Un salarié a été engagé en qualité de chauffeur routier et a adressé à son employeur une lettre de démission fondée notamment sur le fait que ses compléments de salaire et de congés payés ne lui avaient pas été réglés pour l'année précédente.
La CA accueille sa demande et considère que l'employeur a licencié le salarié sans cause réelle et sérieuse.
L'employeur forme un pourvoi en cassation en arguant que la lettre de démission fixe les termes du litige. Ainsi, la Cour d'appel ne pouvait prendre en compte des éléments non précisés dans la lettre de démission pour considérer que l'employeur n'avait pas respecté ses obligations contractuelles alors que les éléments invoqués par le salarié dans sa lettre de démission n'étaient pas démontrés.
L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail fixe-t-il les termes du litige ?
La Cour de cassation rejette le pourvoi et affirme que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
[...] Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit. La nature hybride de la lettre de prise d'acte de rupture Si le régime de la prise d'acte de rupture avait commencé à être précisé au regard de la jurisprudence antérieure il en résulte que le formalisme entourant la lettre de prise d'acte de rupture est atténué Le régime juridique de la prise d'acte de rupture au regard de la jurisprudence antérieure La prise d'acte de la rupture n'est pas dotée d'un régime propre ; il s'agit davantage d'un mécanisme juridique procédant d'une distinction entre initiative - la partie au contrat qui est à l'origine de l'acte qui, dans la forme, met fin au contrat - et imputabilité - partie qui a en réalité provoqué la rupture du contrat dans les faits - de la rupture. [...]
[...] La première intéresse le consentement : s'il se peut que le salarié ait rédiger une lettre sous la pression de son supérieur hiérarchique, il est fort douteux qu'il en soit de même pour l'employeur. Ainsi le salarié doit il pouvoir invoquer devant le juge d'autres motifs que ceux consignés dans la lettre de prise d'acte ; il s'agit parfois même de la volonté de rompre qui va être remise en cause par le salarié et donc l'existence même de la rupture plutôt que de faire produire à celle-ci les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. [...]
[...] Le régime de ces deux modes de rupture se distingue cependant par le fait que la prise d'acte rompt à elle seule le contrat, indépendamment de toute intervention judiciaire. La prise d'acte serait donc une forme particulière de résiliation unilatérale puisque leurs effets ont tendance à se confondre tandis que leur mise en œuvre diffère. Comme nous l'avons vu précédemment, le régime de la prise d'acte de rupture diffère de celui du licenciement. Cependant, certains auteurs préconisent que la solution rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation dans l'arrêt commenté puisse s'appliquer au régime du licenciement. [...]
[...] La prise d'acte de la rupture ne peut être qu'à l'initiative du salarié, le seul moyen de l'employeur pour rompre le contrat étant de procéder à un licenciement et ce depuis deux arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation les 24 et 25 juin 1992. Ce régime était alors très favorable au salarié puisqu'à l'origine, le salarié qui prenait acte de la rupture de son contrat en reprochant à l'employeur de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles ne manifestait pas d'une volonté claire et non équivoque de volonté de démissionner et dès lors, cette rupture ne pouvait ne s'analyser qu'en un licenciement, et ce même si les griefs allégués par le salarié à l'encontre de l'employeur se révélaient ne pas être fondés (Cour de cassation, chambre sociale septembre 2002). [...]
[...] Dans un arrêt rendu le 24 juin 1998, la Cour de cassation avait déjà autorisé le salarié à invoquer lors de la procédure des motifs de rupture ne figurant pas sur la lettre de prise d'acte. Une position analogue avait été retenue quant à la lettre de démission requalifiée en licenciement (Cour de cassation, chambre sociale décembre 1997). La chambre sociale avait pourtant décidé dans un arrêt rendu le 19 octobre 2004 que seuls les faits invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte de rupture permettent de requalifier la démission en un licenciement Mais dans son rapport annuel de 2004, la Cour suprême avait tenu à préciser qu'il ne s'agissait pas d'interdire au salarié, à l'occasion de l'action en justice, d'invoquer, outre les faits qu'il avait dénoncés dans sa prise d'acte, d'autres faits. [...]
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