En 1998 a été votée la loi Aubry relative au passage de la durée du travail à 35 heures. Deux ans après, la loi Aubry II du 19 janvier 2000 permet le recours au forfait annuel en jours pour les cadres, sous réserve de remplir certaines conditions. Au fil des ans, sans remettre en question explicitement la réforme des 35 heures, les pouvoirs publics ont détricoté le principe d'une durée hebdomadaire du travail à 35h, sans pour autant toujours bien encadrer les exceptions. L'une des illustrations en est le forfait annuel en jours dont traite l'arrêt ici commenté.
En l'espèce, il s'agit d'un salarié-cadre, engagé par une société dont l'activité relevait de la Convention collective nationale des Industries chimiques par le biais d'un contrat de travail à durée déterminée qui stipulait une convention de forfait en jours en application d'un accord collectif de branche et d'un accord d'entreprise. Le salarié, qui ne voit pas son contrat renouvelé, saisit le conseil des prud'hommes pour obtenir le paiement d'heures supplémentaires. La Cour d'appel déboute le salarié au motif que même s'il travaille au-delà de la durée maximale de travail, elle retient que cela est conforme à son contrat de travail et accords collectifs du fait de son incontestable autonomie.
[...] La décision de la Cour de cassation fait suite aux deux condamnations récentes de la France au regard de la Charte sociale européenne révisée de 1996. Pourtant, il est intéressant de relever que le visa ne fait pas référence directement à la Charte, mais s'appuie plus volontiers sur la directive du 4 novembre 2003 de l'Union européenne concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. Ces normes de référence ne paraissent pas totalement convergentes sur le point envisagé à savoir le forfait en jour[1]. [...]
[...] Cet arrêt est par conséquent à la fois une confirmation de la jurisprudence antérieure, mais également une extension de la législation actuellement en vigueur. En effet, au regard de cette jurisprudence, des employeurs qui ont appliqué la loi en matière de forfait jours pourraient se voir condamnés à indemniser des salariés Il est en effet étrange de voir s'assouplir le régime du forfait jour au fur et à mesure des condamnations européennes ; le message législatif et judiciaire manquant sur ce point de concordance. [...]
[...] Il semblerait que la Cour privilégie une durée raisonnable plus que des durées maximales fixes. Cependant, le curseur n'est pas forcément aisé à déterminer. L'arrêt consacre ainsi l'importance croissante de la négociation collective dans l'organisation du temps de travail et l'affaiblissement du rôle de la loi dans ce domaine Le juge a donc, face à cette inertie du législateur ou à sa volonté d'étendre toujours plus les dérogations à la durée hebdomadaire et journalière du travail, redonner une place croissante à la volonté des partenaires sociaux, ce qui n'est, à l'époque actuelle où l'emploi est fragilisé, pas forcément gage de sécurité. [...]
[...] Créé en 2000, il a été révisé par deux lois successives de 2003 et 2008. Il permet pour les cadres à condition qu'ils disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et que leurs fonctions ne leur permettent pas de suivre les horaires collectifs ; et les salariés, sous réserve d'autonomie et que leur durée du travail ne puisse pas être prédéterminées, de déroger à la durée légale hebdomadaire du travail ainsi qu'à la durée quotidienne maximale et aux durées hebdomadaires maximales du travail (art L.3121-48 code du travail). [...]
[...] Il est également intéressant de relever que bien qu'aucun texte constitutionnel ne soient cités dans ce visa, la Cour réaffirme l'attendu de principe déjà présent dans l'arrêt de 2011 selon lequel le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles La Cour préfère se fonder sur la directive européenne qui explicite que cette dérogation n'est autorisée par la directive que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs Toujours est-il qu'à la lecture du visa, il est difficile de contester la présence de droits fondamentaux protégeant la santé et la sécurité des travailleurs. La Cour se base en effet sur un principe aux sources européennes multiples pour dire que les conventions de forfaits en jours doivent être encadrées pour répondre aux exigences communautaires. [...]
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