Commentaire d'arrêt, Chambre sociale, Cour de cassation, 12 mai 2015, situation de co-employeurs entre les deux sociétés, Code du travail
En l'espèce, une société est placée en liquidation judiciaire. Cette société est une filiale d'une autre société. Le liquidateur judiciaire de la société en faillite prend la décision de licencier les salariés. Suite à cela, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale, avec l'aide du comité d'entreprise, pour obtenir la fixation de leurs créances ainsi que la condamnation de la société mère en qualité de co-employeur.
Par plusieurs arrêts en date du 26 septembre 2013, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a retenu la qualité de co-employeur à la société mère. La Cour d'appel a retenu que la société en liquidation était traitée comme « un simple établissement » et qu'il existait « une confusion d'intérêts, d'activités et de direction » entre les deux sociétés. La Cour s'est fondée sur plusieurs indices tels que la dépendance financière de la filiale ou l'absence de structure autonome de ressources humaines.
[...] La Chambre sociale, au lieu de tenter de définir le critère de la triple confusion, préfère reconnaître son approche in concreto du co-emploi. Toutefois, cela paraît assez critiquable au vu de l'espèce. En effet, les juges du fond avaient relevé l'ampleur des conventions d'assistance ( ) notamment en matière de gestion du personnel sans la moindre structure de ressources humaines au sein de la filiale. N'est-ce pas une immixtion dans la gestion du personnel ? Non selon la Cour. Au travers d'une étude sur le sujet[1], François Dumont a souligné les efforts pédagogiques de l'arrêt Molex mais d'après lui, le co- emploi demeure une notion viscéralement dépendante d'une justification judiciaire, d'une motivation issue d'un cheminement factuel au regard des circonstances de l'espèce On ne peut que lui donner raison néanmoins ne peut-on pas aller plus loin en disant que, même les juges du quai de l'Horloge ne savent plus ce qui pourrait justifier une situation de co- emploi. [...]
[...] Tous les indices ne se valent pas, par exemple l'immixtion dans la gestion du personnel, qui est mentionné dans notre arrêt, apparaît comme un critère décisif puisqu'il a emporté la reconnaissance chaque fois qu'il est établi (Cass. Soc janvier 2011 ; Cass. Soc juin 2011 ; Cass. Soc septembre 2011). Suite à l'avènement du critère de la triple confusion, le contentieux lié à la notion de co-emploi a considérablement augmenté. Cela s'explique en partie par l'insécurité juridique de ce critère laissant une large marge d'appréciation aux juges. Les salariés licenciés par des filiales de groupe se sont engouffrés dans la brèche pour faire peser leur licenciement sur les sociétés-mères. [...]
[...] C'est néanmoins l'arrêt Molex de la Chambre sociale du 2 juillet 2014 qui opère véritablement le revirement amorcé. Cet arrêt, largement commenté par la doctrine, énonce que hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un employeur à l'égard du personnel employé par un autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer , une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière Cet attendu de principe énonce la nouvelle approche restrictive de la notion de co-emploi qui tend à devenir une situation exceptionnelle. [...]
[...] Soc février 2015 par exemple), l'arrêt du 12 mai 2015 remet au goût du jour le concept de l'immixtion dans la gestion du personnel comme manifestation de la présence du critère de la triple confusion. Ce concept semblait avoir disparu : que cherche donc à faire la Chambre sociale ? L'emploi de l'adverbe notamment donne une indication à la question. Il est possible que la Cour de cassation se soit rendu compte du trouble entourant la notion d'immixtion dans la gestion économique et sociale et a donc décidé de rebrousser chemin. [...]
[...] Par un arrêt du 12 mai 2015, la Chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel pour manque de base légale. Au visa de l'article L. 1221-1 du Code du travail, la Cour a retenu que les faits n'étaient pas de nature à caractériser une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les deux sociétés, se manifestant notamment par une immixtion dans la gestion du personnel de la filiale. Elle a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. [...]
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