Les conventions et accords collectifs prévoient très souvent un régime juridique beaucoup plus favorable aux salariés que le régime légal. Mais les droits des salariés ne sont jamais définitivement acquis. Lorsqu'il n'est pas remplacé par une autre convention ou un autre accord collectif, la disparition du statut collectif négocié peu parfois être difficile, dans la mesure où les salariés sont alors régis par le seul code du travail, qui leur est généralement moins favorable que la convention ou l'accord dont ils bénéficiaient antérieurement.
C'est pour éviter une telle rupture conventionnelle et protéger la stabilité du statut conventionnel des salariés que le législateur, par la loi Auroux du 13 novembre 1982, a introduit dans le code du travail, à l'article L 132-8, alinéa 6, la possibilité de maintenir les avantages individuels acquis en cas de dénonciation d'une convention collective, ou, en vertu de l'alinéa 7, de sa mise en cause. Mais il n'a pas posé là un principe général de maintien des avantages antérieurs. Au contraire, ce droit au maintien de certaines dispositions d'une convention collective disparue est soumis à un certain nombre de conditions, posées par le législateur, interprétées par la doctrine et appliquées par la jurisprudence.
C'est ainsi qu'un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation, du 13 mars 2001, a tranché un litige relatif aux conditions de détermination d'un avantage individuel acquis.
La convention collective nationale des employés des personnels des organismes de travailleuses familiales, a été dénoncée le 19 juin 1995 par les organisations des employeurs. Or cette convention contenait une disposition qui accordait une rémunération supplémentaire égale à une demi-heure de travail à la salariée qui, au cours d'une même journée, était amenée à changer de famille (article16 de ladite convention).
Aucun accord de substitution n'étant intervenu, les dispositions dénoncées de la convention collective cessaient alors de produire leur effet le 19 septembre 1996, soit un an après la dénonciation.
Toutefois Madame André et 33 autres salariés, employées par l'Association Domicile Action, faisaient valoir que les avantages prévus par cet article 16 de la convention constituaient des avantages individuels acquis. Elles saisissent alors la juridiction prud'homale d'une demande tendant à obtenir le maintien de ces avantages et au paiement du rappel de salaire correspondant.
Le Conseil des Prud'hommes de Brest par jugement rendu le 25 février 1998 accueille leur demande et condamne l'Association Domicile Action à payer les diverses sommes à titre de rémunération correspondant aux avantages qui leur avaient été supprimés depuis le 19 septembre 1996 jusqu'au 31 janvier 1998.
L'Association Domicile Action interjette appel du jugement devant la Cour d'appel de Rennes. Celle-ci le 21 septembre 1999, confirme le jugement de la première juridiction.
L'association forme alors un pourvoi en cassation.
Cette dernière soutient l'idée selon laquelle les dispositions auraient en réalité un caractère collectif, et de ce fait ne pourrait constituer un avantage individuel acquis. De plus, l'Association affirme que ces prétendus avantages n'auraient qu'un caractère purement éventuel et ne serait pas un droit ouvert compte tenu des différents éléments incertains qui pouvaient survenir selon les besoins des différentes familles (élément que l'employeur ne peut maîtriser). Enfin celle-ci atteste également que les dispositions intégrées au contrat de travail ne peuvent l'être puisqu'il s'agit, selon l'Association, de périodes non travaillées et qui, par conséquent, ne peuvent être assimilées à du temps de travail effectif.
Ainsi, le problème qui était soulevé en l'espèce, était de savoir sous quelles conditions une disposition d'une convention ou d'un accord collectif dénoncé peut-elle être maintenue en tant qu'avantage individuel acquis ?
La Chambre sociale de la Cour de cassation le 13 mars 2001, rejette le pourvoi de l'Association Domicile Action.
La Cour de cassation rappelle le principe selon lequel « un avantage individuel acquis au sens de l'article L 132-8 du Code du travail est celui qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel ».
Elle affirme que la Cour d'appel de Rennes a exactement décidé qu'il s'agissait d'un avantage salarial qui « profitait individuellement à chacune des salariées demanderesses à l'action » et qui « s'était incorporé à leur contrat de travail au jour où les dispositions de la Convention collective avaient cessé de produire effet et devait être maintenu pour l'avenir ».
En instaurant à l'article L 132-8, alinéa 6, du code du travail, la possibilité du maintien légal de certaines dispositions d'une convention collective dénoncée (I), le législateur a entendu protéger les salariés contre la rupture du statut conventionnel. Mais ce maintien est strictement encadré par la loi et par la jurisprudence, qui posent les conditions de détermination des avantages individuels acquis maintenus (II).
[...] La solution semble ainsi clairement déjà posée et les conditions bien définies. La loi Fillon du 4 mai 2004 n'est pas venue modifier ce point. Il reste à voir à présent si la jurisprudence ne modifiera pas ces conditions d'avantages individuels acquis. [...]
[...] S'écartant de la définition civiliste du droit né ou éventuel, une partie de la doctrine a proposé un critère de distinction du droit déjà ouvert et du droit éventuel offrant une certaine sécurité juridique. Un avantage serait considéré comme déjà ouvert, donc comme acquis, dès lors qu'il s'agit d'un droit jouissant d'une certaine régularité temporelle, c'est-à-dire qu'il est cyclique ou continu. Ces droits cycliques seraient alors acquis, même si leur étendue ou leur montant est variable. L'avantage ne serait en revanche qu'éventuel, et donc non acquis, dès lors qu'il résulte d'un événement accidentel ou ponctuel, comme un congé maternité, un départ ou une mise à la retraite, ou un licenciement. [...]
[...] Or le litige porté devant la Cour de cassation le 13 mars 2001 est la conséquence de la dénonciation de la convention collective nationale des employés des grands magasins, dans la mesure où certaines salariées demandaient à ce qu'un avantage tiré d'une disposition de cette convention leur soit conservé, à savoir la rémunération à titre supplémentaire égale à une demi heure de travail à la salariée qui, au cours d'une même journée, était amenée à changer de famille. Le cinquième alinéa de l'article L 132-8 du code du travail prévoit que tout intéressé, patronal ou syndical salarié, peut exiger, pendant ce délai minimum de quinze mois, l'ouverture d'une négociation en vue de la conclusion d'une convention ou d'un accord de substitution. L'aboutissement à la conclusion ou non d'un accord de substitution a une importance déterminante sur la possibilité d'invoquer le maintien légal des avantages individuels acquis. [...]
[...] Il en va de même pour la qualification d'un avantage en cas de mise en cause de la convention qui lui servait de support juridique ou pour le maintien conventionnel. L'intérêt de la distinction est cependant beaucoup plus limité dans ce dernier cas, dans la mesure où une clause de maintien d'un avantage acquis peut valablement viser un avantage individuel ou collectif. Le caractère individuel ou collectif de l'avantage est donc parfaitement indifférent dans le cadre du maintien conventionnel d'un avantage. [...]
[...] Ceux-ci sont donc maintenus, sans limitation de temps, malgré l'extinction du dispositif conventionnel. Ce maintien étant partiel, il faut se demander quels sont les caractères que doit présenter un avantage pour pouvoir être conservé. Il doit s'agir d'une part d'un avantage individuel et d'autre part d'un avantage acquis Un avantage individuel Face au vide législatif quant à la définition du caractère individuel d'un avantage, la jurisprudence et la doctrine ont posé successivement le critère de distinction du caractère individuel ou collectif de l'avantage, qui est l'objet de cet avantage, puis le critère de distinction du caractère individuel ou collectif de l'objet de l'avantage. [...]
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