Commentaire d'arrêt, Chambre sociale, Cour de cassation, 3 novembre 2011, exécution du contrat de travail
Paul Cuche définissait en 1913 le contrat de travail comme la convention qui place une personne dans la dépendance économique d'une autre en absorbant intégralement sa force de travail et en lui fournissant en contrepartie des moyens de subsistance dépassant à peine ses besoins et ceux de sa famille,
Au regard de l'arrêt de cassation rendu par la Chambre sociale le 3 novembre 2011, cette définition bien éloignée de la réalité juridique actuelle dans lequel les juges statuent en faveur du salarié malgré le pouvoir de direction théorique de son employeur.
En l'espèce, une salariée embauchée en qualité d'agent de service à temps plein s'est vu modifier son emploi du temps, l'affectant sur deux sites, de sorte qu'elle se trouvait contrainte de travailler en soirée plutôt que tôt le matin. Elle refuse ses nouveaux horaires considérant que ceux-ci bouleversaient ses conditions de travail et saisit la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail.
[...] Le dirigeant d'une société, peut-il, sur le fondement de son pouvoir de direction modifier les horaires d'un de ses salariés sans encourir la nullité du contrat de travail ? La Cour de cassation censure la Cour d'appel au visa de l'article L. 1121-1 du Code du travail et de l'article 1134 du Code civil, mais seulement en ce qu'elle a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée aux torts exclusifs de l'employeur. Les juges énoncent le principe selon lequel sauf atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l'instauration d'une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l'employeur. [...]
[...] B Limitation incertaine du pouvoir de l'employeur Les juges d'appel énoncent que le dirigeant détient un pouvoir de direction ce qui lui permet de modifier le contrat de travail dans les limites autorisées par la loi. Normalement le changement des horaires est autorisé. En l'espèce, il a usé de son pouvoir alors qu'il n'est fait mention d'aucune clause du contrat de travail stipulant que la salariée travaillait uniquement à des horaires contractuellement fixes. Or, malgré cela, il est sanctionné. Non pas sur le fondement d'un abus, mais sur celui de l'atteinte aux libertés fondamentales de la salariée. [...]
[...] Par leur arrêt du 3 novembre 2011, les juges écartent cette jurisprudence en considérant que la nouvelle répartition violait une liberté fondamentale de la salariée en bouleversant son rythme de travail. B La violation d'une liberté fondamentale Si le bouleversement du rythme de travail constitue l'aboutissement du raisonnement des juges, c'est parce qu'ils considèrent que la modification de l'emploi du temps violait une liberté fondamentale de la salariée. Ils motivent leur décision en se fondant sur le principe qu'ils énoncent selon lequel la modification constituait une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos. [...]
[...] Elle refuse ses nouveaux horaires considérant que ceux-ci bouleversaient ses conditions de travail et saisit la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail. Après un arrêt de première instance non mentionné, la Cour d'appel fait droit à la demande de la demanderesse considérant qu'une nouvelle répartition du travail sur la journée ne constitue pas une modification du contrat de travail et relève du seul pourvoir de direction de l'employeur, il n'en est pas ainsi lorsque, pour suite de cette nouvelle répartition, le rythme de travail du salarié est totalement bouleversé. [...]
[...] C'est sur ce fondement qu'elle demande la résiliation de son contrat de travail. Elle considère alors que par ses actes, son employeur n'a pas respecté les obligations de l'article 1134 du Code civil disposant dans son deuxième alinéa que les conventions légalement formées par les parties ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise Autrement dit, par la modification de son emploi du temps, l'employeur n'a pas respecté les engagements du contrat de travail signé entre les parties. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture