Le salarié qui voit son contrat de travail révisé par l'employeur est-il tenu de l'exécuter aux nouvelles conditions édictées, eu égard à sa situation de subordination?
Le silence du Code du travail sur cette question a poussé les juges à y apporter une réponse.
Dans l'espèce ayant donné lieu au premier arrêt rendu par la chambre sociale le 18 avril 2008,il est question d'un litige opposant un employeur et les salariés d'une maison de retraite située à Le Rouret, et qui se sont vus informés du déplacement de leur lieu de travail à Mougins. Suite à leur refus d'accepter ce que les salariés considèrent comme une" modification de leur contrat de travail», leur employeur les licencie. Les salariés saisissent la juridiction prud'homale en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive de leur contrat.
La juridiction Prud'homale fait droit à leur demande. L'employeur interjette appel invoquant le fait qu'il n'était pas précisé dans le contrat de travail que "les salariés travailleraient dans l'établissement du Rouret".
Le 9 janvier 2006, la cour d'appel d'Aix en Provence confirme la décision du conseil des prud'hommes, estimant que ce "changement de lieu de travail constitue une modification du contrat de travail".
La cour de cassation casse l'arrêt rendu en appel, rappelant que le fait d'affecter un salarié d'un établissement à un autre n'est pas constitutif d'une modification du contrat de travail, mais d'un "simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur" dès lors que cet établissement est situé dans le même secteur géographique. Elle reproche en l'espèce aux juges du fond de ne pas avoir recherché si le transfert litigieux intervenait ou non dans un même secteur géographique.
Au sein de second arrêt, une salariée se voit imposer un changement de lieu de travail par son employeur, l'agence dans laquelle elle travaille ayant été transférée dans le département voisin. Contestant ce changement, estimant qu'il s'agit d'une modification de son contrat de travail, la salariée saisit la juridiction prud'homale afin d'obtenir la résiliation de son contrat aux torts de l'employeur ainsi que le paiement d'indemnités au titre de la rupture. Le 10 septembre 2002,la cour d'appel de Poitiers fait droit à la demande ,estimant que le lieu de travail "avait été expressément fixé par le contrat de travail «et que, dès lors, le changement de ce lieu de travail constituait une modification du contrat, «que la salariée n'était pas tenue d'accepter «Le 15 mars 2006,la chambre sociale casse l'arrêt rendu en appel rappelant que la simple mention du lieu de travail dans le contrat n'a qu'une valeur informative, hormis le cas ou il "stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera exclusivement dans ce lieu". La cour suprême reproche alors aux juges du fond de ne pas avoir mené un travail d'appréciation permettant de savoir si d'une part "le contrat stipulait que le travail s'exercerait exclusivement dans le lieu qu'il mentionnait», et d'autre part "si le changement de localisation était intervenu dans le même secteur géographique"
Dans le troisième arrêt, l'affaire débute lorsqu'une salariée travaillant à Levallois'Perret, se trouve licenciée pour avoir refusé le changement provisoire de son lieu de travail, transféré à un peu plus de 15 kilomètres du lieu précité. La salariée considérant que ce changement du lieu de travail constitue une modification de son contrat de travail demande le paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
La cour d'appel de Versailles en son arrêt du 21 décembre 2006 ne faisant pas droit à sa demande, la salariée forme un pourvoi en cassation.
Le21 mai 2008, la chambre sociale de la cour de cassation rejette le pourvoi, estimant que le caractère temporaire de l'affectation ne peut constituer une modification de son contrat de travail susceptible de faire l'objet d'un refus justifié, d'autant moins que la distance séparant les deux sites, situés tous deux en région parisienne, n'étant que légèrement supérieure à 15 km, n'entraine "aucune gène particulière pour la salariée".
