Cour de cassation, 11 mai 2004 - les salariées qui se sont approprié des documents appartenant à l’entreprise pour se défendre sont-ils coupables de vol ?

Extraits

[...] Dans le deuxième arrêt : la cour ajoute que le vol ne peut être retenu lorsque l'appréhension et la reproduction par un salarié, sans autorisation, de document de l'entreprise dont il avait eu connaissance à l'occasion de ses fonctions étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à son employeur. Quelle est la nature de cette irresponsabilité pénale ? La chambre criminelle dit qu'en principe il y a vol sauf si les faits sont strictement nécessaires pour les droits de la défense uniquement dans un litige prud'homal. Cette exception n'est pas rattachée à une cause d'irresponsabilité pénale, la doctrine a admis que la jurisprudence a créé elle-même une cause spéciale d'irresponsabilité pénale. [...]

[...] La question est de savoir si les salariées qui se sont approprié des documents appartenant à l'entreprise pour se défendre sont coupables de vol. Ces arrêts permettent le revirement de jurisprudence tant attendu de la chambre sociale ce revirement plus protecteur des droits des salariés a créé un fait justificatif spécial au vol mais celui-ci est entouré de conditions strictes (II). I. Un revirement de jurisprudence plus protecteur des droits des salariés Ce revirement de jurisprudence met fin à la célèbre divergence entre la chambre sociale et la chambre criminelle la chambre criminelle a rejeté l'erreur de droit, erreur qu'elle avait au paravent acceptée A. [...]

[...] L'absence d'intention coupable Le vol est défini à l'article 311-1, le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui qui est constituée par un acte de soustraction sur une chose appropriée et n'appartenant pas à l'auteur de la soustraction. Le vol est une infraction intentionnelle, la soustraction devant être frauduleuse cette intention implique que l'auteur ait voulu le résultat de l'infraction, à savoir la soustraction de la chose d'autrui. L'agent doit avoir conscience que la chose qu'il soustrait ne lui appartient pas, qu'elle appartient à autrui. [...]

[...] La cour de cassation a rejeté le pourvoi au motif que ces documents étant strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige qui l'opposait à l'employeur il ne pouvait pas y avoir de condamnation pour vol. Deuxième arrêt : Une société a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts. La salariée n'a pas été condamnée pour vol. La société a formé un pourvoi en cassation. Selon les juges il n'y a pas d'intention frauduleuse et les faits ne caractérisent pas une appréhension frauduleuse. [...]

[...] En effet dans le deuxième arrêt, la cour d'appel se réfère à des décisions de la cour d'appel de Paris du 12 février 1996 et de Grenoble du 3 juin 1998 qui viennent dire qu'il n'y a pas d'intention frauduleuse lorsque le salarié a seulement voulu se procurer les éléments de son argumentation devant la juridiction prud'homale. La cour de cassation n'apporte pas d'autres fondements sinon la référence aux motifs de la décision des juges du fond. Ceux-ci avaient justifié leur position au regard de l'intention du prévenu qui était de préserver légitimement des preuves et de les faire valoir dans le cadre de l'instance prud'homale l'opposant à son employeur et non de porter atteinte à la propriété, de nuire ou de porter préjudice. [...]