Cour de cassation deuxième chambre civile 3 juin 2004, commentaire d'arrêt, notion d'abus de fonction, responsabilité d'une société, arrêt La Cité, arrêt Costedoat, triple condition de l'abus de fonction, agissement hors fonctions, volonté juridictionnelle
Le transporteur M.Y a immobilisé sa fourgonnette devant un bureau de poste pour y prendre une livraison. M.Z, salarié de la société Jansou, s'y introduit, met le moteur en marche, provoquant un recul du véhicule qui blesse M.Y et entraîne l'amputation de sa jambe. M.Y assigne en réparation la société des MMA assureur de la fourgonnette, le GIE Meiava son assureur personnel, ainsi que M.Z. Par ailleurs sont appelés en cause la société Jansou, son assureur Groupama, et la société AGF assureur personnel obligatoire de M.Y. Interviennent volontairement à l'instance Mme A, mandataire liquidateur de M.Y, qui est en liquidation judiciaire, et Mme B, épouse de M.Y, en son nom personnel et au nom de ses enfants mineurs.
Enfin, MM C et X interviennent pour cause d'appel en tant que représentant des créanciers de la société Jansou, en redressement judiciaire. L'affaire est jugée en première instance, un appel est formé et la Cour d'appel de Toulouse, le 10 décembre 2002, prononce la responsabilité civile de la société Jansou en qualité de commettant pour le dommage causé par son préposé M.Z. La société Jansou est condamnée à garantir les MMA de toutes les condamnations prononcées, et Groupama est condamnée à garantir intégralement son assuré société Jansou. Pour cela, la Cour d'appel retient que les trois conditions posées par la jurisprudence doivent être cumulées pour exonérer le commettant : le préposé doit avoir été hors de ses fonctions, avoir agi sans autorisation, et avoir agi à des fins étrangères à ses attributions.
[...] L'interprétation des juges de cassation est donc marquée par une volonté de souplesse vis-à-vis du commettant, mais, malgré une interprétation logique, cette volonté est aujourd'hui remise en cause. Une volonté juridictionnelle remise en cause La solution dégagée par les juges n'a pas été suivie par une jurisprudence linéaire, malgré une logique juridique ancrée. En effet, le 17 mars 2011, la deuxième chambre civile estime, à propos d'un professeur de musique préposé de l'IRSAM ayant commis des viols et agressions sexuelles sur ses élèves, que « ce préposé, qui avait ainsi trouvé dans l'exercice de sa profession sur son lieu de travail et pendant son temps de travail les moyens de sa faute et l'occasion de la commettre, fût-ce sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, n'avait pas agi en dehors de ses fonctions, et que l'association, son commettant, était responsable des dommages qu'il avait ainsi causés ». [...]
[...] Par le présent arrêt, les juges de Cassation émettent une nouvelle interprétation de la notion d'abus de droit. Cependant cette interprétation est également une interprétation favorable au commettant, marquée par l'instabilité. II) Une interprétation favorable au commettant marquée par l'instabilité Cette interprétation favorable au commettant et marquée par l'instabilité passe par une volonté juridictionnelle de souplesse vis-à-vis du commettant, volonté juridictionnelle remise en cause. Une volonté juridictionnelle de souplesse vis-à-vis du commettant Comme précédemment abordée, l'Assemblée plénière a posé en 1988 une triple condition à la qualification d'un abus de fonction, condition régulièrement confirmée, notamment par le présent arrêt. [...]
[...] Alors que la Cour d'appel déduit que le préposé était dans le cadre de ses fonctions parce que « sa rencontre avec M.Y n'est due, au moment des faits qu'à la nécessité pour lui d'accomplir son travail salarié pour le compte de son employeur », les juges de cassation vont eux estimer au contraire que le préposé ne se trouvait pas dans le cadre de ses fonctions, car le fait pour lui de monter dans la fourgonnette de M.Y constituait une « initiative personnelle sans rapport avec sa mission »: c'est une véritable subjectivisation et assouplissement de la notion de « préposé hors fonction », qui se détermine désormais en fonction de la volonté de ce dernier, et de son rapport avec la mission confiée par le commettant. Par cette subjectivisation, il a alors un rapprochement entre le critère de l'acte hors fonctions et celui des fins étrangères à la mission : le problème qui se pose alors au moment de l'arrêt est de savoir si la condition d'acte hors fonction allait garder son autonomie, ou se fondre avec les fins étrangères à la mission. [...]
[...] Pour cela, la Cour d'appel retient que les trois conditions posées par la jurisprudence doivent être cumulées pour exonérer le commettant : le préposé doit avoir été hors de ses fonctions, avoir agi sans autorisation, et avoir agi à des fins étrangères à ses attributions. Or en l'espèce, le commettant M.Z avait bien agi sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, mais avait agi à l'occasion de l'exécution du contrat de travail et de la mission confiée par son employeur. [...]
[...] Cette solution traduit donc une nouvelle interprétation de la notion d'abus de fonction interprétation favorable au commettant marquée par l'instabilité (II). Une interprétation nouvelle de la notion d'abus de fonction Les juges de cassation émettent par le présent arrêt une nouvelle interprétation de la notion d'abus de fonction, qui passe elle-même, mais une confirmation de la triple condition de l'abus de droit ainsi que par une subjectivisation de la condition « hors fonctions » Une confirmation de la triple condition de l'abus de fonction L'abus de fonction correspond à la situation dans laquelle le préposé agit dans le cadre de ses fonctions, mais commet une faute sans aucun rapport avec elles, et qui a pour effet d'exclure la responsabilité du commettant. [...]
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