Les exigences de loyauté procédurale et de bonne foi sont deux principes clés de notre droit procédural français, qui voit son champ d'application s'affirmer de plus en plus. C'est dans ce cadre que la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu deux arrêts, l'un le 12mars 2008 et l'autre le 11 avril 2008.
Dans les deux espèces, les juges ont répondu par la négative considérant que « l'employeur qui soutenait uniquement devant la Cour d'Appel que le licenciement du salarié était motivé par des difficultés économiques que rencontrait la société », ou que la salariée « n'ayant contesté à aucun moment devant les juges du fond les énonciations de la lettre de licenciement relatives à l'existence de difficultés économiques et à l'impossibilité de son reclassement », ne peuvent « proposer devant la Cour de cassation un moyen incompatible avec la thèse qu'ils ont développée devant les juges du fond, et que le moyen est irrecevable ».
Ainsi, l'analyse comparée de ces deux arrêts met en relief, non seulement l'exigence de cohérence des moyens soulevés par les parties, mais aussi la sanction du non-respect de ce principe.
[...] Dans les deux espèces, la Cour de Cassation sanctionne l'incohérence des moyens soulevés devant la Cour d'Appel avec ceux soulevés lors du pourvoi. En effet, l'existence des voies de recours a pour objectif de permettre au justiciable insatisfait de pouvoir contester une décision de justice. Ce droit reconnu non seulement par l'article 8 de la déclaration universelle des droits de l'homme, mais aussi par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, ne doit pas pour autant aller à l'encontre de la cohérence procédurale entre les différents niveaux de juridiction. [...]
[...] Il s'agissait dès lors de savoir pour les juges de la Cour de Cassation si les parties avaient la possibilité de proposer dans leur pourvoi, un moyen incompatible avec la thèse qu'elles avaient développée devant les juges du fond ? Dans les deux espèces, les juges ont répondu par la négative considérant que l'employeur qui soutenait uniquement devant la Cour d'Appel que le licenciement du salarié était motivé par des difficultés économiques que rencontrait la société ou que la salariée n'ayant contesté à aucun moment devant les juges du fond les énonciations de la lettre de licenciement relatives à l'existence de difficultés économiques et à l'impossibilité de son reclassement ne peuvent proposer devant la Cour de Cassation un moyen incompatible avec la thèse qu'ils ont développée devant les juges du fond, et que le moyen est irrecevable Ainsi, l'analyse comparée de ces deux arrêts met en relief, non seulement l'exigence de cohérence des moyens soulevés par les parties mais aussi la sanction du non-respect de ce principe (II). [...]
[...] En tout cas, la Cour de Cassation s'inscrit dans une tendance jurisprudentielle bien marquée tendant à une plus grande reconnaissance de la loyauté procédurale. B. vers une consécration plus large de la loyauté procédurale Comme nous avons déjà pu le souligner ci-dessus, ces décisions semblent s'inspirer du principe de l'estoppel issu de la Common Law, notamment en ce qu'elle permet au juge d'écarter la règle de droit ordinaire dans les cas où celle-ci conduirait à un résultat inapproprié en permettant à une partie de profiter de ses propres contradictions. [...]
[...] En effet, il s'agissait de savoir pour les juges de la Cour de Cassation si les parties avaient la possibilité de se contredire en justice pour arriver à leurs fins ? Par deux fois, la Cour a tranché par la négative de manière très explicite : on ne peut proposer devant la Cour de Cassation un moyen incompatible avec la thèse développée devant les juges du fond Cette règle n'est pas sans nous rappeler la règle de l'estoppel en Common Law, laquelle protège avant tout la confiance légitime d'une partie, en empêchant qu'elle subisse le comportement incohérent et contradictoire de l'autre. [...]
[...] l'irrecevabilité des moyens incompatibles avec la thèse développée devant les juges du fond Dans ces deux arrêts, la Cour de Cassation a dû trouver la sanction adéquate relative à une situation délicate non prévue par le code de procédure civile. Cette dernière se prononça dès lors pour l'irrecevabilité du moyen. En effet, la définition de l'irrecevabilité nous semble tout à fait opportune puisqu'elle sanctionne habituellement un moyen qui ne réunit pas les conditions légales pour que le juge soit régulièrement saisi. [...]
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