Enfin, dans l'espèce ayant donné lieu au dernier arrêt, un salarié ayant refusé le changement non temporaire de son lieu de travail, de la région Rhône Alpes à la région midi-Pyrénées soit un transfert effectué en dehors de son secteur géographique d'exercice habituel, s'est vu licencié pour faute grave par son employeur. Contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié saisit la juridiction prud'homale. Le 5 mars 2007, la cour d'appel de Grenoble condamne l'employeur au paiement de certaines sommes. L'employeur forme un pourvoi en cassation, invoquant le fait que le contrat stipulait expressément que «le salarié serait amené à effectuer des grands déplacements» et qu'il ne stipulait nullement que le travail s'exercerait exclusivement au sein de l'agence Rhône Alpes. Le 26 novembre 2008, la cour de cassation, rejette le pourvoi estimant que le contrat de travail "ne comportait pas de clause de mobilité «et que "l'envoi non temporaire du salarié ..dans un secteur géographique différent de l'agence où il exerçait son activité, constitue une modification du contrat de travail que le salarié est en droit de refuser".
La question probablement soulevée par les juges ici,est de savoir sous quelles conditions et à partir de quels critères il peut être estimé qu'un changement de lieu de travail constitue une modification du contrat de travail?
[...] Contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié saisit la juridiction prud'homale. Le 5 mars 2007, la cour d'appel de Grenoble condamne l'employeur au paiement de certaines sommes. L'employeur forme un pourvoi en cassation, invoquant le fait que le contrat stipulait expressément que salarié serait amené à effectuer des grands déplacements» et qu'il ne stipulait nullement que le travail s'exercerait exclusivement au sein de l'agence Rhône Alpes. Le 26 novembre 2008, la cour de cassation, rejette le pourvoi estimant que le contrat de travail "ne comportait pas de clause de mobilité que "l'envoi non temporaire du salarié . [...]
[...] A)La contractualisation implicite de la notion de secteur géographique Comme il en a été question précédemment, en l'absence de clause spéciale, le lieu de travail n'est pas un élément contractuel. Une mutation n'est donc qu'un changement des conditions de travail .De ce fait si le salarié refuse sa nouvelle affectation il commet une faute. Par la notion de secteur géographique, on a souhaité avant tout limiter ce pouvoir de l'employeur. En effet ,si le changement unilatéral du lieu de travail est admis, ce n'est qu'à la condition que celui-ci se fasse au sein d'un même secteur géographique que l'ancienne.(arrêt soc 4 mai 1999). [...]
[...] Cette possibilité de contractualisation du lieu de travail peut être un instrument de protection pour le salarié comme un instrument permettant à l'employeur de satisfaire ses besoins de mobilité. Ainsi, en l'absence de clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans tel ou tel lieu, il importe peu que le contrat mentionne ou pas le lieu de travail.Ce dernier est devenu une simple condition d'exécution du travail. Même si des éléments concernant le lieu de travail sont insérés par écrit dans le contrat de travail ,ils n'auront pas pour autant valeur contractuelle. [...]
[...] Si un élément contractuel est affecté par la proposition de l'employeur, il s'agit d'une modification du contrat de travail qui ne peut se faire sans l'accord du salarié qui aura alors le droit de refuser et ne pourra être licencié sans raison valable. Si aucun élément contractuel n'est affecté ,il s'agit d'une" simple modification des conditions d'exercice"dont l'employeur peut unilatéralement décider, au nom de son pouvoir de direction. Le salarié s'y opposant pourra alors être licencié pour faute.Cette distinction est toujours appliquée. En effet dans l'arrêt commenté rendu par la chambre sociale le 18 avril 2008,les juges estiment que "le fait d'affecter un salarié d'un établissement à un autre . [...]
[...] N'y a-t-il pas la une atteinte à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamenatales,qui consacre la liberté du choix de son domicile? Selon un arrêt rendu par la chambre sociale le 28 mars 2006,"une mutation géographique ne constitue pas en elle même une atteinte à la liberté fondamentale du salarié quant au libre choix de son domicile", mais à condition que cette mutation respecte l'article L 1121-1 du Code du travail en vertu duquel« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».C'est pour limiter les pouvoirs de l'employeur et pour que ne soit pas atteinte la liberté des salariés que la jurisprudence a créé la notion de "secteur géographique". [...]
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