L'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 25 février 2003 illustre la difficulté pour le juge de limiter le droit de grève et ainsi de le concilier avec d'autres libertés.
En l'espèce, une partie du personnel d'un établissement accueillant des personnes âgées dépendantes avait engagé un mouvement de grève après échec des négociations concernant des revendications salariales.
L'employeur saisit le président du tribunal de grande instance (TGI) en référé et celui-ci ordonne à l'employeur de cesser de recourir à du personnel sous contrat de travail à durée déterminée ou en intérim pour assurer le remplacement du personnel gréviste.
Parallèlement, le juge des référés ordonne à certains salariés grévistes, nommément désignés, d'assurer un service dans les jours à venir selon des horaires fixés par l'employeur.
La Cour d'appel (CA) confirme cette ordonnance en considérant que cette mesure « était nécessaire pour prévenir un dommage imminent ».
En cas de dommage imminent résultant de l'exercice du droit de grève, le juge des référés peut-il réquisitionner du personnel gréviste ?
La Cour de cassation censure l'arrêt d'appel au double visa de l'article 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 809 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC). En effet, selon la Haute juridiction, « les pouvoirs attribués au juge des référés en matière de dommage imminent consécutif à l'exercice du droit de grève ne comportent pas celui de décider de la réquisition de salariés grévistes ».
Il ressort de cet arrêt que le salarié gréviste a un statut particulier (A) mais auquel certaines restrictions peuvent être apportées (B).
[...] Commentaire d'arrêt: chambre sociale de la Cour de la cassation février 2003 L'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 25 février 2003 illustre la difficulté pour le juge de limiter le droit de grève et ainsi de le concilier avec d'autres libertés. En l'espèce, une partie du personnel d'un établissement accueillant des personnes âgées dépendantes avait engagé un mouvement de grève après échec des négociations concernant des revendications salariales. L'employeur saisit le président du tribunal de grande instance (TGI) en référé et celui-ci ordonne à l'employeur de cesser de recourir à du personnel sous contrat de travail à durée déterminée ou en intérim pour assurer le remplacement du personnel gréviste. [...]
[...] Effectivement, cette mesure comporte une atteinte à l'autonomie de la volonté qui s'ajoute à celle portée à l'exercice du droit de grève, droit individuel, dont la mise en œuvre appartient en propre à chaque salarié. On peut se demander également si le rejet de l'intervention du juge ne s'explique pas par l'absence de réglementation légale : le législateur n'a pas prévu la possibilité de requérir le personnel gréviste dans le secteur médical privé. Enfin, bien qu'elle ne l'ait pas mentionné, on peut penser qu'un autre motif a inspiré la Haute juridiction à savoir le principe de la séparation des autorités juridictionnelles et administratives. [...]
[...] Parallèlement, le droit de grève doit être concilié avec d'autres principes constitutionnels tels que la liberté d'entreprendre et le droit de propriété. En outre, la jurisprudence administrative inaugurée par l'arrêt Dehaene en 1950 habilite le gouvernement ou l'autorité hiérarchique à réglementer l'exercice du droit de grève dans un service public au nom de sa continuité. Dans sa décision du 25 juillet 1979, le Conseil constitutionnel affirme que la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir d'apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d'assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe à valeur constitutionnelle La question posée dans cet arrêt est celle de l'articulation du droit de grève avec le principe de protection de la santé et de la sécurité que l'on peut rattacher à l'article 11 du préambule de 1946[1]. [...]
[...] Dans cette affaire, la chambre sociale de la Cour de cassation avait considéré que cette pratique ne devait pas être considérée comme illicite dans la mesure où le Code du travail ne la prohibait pas expressément[4]. Parallèlement, il a été admis que le juge des référés pouvait intervenir par exemple pour expulser les grévistes du lieu de travail qu'ils occupent, disperser des piquets de grève, etc . Mais si l'exercice d'un droit garanti par la Constitution ne constitue pas nécessairement un trouble manifestement illicite, il peut néanmoins causer un dommage imminent. [...]
[...] On pouvait dès lors se demander si l'employeur avait vocation à réglementer le droit de grève. Or comme nous l'avons vu précédemment, seule le législateur est apte à encadrer et limiter l'exercice du droit de grève. Ainsi, la Cour de cassation avait considéré qu'une convention collective ne peut avoir pour effet de limiter ou de réglementer pour les salariés l'exercice du droit de grève constitutionnellement reconnu et que seule la loi peut créer un délai de préavis de grève s'imposant à eux Pour justifier sa solution, la Cour de cassation se fonde également sur l'article 809 du NCPC. [...]
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