« Sécurité juridique… Droit du travail… Un tel rapprochement n'est-il pas incongru ? Le droit du travail n'est-il pas l'un des champs disciplinaires où l'insécurité règne en maître ? » a pu s'interroger M. Bernard Teyssié. Il est en effet permis de se poser la question concernant les revirements de la jurisprudence sociale. Ceux-ci ne sont pas extrêmement nombreux mais ils sont spectaculaires par leurs effets. Et c'est ce dont traite l'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 26 septembre 2007, mettant en cause M. X et son employeur, la société Michelin.
En l'espèce, M. X a été engagé par la société Michelin le 27 septembre 1967 et licencié le 30 janvier 1980. Il a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement le 1er décembre 2004, soit vingt-quatre ans après ledit licenciement.
En appel, la cour de Riom a jugé, par un arrêt du 09 mai 2006, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que le reçu pour solde de tout compte signé par le salarié le 28 février 1980 avait été rédigé en termes généraux et que, en vertu d'une évolution jurisprudentielle survenue en 1998, aucune forclusion ne pouvait être opposée au salarié ; alors qu'à l'époque des faits, le reçu pour solde de tout compte « emportait forclusion et faisait obstacle à une demande de dommages intérêts pour rupture abusive dès l'expiration d'un délai de deux mois à compter de sa signature ». Suite à ce jugement, l'employeur a formé un pourvoi en cassation.
Le salarié pouvait-il bénéficier de la jurisprudence de 1998 alors que son licenciement avait eu lieu en 1980 ? Dans un arrêt en date du 26 septembre 2007, la chambre sociale de la Cour de cassation a répondu par l'affirmative au motif que la cour d'appel « n'a pas méconnu les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit le droit d'accès au juge et le droit à un procès équitable ».
Cet arrêt revête une certaines importance dans la mesure où il apparaît comme une illustration des revirements que peut opérer la jurisprudence, et plus particulièrement, des conséquences de ces derniers. Ainsi, comme le souligne M. Antoine Mazeaud, « le droit sécurise-t-il le citoyen ou bien est-il lui-même facteur d'insécurité ? A l'insécurité des lois, s'ajoute une insécurité due au juge et à sa jurisprudence ».
Par conséquent, nous verrons que la chambre sociale de la Cour de cassation refuse de moduler dans le temps les effets de ses revirements de jurisprudence (I) et que, de surcroît, la justification de ce refus est insuffisante (II).
[...] Patrick Morvan, serait de consacrer les revirements prospectifs comme cela l'a été fait précédemment par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 8 juillet 2004 dans lequel elle a jugé que l'application immédiate de cette règle de prescription dans l'instance en cours aboutirait à priver la victime d'un procès équitable, au sens de l'article de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Cette solution a été confirmée dans un arrêt du 26 décembre 2001 rendu par l'assemblée plénière de la Cour de cassation. [...]
[...] Commentaire d'arrêt : Cour de cassation, chambre sociale septembre 2007 Sécurité juridique Droit du travail Un tel rapprochement n'est-il pas incongru ? Le droit du travail n'est-il pas l'un des champs disciplinaires où l'insécurité règne en maître ? a pu s'interroger M. Bernard Teyssié. Il est en effet permis de se poser la question concernant les revirements de la jurisprudence sociale. Ceux-ci ne sont pas extrêmement nombreux, mais ils sont spectaculaires par leurs effets. [...]
[...] Ce refus de la Cour de cassation de moduler dans le temps les effets de sa jurisprudence a des conséquences néfastes, notamment l'insécurité juridique due au caractère rétroactif des revirements de jurisprudence. B - La nécessaire intervention du législateur Le rapport Molfessis propose que la modulation dans le temps des effets de la jurisprudence soit laissée à la discrétion des juges eux- mêmes. Mais comme le souligne M. Christophe Radé, cela ne reviendrait-il pas à confier un plus grand pouvoir aux juges ? Cela ne va-t-il pas conduire à un dépassement de son rôle par le juge ? En cela, nous pensons qu'une intervention législative serait nécessaire. [...]
[...] Le salarié pouvait-il bénéficier de la jurisprudence de 1998 alors que son licenciement avait eu lieu en 1980 ? Dans un arrêt en date du 26 septembre 2007, la chambre sociale de la Cour de cassation a répondu par l'affirmative au motif que la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit le droit d'accès au juge et le droit à un procès équitable Cet arrêt revêt une certaine importance dans la mesure où il apparaît comme une illustration des revirements que peut opérer la jurisprudence, et plus particulièrement, des conséquences de ces derniers. [...]
[...] Bibliographie - PATRICK MORVAN : Le principe de sécurité juridique : l'antidote au poison de l'insécurité juridique ? Droit social 2006, p.707 ; - ANTOINE MAZEAUD : La sécurité juridique et les décisions du juge Droit social 2006, p.744 ; - CHRISTOPHE RADE : De la rétroactivité des revirements de jurisprudence Dalloz 2005, p.988 ; - PATRICK MORVAN : Le sacre du revirement prospectif sur l'autel de l'équitable Dalloz 2007, p.835 ; - PIERRE SARGOS : L'horreur économique dans la relation de droit Droit social 2005, p.123 ; - GERARD LYON-CAEN : Faut-il vraiment retarder les effets des revirements de jurisprudence ? [...]
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