Commentaire d'arrêt, Chambre sociale, Cour de cassation, 9 janvier 2013, licéité d'une clause de non-concurrence
Rappelant le principe de subordination de la validité d'une clause de non-concurrence à l'existence d'une contrepartie financière, et ce sous le visa du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, la Cour de cassation donne une nouvelle fois l'opportunité de s'interroger sur ce mécanisme cher au droit du travail.
L'engagement de non-concurrence, qui tend à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, constitue une atteinte aux libertés individuelles de celui qu'il engage, et nécessite donc d'être contrebalancé par diverses garanties offertes à ce dernier.
En l'espèce, des cogérants non-salariés avaient saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant notamment à la requalification de leur contrat de gérance en contrat de travail et invoquaient la nullité de la clause de non-concurrence qu'il contenait. Déboutés tant en première instance que par les conseillers d'appel au motif que la relation contractuelle n'avait pas été rompue, les demandeurs ont formé un pourvoi en cassation.
[...] Cette décision n'est cela dit en rien nouvelle puisque identique à une précédente également rendue par la chambre sociale le 28 septembre 2011 10- 21.294 Preuve est donc faite que les juges soumettent à ces grands principes les mécanismes fondamentaux du droit du travail. Les conditions de la clause de non-concurrence, le visa retenu par les juges, et plus généralement la solution dans sa globalité pousse à s'interroger sur son avenir. L'avenir des clauses de non-concurrence Par sa solution, la Cour de cassation opère une extension de la protection conférée par la clause de non-concurrence à une autre entité et s'oriente vers une inévitable confrontation au droit européen L'extension au gérant non-salarié de la protection accordée au salarié tenu par un engagement de non-concurrence La chambre sociale retient en l'espèce que la stipulation d'une clause nulle cause nécessairement un préjudice au gérant, celle-ci ne comportant pas de contrepartie financière à son bénéfice. [...]
[...] En effet, selon Yves Serra, le but est de parvenir à la conciliation des intérêts en présence, puisque la clause de non-concurrence doit voir son étendue limitée à la seule impérieuse nécessité de protéger l'entreprise La clause de non-concurrence, une fois le contrat de travail rompu, empêche la cessation de l'atteinte aux libertés fondamentales puisque la restriction portée aux libertés individuelles n'est plus liée à l'existence de ladite relation, mais à l'existence même de la clause venant contraindre la liberté d'exercer une activité professionnelle Le droit des obligations au soutien de la clause de non-concurrence Bien que rendue à travers un processus de fondamentalisation du droit des contrats, cette solution est sensiblement identique à celles obtenues en application de la théorie générale des obligations. En effet, selon un principe fondamental, la validité d'une obligation suppose l'existence d'une cause, laquelle veut qu'à l'obligation de l'un des contractants, réponde en échange l'obligation. Ainsi, l'obligation à laquelle s'astreint le salarié en voyant ses libertés individuelles amputées, répond à l'obligation à laquelle se soumet l'employeur de le faire de façon justifiée, proportionnée, et en échange d'une contrepartie financière, laquelle est bien entendu fondamentale dans ce mécanisme. [...]
[...] Ainsi, la Cour de cassation met bien en évidence que la nullité d'une clause de non-concurrence se suffit à elle-même : elle n'a pas à être appréciée en fonction d'autres éléments, dans la mesure où elle engendre nécessairement un préjudice. L'appréciation de la licéité d'une clause de non-concurrence ayant été recontextualisée, il faut maintenant envisager en quoi cette validité est indépendante d'événements pouvant frapper la relation de travail à laquelle elle est rattachée. II. Les desseins servis par la clause de non-concurrence Par cet arrêt, la chambre sociale met clairement au service des engagements de non-concurrence les libertés fondamentales Mais au- delà, elle pousse à s'interroger sur le sort de telles clauses La consécration des libertés fondamentales au service des engagements de non-concurrence En qualifiant d'inopérant le motif retenu par les conseillers d'appel la chambre sociale ne fait que donner plus d'envergure au visa retenu L'absence de rupture de la relation contractuelle, un motif inopérant rejeté par la Cour de cassation La juridiction d'appel a cru bon de justifier le rejet des demandes des requérants par l'absence de rupture de la relation contractuelle des parties. [...]
[...] Se posait alors la question de savoir pour les magistrats de la Haute juridiction si la rupture de la relation contractuelle était un préalable nécessaire à l'appréciation de la licéité de la clause de non-concurrence. Autrement dit, la validité d'un tel engagement ne devait-elle être mesurée qu'au moment de sa mise en œuvre, ou bien dès son élaboration ? Les juges de la chambre sociale se sont donc prononcés sous le visa du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, en retenant qu'« une clause de non-concurrence stipulée dans le contrat d'un gérant non- salarié de succursale de maison d'alimentation de détail [n'était] licite que si elle [comportait] l'obligation pour la société de distribution de verser au gérant une contrepartie financière ; que la stipulation d'une clause de non-concurrence nulle [causait] nécessairement un préjudice au gérant ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que la clause de non-concurrence stipulée au contrat de gérance ne comportait pas de contrepartie financière au bénéfice des gérants, la cour d'appel a violé le principe susvisé Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle donc bien quels sont les critères d'appréciation de la validité d'une clause de non-concurrence et quels sont les desseins qu'elle sert (II). [...]
[...] Commentaire de l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 9 janvier 2013 Rappelant le principe de subordination de la validité d'une clause de non-concurrence à l'existence d'une contrepartie financière, et ce sous le visa du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, la Cour de cassation donne une nouvelle fois l'opportunité de s'interroger sur ce mécanisme cher au droit du travail. L'engagement de non-concurrence, qui tend à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, constitue une atteinte aux libertés individuelles de celui qu'il engage, et nécessite donc d'être contrebalancé par diverses garanties offertes à ce dernier. [...]
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