La sécurité du salarié est une question centrale depuis l'origine du droit du travail et amène encore aujourd'hui à débat, comme en témoigne l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 18 septembre 2008.
Dans cet arrêt, des salariés d'une société ont été en contact avec des poussières d'amiante au cours de leur carrière professionnelle, sans bénéficier d'une protection individuelle ou collective. Ils ont alors demandé à bénéficier de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante. Ils ne perçoivent que 65% de leur salaire brut.
Les salariés saisissent alors les tribunaux en vue de la réparation de leur préjudice économique. Le Conseil des Prud'hommes de Sens leur accorde une indemnisation par un arrêt rendu le 20 décembre 2007, arrêt contre lequel l'employeur fait appel. Il considère en effet qu'il n'a commis aucune faute et qu'il n'est pas prouvé que les salariés ont contracté une quelconque maladie. La Cour d'Appel de Paris condamne également l'employeur à indemniser les salariés, aux motifs que l'employeur avait à sa charge une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés, obligation qu'il n'a pas remplie.
La question ainsi posée est celle de la nature et de la mise en œuvre de l'obligation de sécurité de résultat.
[...] C'est le contraire d'une obligation de moyen. Ainsi, il y a responsabilité de l'employeur, en vertu de l'obligation de sécurité, que le salarié ait contracté ou non une maladie liée à l'exposition à l'amiante, à partir du moment où cette exposition a bien eu lieu. Une obligation de résultat ne suppose pas alors l'existence d'une faute pour engager la responsabilité de l'employeur. Ainsi, celui-ci ne peut pas invoquer l'absence de faute pour se dégager de sa responsabilité. Pourtant ici, la Cour d'Appel relève l'existence d'une négligence fautive de la part de l'employeur, ce qui est inutile. [...]
[...] En l'espèce, les salariés ont déjà été indemnisés par le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale de leur préjudice physique. Ils demandent ici la réparation de leur préjudice économique, ne touchent que 65% de leur salaire brut, ce qui est accordé par la Cour. Pour échapper à son obligation d'indemnisation, l'employeur ne peut démontrer l'absence de faute, ce qu'il a essayé de démontrer en vain, étant donné qu'il s'agit d'une obligation de résultat. Il doit prouver qu'il ne pouvait avoir conscience du danger ou qu'il avait pris toutes les mesures nécessaires, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence. [...]
[...] Il doit en effet éviter les risques, les évaluer, les combattre, adapter le travail en conséquence selon le décret de 1977 sur les mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, l'employeur doit, par exemple, faire des prélèvements atmosphériques, vérifier les installations En l'espèce, aucune de ces mesures ne semble avoir été prise. De plus, de nombreuses alertes du CHSCT (Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) et recommandations du médecin du travail sont restées sans réponse. L'obligation contractuelle de sécurité implique pour l'employeur une obligation d'action. Il s'agit d'autant plus d'une obligation de résultat. II. [...]
[...] Dans l'absolu, il semble toujours possible de trouver un préjudice économique. Enfin, si l'employeur doit tout faire pour éviter les risques, il peut être tenté de développer les moyens de surveillance. En effet, ce raisonnement jurisprudentiel n'est pas uniquement valable pour l'amiante, mais également pour le harcèlement moral ou encore le tabagisme. L'employeur est, dans ces domaines également, soumis à une obligation de résultat. L'employeur pourrait alors développer les dispositifs de vidéosurveillance, des fouilles à l'entrée et à la sortie de l'entreprise Autant de moyens qui seraient une menace liberticide. [...]
[...] La Cour de Cassation a déclaré que c'était un contenu tacite du contrat. C'est un stratagème fréquemment utilisé par la Cour de Cassation lorsqu'il s'agit de découvrir de nouvelles obligations à la charge d'un des cocontractants. Ceci explique la transmission des obligations du contrat à la Société SA ZF Masson, lors du rachat du site industriel de Sens en 1999 à la Société Pont- à-Mousson. Ainsi, l'employeur prédécesseur avait bien à sa charge une obligation contractuelle de sécurité à l'égard de ses salariés. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture