Kelsen (1881-1973) dans sa “Théorie pure du droit”, décrit sa conception de la hiérarchie des normes. Elle consiste en une structure pyramidale des règles de droit où la règle de rang inférieur est soumise à la règle de rang supérieur. Cet ensemble hiérarchisé est valable autant pour les règles extérieures à l'administration, que pour les règles édictées par elle-même.
Dans son arrêt rendu le 16 décembre 2005, le Conseil d'État, réuni en Assemblée a rappelé la théorie de Hans Kelsen. En l'espèce, il s'agit d'une décision administrative prise le 5 juillet 2000, reconnaissant le Syndicat national des huissiers de justice comme représentatif pour participer aux négociations de la convention collective nationale des huissiers de justice.
Or, la Chambre nationale des huissiers de justice a effectué un recours pour excès de pouvoir auprès du tribunal administratif de Paris pour annuler la décision administrative du 5 juillet 2000. Elle este au motif que l'article 8 et 10 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 lui reconnaissent ce même caractère représentatif. Le tribunal accueille la demande et dans son jugement du 8 septembre 2002, annule la décision administrative.
Deux problèmes vont alors se poser au Conseil d'État. Faut-il impérativement une pièce justificative prouvant le nombre d'adhérents d'un syndicat et leur cotisation pour établir une représentativité ? Et le Conseil d'État, peut-il constater, l'abrogation implicite d'une disposition législative, quand elle n'est pas conforme à une norme d'un rang supérieur, et ainsi contourner la théorie dite de la loi-écran ?
[...] En l'espèce, la France dans son intégralité la métropole conjointement avec les DOM-TOM) a élu ses députés européens. Mais un électeur demande l'annulation des élections. Il motive sa demande sur la non-conformité de la loi du 7 juillet 1977 du Traité de Rome de 1957. Selon lui, seuls les habitants de la métropole sont habilités à voter. Le Conseil d'État s'autorise, en acceptant de recevoir les moyens du pourvoi, à effectuer un contrôle de conventionnaliste des lois. Il admet en effet la possibilité qu'une loi postérieure à un traité prévale sur ce dernier. [...]
[...] Cependant, se considérant incompétent pour effectuer tout contrôle de constitutionnalité, il se serait considéré aussi comme tel, si un acte administratif frappé d'inconstitutionnalité était entré en vigueur postérieurement à la Constitution. Or, comme la notion du contournement de la loi-écran est considérée comme consacré, le juge administratif, en l'espèce, s'est une nouvelle fois, autorisé la constatation de l'abrogation implicite de la loi. Aussi, il a légitimement, selon sa propre autorité, mais aussi la jurisprudence antérieure, effectué un contournement de la loi. [...]
[...] Mais l'exemple qui nous intéresse plus particulièrement, est en réalité, celui de l'arrêt étudié Ass., 16/12/2005). En effet, ici le Conseil d'État motive sa décision par un contournement à la théorie de la loi dite écran. La chambre nationale des huissiers de justice obtient satisfaction, au premier et second degré, grâce aux dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Seulement le Conseil d'État rappelle dans son considérant troisième que le juge administratif a compétence pour constater l'abrogation d'un texte législatif ou constitutionnel, du fait de son inconciliabilité avec un texte postérieur et supérieur ou égal. [...]
[...] Le Conseil d'État vérifie surtout si une modification par un décret respecte les exigences constitutionnelles. En revanche, cette vérification se complique dès lors qu'une loi intervient entre l'acte administratif et le bloc de constitutionnalité, et notamment lorsque cette dernière est contraire aux dispositions constitutionnelles (le plus souvent, elle est inconstitutionnelle, car elle n'a pas été jugée comme telle avant la fin du délai de promulgation). On appelle cette loi, la loi-écran. Ainsi, dans le cas où le juge administratif constate que l'acte administratif, dont on lui demande d'apprécier la légalité, a été pris en application d'une loi d'où il tire son vice d'inconstitutionnalité, le juge administratif s'estime incompétent pour vérifier directement la conformité de l'acte administratif à la constitution. [...]
[...] C'est ce qu'a retenu le Conseil d'État dans son arrêt du 6 novembre 1936, Arrighi, (prolongé dans l'arrêt Rouquette de 1999). Il avait débouté une demande en annulation de décrets pris en application d'une loi, qui selon le requérant était inconstitutionnelle. Le juge administratif ne pouvait que se voir incompétent pour accueillir cette demande. Il est juge de l'exécutif, et il ne peut donc pas juger une norme législative, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs. Le Conseil d'État n'est en effet pas censeur de la loi au regard de la Constitution”. [...]
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