L'arrêt commenté permet de préciser le champ d'application du principe de faveur intervenant dans les rapports entre le contrat individuel de travail et les accords collectifs.
Un salarié a été embauché par une société au sein de laquelle il exerçait la fonction de chef de groupe. Un accord collectif d'entreprise a été conclu postérieurement à l'embauche et institue un nouveau mode de rémunération pour les chefs de groupe. La société a appliqué au salarié les nouvelles modalités de rémunération en dépit du refus du salarié de ce qu'il considérait comme une modification de son contrat de travail.
Le salarié saisi le Conseil de prud'hommes d'une demande en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
La Cour d'appel (CA) fait droit à sa demande. Elle considère en effet d'une part que, réserve faite du salaire minimum garantie, le mode de rémunération du salarié avait été contractuellement défini par les parties et sa modification avait eu pour effet que la rupture du contrat de travail s'analysait comme un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
En outre, le mode de rémunération du salarié ne pouvait être modifié que par voie contractuelle et en conséquence il ne pouvait pas lui être appliqué l'accord d'entreprise sans son agrément.
L'employeur forme un pourvoi en cassation.
Dans un premier moyen, la société fait valoir que la rémunération d'un salarié est exclusivement conventionnelle lorsque celui-ci a été engagé au minimum prévu par la convention collective et qu'en l'espèce la rémunération du salarié résultait en totalité d'un accord collectif.
Dans un second moyen, l'employeur argue que la convention collective fixant le nouveau mode de rémunération du salarié était plus favorable à celui-ci.
La convention collective est elle opposable de plein droit au salarié alors même que conclue postérieurement au contrat de travail et contenant des dispositions moins favorables pour le salarié ?
La Cour de cassation confirme la CA. En premier lieu, celle-ci ayant relevé que le mode de rémunération du salarié était déterminé par la lettre d'engagement signé par celui-ci et par les conditions générales de collaboration jointes à cette lettre et que ces conditions générales, élaborées unilatéralement par la société, ne reprenaient qu'une partie des dispositions de la convention collective, le mode de rémunération avait donc une nature contractuelle.
Puis, la Haute juridiction considère qu'un accord collectif ne peut modifier le contrat de travail d'un salarié et seules les dispositions les plus favorables d'un accord collectif peuvent se substituer aux clauses du contrat. En l'espèce, la CA avait relevé que la rémunération résultant de l'accord collectif était moins favorable au salarié que celle prévue par le contrat et de par ce fait que les dispositions de l'accord ne pouvaient pas s'appliquer au salarié.
[...] Commentaire de l'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 13 novembre 2001 L'arrêt commenté permet de préciser le champ d'application du principe de faveur intervenant dans les rapports entre le contrat individuel de travail et les accords collectifs. Un salarié a été embauché par une société au sein de laquelle il exerçait la fonction de chef de groupe. Un accord collectif d'entreprise a été conclu postérieurement à l'embauche et institue un nouveau mode de rémunération pour les chefs de groupe. [...]
[...] En l'espèce, la Cour de cassation vise dans cet arrêt l'article L.135-2 du Code du travail. Toutefois, et cela en dépit de la portée relative de ces textes, doctrine et jurisprudence s'accordent à reconnaître au principe de faveur une portée générale qui s'impose au-delà des termes de la loi. Dans un arrêt du 22 mars 1973, le Conseil d'Etat est venu préciser qu'il résulte des termes de l'article L.132-4 que, conformément d'ailleurs aux principes généraux du droit du travail, les dispositions législatives ou réglementaires prises dans le domaine de ce droit présentent un caractère d'ordre public en tant qu'elles garantissent aux travailleurs des avantages minimaux, lesquels ne peuvent en aucun cas être supprimés ou réduits, mais ne font pas obstacle à ce que ces garanties ou ces avantages soient accrus ou à ce que des garanties ou avantages non prévus par les dispositions législatives ou réglementaires soient institués par voie conventionnelle Le Conseil d'Etat est revenu sur le principe de faveur après le rendu de son avis de 1973. [...]
[...] II) La place du principe de faveur dans les rapports entre le contrat de travail et la convention collective L'application du principe de faveur : une dérogation au caractère impératif de la convention collective L'application du principe de faveur s'inscrit dans la hiérarchie des normes. La pyramide des normes de Kelsen est organisée classiquement en droit du travail : Constitution loi règlement accords nationaux accords de branche ou interprofessionnels accords d'entreprise. Classiquement, l'accord inférieur doit être au moins voire plus favorable que son accord supérieur. Le principe de faveur est donc une règle de conflit de norme. [...]
[...] La Cour de cassation confirme la CA. En premier lieu, celle-ci ayant relevé que le mode de rémunération du salarié était déterminé par la lettre d'engagement signé par celui-ci et par les conditions générales de collaboration jointes à cette lettre et que ces conditions générales, élaborées unilatéralement par la société, ne reprenaient qu'une partie des dispositions de la convention collective, le mode de rémunération avait donc une nature contractuelle. Puis, la Haute juridiction considère qu'un accord collectif ne peut modifier le contrat de travail d'un salarié et seules les dispositions les plus favorables d'un accord collectif peuvent se substituer aux clauses du contrat. [...]
[...] Enfin, il ressort de la circulaire relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social du 22 septembre 2004 que cette possibilité de dérogation ne concerne que les rapports entre les différents niveaux d'accord et non les rapports entre la loi ou le règlement et les accords collectifs d'une part, ou les rapports entre le contrat individuel de travail et les accords collectifs d'autre part. Ainsi, une norme conventionnelle défavorable ne peut pas se substituer de plein droit aux stipulations contractuelles plus favorables contenues dans le contrat de travail. Malgré l'intervention de la loi Fillon, il semble que la jurisprudence constante relative au rapport entre le contrat de travail et les conventions collectives a vocation à être maintenue. [...]
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