Dans une affaire tranchée par la chambre sociale de la Cour de cassation le 3 décembre 2002. Le syndicat Sud Caisses d'épargne a nommé un délégué syndical au sein de l'entreprise où il est implanté.
La Caisse d'épargne et de prévoyance d'Alsace a alors saisi le tribunal d'instance d'une action en contestation de la désignation de ce délégué syndical, prérogative réservée par l'article L 412-11 du code du travail aux seuls syndicats représentatifs, au motif que le syndicat Sud Caisses d'épargne n'est pas représentatif, dans la mesure où il ne remplit pas tous les critères énumérés à l'article L 133-2 du code du travail.
Mais le tribunal d'instance, statuant en premier et dernier ressort, a reconnu la représentativité du syndicat Sud Caisses d'épargne au sein de l'entreprise et donc la validité de la désignation du délégué syndical, en dépit du défaut d'ancienneté et d'expérience et de la faiblesse des effectifs et des cotisations de ce syndicat, estimant en effet que la défaillance de ces critères était compensée par « un activisme syndical incontestable ». Il a par conséquent rejeté la demande de la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Alsace.
Ce dernier a formé un pourvoi en cassation contre le jugement, dans lequel il soutient que la désignation du délégué syndical n'est pas valable, dans la mesure où le syndicat Sud Caisses d'épargne n'est pas représentatif au sein de l'entreprise. Il invoque dans un premier temps à l'appui de son pourvoi le défaut d'ancienneté et d'expérience du syndicat, qui sont selon lui des critères essentiels de la représentativité. Il reproche ensuite au tribunal d'instance d'avoir déclaré le syndicat représentatif malgré l'absence d'expérience et d'ancienneté, l'insuffisance de ses effectifs et des cotisations versées par ses adhérents, et sans avoir « caractérisé l'exercice d'une véritable activité revendicative révélant l'influence du nouveau syndicat auprès du personnel ». Il soutient enfin que les agissements du syndicat qualifiés par les juges du fond d'« activisme syndical incontestable » sont « incompatibles avec la reconnaissance de sa représentativité de fait ».
Quels sont donc les critères qu'un syndicat doit nécessairement remplir pour pouvoir se prévaloir des prérogatives attachées à la représentativité, et comment ces critères sont-ils appréciés ?
[...] Comme le rappelle l'arrêt rendu le 3 décembre 2002 par la chambre sociale de la Cour de cassation, qui se situe de ce point de vue dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure, l'indépendance n'est autre qu'une condition sine qua non de la représentativité d'un syndicat. Mais elle est insuffisante à caractériser la représentativité, et doit par conséquent être corroborée par d'autres critères légaux et jurisprudentiels. En l'espèce, la Cour mentionne expressément, à côté de l'indépendance, l'influence, critère dégagé par la jurisprudence à propos duquel M. [...]
[...] Ce relâchement du contrôle de la Cour de cassation n'est cependant pas sans risque. Ainsi, pour éviter d'éventuelles dérives et que les juges du fond n'accordent par exemple trop facilement la représentativité et les prérogatives qui y sont attachées à tout syndicat les revendiquant, il faudra à l'avenir que la Cour de cassation exige des juges du fond une motivation précise et substantielle constatant l'indépendance et caractérisant l'influence du syndicat, afin qu'elle puisse exercer un contrôle certes restreint mais tout de même pertinent et efficace. [...]
[...] L'arrêt Caisse d'épargne et de prévoyance d'Alsace Syndicat Sud Caisses d'épargne, s'il ne rompt pas avec la jurisprudence antérieure, constitue tout de même une légère évolution, en ce qu'il procède à une confirmation plus nette de l'état actuel de la jurisprudence en ce domaine. La jurisprudence a donc fait de ce critère jurisprudentiel qu'est l'influence une condition fondamentale de la représentativité d'un syndicat. En effet, un autre arrêt rendu le 3 décembre 2002, à propos d'un autre syndicat Sud, a refusé à un syndicat la qualité de syndicat représentatif en raison de son absence d'influence dans l'entreprise au regard des critères énumérés à l'article L 133-2 du code du travail La doctrine partage également ce sentiment que l'influence constitue bien une condition de la représentativité d'un syndicat. [...]
[...] Ce qui importe est que, globalement, le syndicat bénéficie d'une influence certaine au sein de l'entreprise. Il ressort de la motivation de l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 3 décembre 2002, Caisse d'épargne et de prévoyance d'Alsace Syndicat Sud Caisses d'épargne, que l'indépendance et l'influence d'un syndicat constituent plus que de simples critères de la représentativité mais de véritables conditions sine qua non de la qualification de syndicat représentatif. En effet, l'absence de l'une de ces conditions est exclusive de la représentativité du syndicat. [...]
[...] Ainsi un syndicat qui soutiendrait systématiquement toutes les décisions patronales ou recevrait du chef d'entreprise tous ses moyens financiers ferait preuve d'une dépendance vis-à-vis de celui-ci, ce qui s'opposerait à sa représentativité. L'indépendance du syndicat s'apprécie par rapport à deux critères que sont les cotisations et l'activité du groupement. En effet, l'indépendance se décompose en deux volets. Le syndicat doit tout d'abord jouir d'une indépendance financière, qui s'acquiert par le biais des cotisations versées par ses adhérents et qui constituent les fonds propres du syndicat lui permettant de fonctionner et d'exercer ses activités syndicales. Le montant des cotisations joue comme un révélateur de l'indépendance du syndicat. [...]
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