contrat et que la volonté du salarié français de renoncer au privilège de juridiction ne soit pas équivoque ce que rappelle la Chambre Sociale de la Cour de Cassation le 27/02/1991. Il s'agit néanmoins d'une question d'interprétation du contrat et d'analyse de la volonté des parties qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond et que la cour de Cassation ne contrôle pas. La décision de la Cour s'écarte d'une détermination de la juridiction compétente par seule référence à l'idée préconçue de commodité à l'égard du salarié. [...]
[...] La Cour d'Appel de Rennes par un arrêt rendu en date du 24/02/1987 rendu sur contredit déclare la juridiction prud'homale française incompétente pour connaître du litige. Le salarié se pourvoit alors en cassation et développe plusieurs moyens à l'appui de ses prétentions : il considère que son activité l'a amené à effectuer son travail en dehors de tout établissement, son activité de pilote pouvant avoir lieu à l'intérieur comme à l'extérieur de la République du Zaïre et celui-ci ayant conservé son domicile en France la réunion de ces deux éléments imposait la compétence de la juridiction française sans que l'employeur ne puisse invoquer une clause attributive de compétence nulle en vertu de l'article R517-1 du Code du Travail. [...]
[...] Cette solution rendue par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation se révèle être assez atypique au regard de la position qu'avait développée la Chambre Sociale dans sa jurisprudence antérieure. L'étude de cet arrêt nécessite d'en délimiter les contours : la juridiction saisie se trouvait face à un litige dans un rapport international de travail et il convenait pour la Cour de Cassation de donner une méthode de résolution de ce litige. Les solutions apportées à cette forme de litige par la Convention de Bruxelles de 1968 ne pouvaient s'appliquer en l'espèce : le défendeur à l'instance n'étant pas domicilié dans un Etat membre de l'Union Européenne or le critère du domicile du défendeur est celui qui permet à la Convention de Bruxelles de s'appliquer. [...]
[...] La Chambre Civile de la Cour de Cassation précisant également dans un arrêt du 16/12/1992 que le conflit de juridiction doit se régler indépendamment du conflit de lois. Mais malgré cette position de principe dégagée tour à tour par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation et la Chambre Civile, il n'en demeure pas moins que la désignation de la juridiction compétente a des incidences considérables sur le règlement du litige au fond. En effet chaque ordre juridique a ses propres règles de droit international privé (même si celles-ci sont parfois unifiées au niveau international notamment par la Convention de Rome de 1980) et donc la loi applicable sera déterminée par les règles de conflit de lois applicables à cette juridiction. [...]
[...] A défaut la solution de la Cour de Cassation aurait violé l'article L121-3 du Code du Travail. La Cour de Cassation n'a pas eu à se positionner dans cet espèce sur l'applicabilité ou non d'une convention internationale déterminant la juridiction compétente. Il faut dire cependant que la Convention de première importance en la matière c'est-à-dire la Convention de Bruxelles de 1968 a un critère d'application bien précis : le domicile du défendeur doit se situer sur le territoire de l'Union Européenne ce qui n'était pas le cas en l'espèce. [...]
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