Le droit social, fidèle à sa réputation de droit créateur d'inégalité entre salarié et employeur, ne semble pas avoir épargné ce point de droit qu'est l'administration de la preuve dans un procès. Nous avons alors soumis deux arrêts illustrant ce propos : l'un de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 janvier 2005 et l'autre de la chambre sociale du 17 mai 2005.
Dans l'arrêt de la Chambre criminelle, un ex-salarié est poursuivi par son ex-employeur pour vol, en effet, il aurait selon l'exposé des faits de la Cour de cassation, photocopié des documents appartenant à la société où il travaillait à l'insu de son employeur. Il faut cependant remarquer, et cela est d'une extrême importance, que cette procédure pour vol se fait parallèlement à un autre procès opposant les mêmes protagonistes, mais cette fois-ci devant le conseil de prud'hommes et dans lequel le salarié utilise comme preuve les documents litigieux.
Dans l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, connu par la doctrine sous le nom de Cathnet-Science, M.X a été licencié de la société Cathnet-Science pour faute grave au motif de la découverte sur son ordinateur de travail dans un dossier intitulé « perso » de fichiers à caractère érotique.
Ces deux arrêts n'ont, au premier abord, aucune similitude et pourtant l'inégalité entre employeur et salarié ressort très clairement des solutions de ces arrêts. En effet, la chambre criminelle casse et annule le jugement qui avait déclaré le salarié coupable de vol au motif que la Cour d'appel n'avait pas cherché à savoir « si les documents [...] n'étaient pas strictement nécessaires à l'exercice des droits de la défense de Gille X [ le salarié ] dans le litige l'opposant à son employeur ». À l'inverse, la chambre sociale conclue en énonçant que « sauf risque ou évènement particulier, l'employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l'ordinateur mis à sa disposition qu'en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé ».
Nous voici donc confrontés à une véritable asymétrie entre les droits accordés au salarié et ceux conférés à l'employeur. En effet, si le salarié peut opposer à l'employeur des documents qu'il a illégalement récupérés, l'employeur ne peut pas en règle générale opposer à son salarié des documents personnels de ce dernier récupérés à l'insu du dit salarié.
On peut alors en comparant les décisions de ces deux arrêts se demander : « Comment est régi l'opposabilité de la preuve en droit du travail ? » ou plus précisément si nous nous projetons un peu « Qu'est-ce qui justifie l'inégalité dans l'opposition de la preuve entre l'employeur et le salarié et quelles sont les limites de cette asymétrie ? »
[...] On remarquera alors que si l'effort opéré par la Chambre criminelle le 11 mai 2004 et repris dans notre arrêt du 4 janvier 2005 tend vers la protection du salarié au détriment de l'entreprise, cette protection n'est pas sans faille et manque encore de maturité. Dans tous les cas, l'arrêt a bien laissé apparaître une limitation à la surprotection du salarié, remettant alors, si cette limite est dépassée, le salarié et l'entreprise sur un pied d'égalité. Et si cette protection que nous pourrions qualifier de protection par élargissement du champ de preuve en faveur du salarié connait une limite, on peut se demander si la seconde protection qui répondrait à la protection par diminution du champ de preuve en faveur du salarié en connait aussi. [...]
[...] en effet ce dernier n'a peut être pas intérêt à fournir à son employeur les mots de passe et code d'accès aux différents fichiers stockés sur son ordinateur. En définitive, cette situation, notamment si le salarié sait un tant soit peu se servir d'un ordinateur, très vite tourner court. Il ressort alors de cette double possibilité que s'il existe une limite à l'impunité offerte au salarié en raison de la protection de sa vie privée, celle-ci est bien moindre et semble difficile à atteindre. [...]
[...] En effet, nous l'avons déjà évoqué, l'opposabilité de la preuve en droit du travail est dominée par une inégalité entre l'employeur et le salarié, il sera alors intéressant de développer cette notion d'inégalité tout en remarquant que celle-ci se retrouve limitée par la Cour de cassation elle-même dans ces arrêts (II). Une inégalité en rapport avec les intérêts protégés En s'appuyant sur les deux décisions qui nous sont aujourd'hui soumises, on s'aperçoit que le principe de vie privée de chaque individu tient une place prépondérante dans le droit du travail, limitant notamment la possibilité de licenciement de l'employeur cependant on peut et on doit remarquer que cette vie privée de l'individu surpasse en tout point la protection donnée à l'entreprise de sa vie privée si on peut se permettre de la qualifier de telle A. [...]
[...] Encore une fois on voit donc apparaître que dans le droit du travail, que l'affaire soit jugée par la chambre sociale ou par la chambre criminelle, la protection du salarié passe en priorité face à la protection de l'entreprise. On assiste alors, ici aussi, à une surprotection du salarié. On remarque alors que dans chacun des arrêts qui nous sont ici confrontés, la Cour de cassation semble mettre en place une surprotection du salarié au détriment de l'entreprise et de l'employeur et l'on peut alors se demander quelles sont les limites d'un tel avantage accordé au salarié. [...]
[...] Commentaire comparé : chambre criminelle de la Cour de Cassation janvier 2005 ; chambre sociale mai 2005 Selon le proverbe latin affirmanti incumbit probatio qui peut se traduire par la preuve incombe à celui qui affirme la charge de la preuve revient à celui qui demande. On retrouve cette idée dans notre droit avec les articles 1315 du Code Civil et 9 du Code de procédure civile qui disposent respectivement que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et qu' il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention Cependant l'administration de la preuve peut parfois être difficile, en effet tantôt le juge exigera une preuve parfaite, tantôt il autorisera un mode de preuve libre Le droit social, fidèle à sa réputation de droit créateur d'inégalité entre salarié et employeur, ne semble pas avoir épargné ce point de droit qu'est l'administration de la preuve dans un procès. [...]
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