« Après avoir, pendant des décennies, fait du salariat la modalité d'emploi de principe, la pratique utilise aujourd'hui diverses voies pour échapper, partiellement ou globalement au statut salarial. » Cette citation de Thérèse Aubert-Monpeyssen, maître de conférences, est notamment illustrée par l'exemple des taxis que la jurisprudence tente d'endiguer par la requalification des contrats dits de location en contrat de travail entre le salarié chauffeur et la société employeur. On peut dès lors faire référence à un arrêt de principe de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 19 décembre 2000, Labbane, qui tranche en ce sens. En l'espèce, un chauffeur de taxi avait contracté un contrat de location d'un véhicule appelé « contrat de location d'un véhicule équipé taxi » avec la société Bastille taxi. Ce contrat permettait au chauffeur une certaine flexibilité quant à ses horaires ou encore sa clientèle si ce n'est que les conditions générales annexes spécifiaient que la société exigeait une certaine rigueur concernant le véhicule loué. De plus, selon ces mêmes conditions annexes, une « redevance » était exigée du chauffeur et suite à l'absence de paiement de cette redevance, la société avait fini par résilier le contrat unilatéralement. Le chauffeur avait alors saisi le Conseil de Prud'hommes afin que lui soit reconnu le statut de salarié pour qu'il puisse ainsi obtenir des indemnités dans le cadre de la rupture de son contrat de travail.
[...] Afin de justifier sa décision, la Cour de cassation rappelle ici un principe établi par un autre arrêt datant du 17 avril 1991 (Scarline), nommé principe de réalité. Ce dernier affirmait que l'établissement d'un contrat de travail ne dépendait ni de la volonté des parties, ni des la dénomination du contrat établi par ceux-ci. Ainsi, l'existence du contrat de travail ne devait concerner que les conditions de fait dans lesquelles était exercée l'activité du salarié. Par ce rappel, la Cour de cassation avait donc pu démontrer que les conditions annexées qui pouvaient être considérées comme facultatives étaient en réalité tout aussi importantes que le contrat lui-même dès lors que celles-ci permettaient d'établir les conditions dans lesquelles était exercé le travail du chauffeur. [...]
[...] La requalification du contrat en contrat de travail en référence au principe de réalité La Cour de cassation ne va pourtant pas se joindre à la Cour d'appel et va admettre que le lien de subordination est établi. Pour se faire, la Cour de cassation va relever que les conditions générales et annexées du contrat présentent un nombre important de contraintes pour le chauffeur envers la société. Ces contraintes s'apparentent non pas au travail en lui-même, mais aux conditions entourant ce travail. [...]
[...] Elle ajoutait par ailleurs que la redevance, en tant que dépendance économique, ne permettait pas de caractériser l'existence d'un lien de subordination. Le chauffeur s'était alors pourvu en cassation. On pouvait dès lors se demander si le regroupement d'indices dans les conditions générales et annexes permettait de constituer un lien de subordination suffisant dans le but de déterminer l'existence d'un contrat de travail. La Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel dans le cadre de la violation des articles L. [...]
[...] La Cour de cassation avait admis dans l'arrêt Bardou qu'un indice n'était pas assez suffisant pour permettre une requalification du contrat. Cependant, dans l'arrêt du 19 décembre 2000, elle semble admettre que l'accumulation d'indices puisse permettre de vérifier l'existence du lien de subordination qui permet quant à lui de requalifier le contrat en contrat de travail. Cette accumulation d'indices peut donc ne représenter que des contraintes autour du travail et non concernant le travail lui- même. Le pouvoir du juge de qualifier les faits permettra quant à lui d'admettre ou non si ces éléments sont suffisamment contraignants pour le prétendu salarié pour admettre un lien de subordination entre celui-ci et son prétendu employeur. [...]
[...] Cette technique de faisceau d'indices semble donc durable et permet ainsi d'approcher la requalification du contrat plus facilement sans se référer à une approche stricte de la subordination que la Cour de cassation avait pu établir lors de l'arrêt Société Générale. Cependant, la jurisprudence concernant cet arrêt de 1996 n'est pas pour autant abandonnée. En effet celle-ci a aussi été réitérée dans le cadre d'un contrat gérance requalifié en contrat de travail lors d'un arrêt de la Cour de cassation de novembre 2005 ainsi qu'en 2006. Les deux qualifications du lien de subordination semblent donc rester possibles de manière alternative selon le principe de réalité, c'est-à-dire les conditions de travail établies en pratique. [...]
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