La jurisprudence de ces dernières années a été marquée par l'abondance de contentieux relatif à la santé et à la sécurité au travail.
L'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 11 Mars 2009 s'inscrit en effet dans cette lignée.
Des faits, il ressort que M.X salarié de la société Les ateliers de Provence est embauché en tant que dessinateur, mais ses fonctions incluent aussi l'inspection de wagons. Il a été victime d'un accident de travail le 18 novembre 2003 au cours d'une opération d'inspection sur wagon. A l'issu de la deuxième visite de reprise, le médecin de travail l'a déclaré "apte au poste de dessinateur, tout travail sur wagon exclu". Alors qu'il contrôlait les wagons, il est victime d'un nouvel accident du travail à la suite duquel le médecin du travail le déclare inapte.
Le médecin de travail en date du 14 décembre 2004 le déclare alors "inapte au poste de contrôleur des wagons, et pas de déambulation sur le site de l'entreprise". Son avis est confirmé le 5 janvier 2005. L'employeur n'ayant pu le reclasser, le licencie pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. Le salarié conteste alors son licenciement.
La cour d'appel a retenu que le licenciement de M.X est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Elle répond au salarié qui soutenait que la société aurait dû lui proposer de travailler à temps partiel sur le poste de dessinateur en maintenant le poste de l'adjoint qui aurait contribué à lui faire des rapports dans son bureau sans qu'il soit nécessaire que lui-même ne se déplace sur le terrain comme le préconise le médecin du travail, que contrairement à ce que soutient l'intéressé compte tenu des spécificités de l'activité, le poste de dessinateur suppose de se déplacer sur le site de l'entreprise.
Il semble ainsi pertinent de nous interroger sur la validité d'un licenciement pour inaptitude professionnelle lorsque l'avis du médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié n'a pas été respecté?
La Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel. Pour elle, le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où l'employeur n'avait pas tenu compte des préconisations du médecin du travail. Il avait en effet maintenu le salarié à des tâches d'inspection des wagons pourtant exclues par le médecin du travail dans son avis d'aptitude partielle.
Il faut savoir que lors d'une visite médicale de reprise du travail consécutive à une absence du salarié pour maladie ou accident, le médecin du travail peut proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique mentale des travailleurs.
La loi utilise le terme « proposer », mais en fait, la Cour de cassation insiste sur le caractère impératif pour l'employeur des recommandations du médecin du travail. Il est tenu de les prendre en compte afin d'assurer l'effectivité de son obligation de sécurité. S'il ne s'y conforme pas, il ne peut pas licencier par la suite pour inaptitude le salarié victime d'un nouvel accident du travail.
Ainsi, dans cette décision, la Cour de Cassation vient encore rappeler l'obligation de l'employeur visant la santé et la sécurité de ses salariés, mais elle souligne surtout l'importance du respect des préconisations formulées par le médecin du travail dans le cadre de l'article L 4624-1 du Code du travail.
[...] La charge du respect de l'obligation de sécurité de résultat pèse sur les épaules de l'employeur Le droit à la santé et la sécurité au travail s'est construit depuis 20 ans sous l'influence du droit communautaire. D'une politique de la sécurité, on est passé à une politique de la santé au travail. Le concept de santé doit être entendu de façon large. Il ne vise pas seulement l'absence de maladie ou de handicap. Il s'entend comme état complet de bien-être physique, mental et social», conception issue de l'Organisation mondiale de la Santé. C'est avec la loi du 31 décembre 1991 qu'est apparue la notion d'obligation de sécurité, non pas de l'employeur mais du chef d'établissement. [...]
[...] Cette responsabilité pénale est toujours d'actualité. Sur le plan civil, la responsabilité de l'employeur s'applique si la violation des règles de sécurité a causé un préjudice sans provoquer d'accident de travail, mais aussi dans le cas d'une maladie professionnelle ou du harcèlement moral, le plus souvent, le salarié peut réclamer des dommages et intérêts à l'employeur. Les accidents du travail et les maladies professionnelles sont pris en charge par la sécurité sociale en contrepartie des cotisations payées uniquement par les entreprises. [...]
[...] En d'autres termes, la préconisation médicale au sens de l'article L 4624-1 porte toujours sur un aménagement du poste qu'occupe le salarié. Ce réaménagement peut emporter une modification du contrat de travail (mutation, réduction du temps de travail, etc.) ou un simple changement des conditions de travail en raison, par exemple, d'une contre-indication à l'exercice d'une tâche, à l'utilisation d'outils, au port de charges lourdes, à la station debout prolongée. Dans notre arrêt du 11 mars 2009, le salarié a reçu une contre-indication aux tâches de contrôle des wagons. [...]
[...] Cette responsabilité civile de l'employeur implique la commission d'une faute inexcusable de ce dernier. Cette faute permet au salarié victime d'une lésion professionnelle d'obtenir une meilleure réparation de son préjudice. Les employeurs peuvent s'assurer contre leurs fautes inexcusables. La faiblesse du dispositif juridique a longtemps tenu à l'absence de règle directrice en matière de prévention. Une étape a été franchie avec l'insertion dans le Code du travail des principes généraux de prévention. Une seconde étape a été franchie dans des arrêts du 28 février 2002 dits arrêts amiantes à l'occasion desquels la Cour de cassation a affirmé que l'obligation de sécurité de l'employeur était en réalité une obligation de sécurité de résultat. [...]
[...] De plus, il ne pourra sanctionner le salarié pour insuffisance professionnelle, si les réserves du médecin du travail sont de nature à expliquer une insuffisance des résultats ; une telle sanction devra être annulée (Cour de cassation, arrêt du 19 décembre 2007). Il est important de souligner que l'obligation de suivre les préconisations du médecin du travail doit être distinguée de celle visant à reclasser le salarié devenu inapte. En effet, le médecin du travail doit d'abord rechercher les adaptations envisageables sur l'emploi qu'occupe le salarié afin de le rendre compatible avec son état de santé. [...]
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