Cet arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 12 janvier 1999 est novateur dans le sens où, pour la première fois, la chambre sociale de la Cour de cassation interprète la validité d'une clause d'un contrat de travail au vu de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Cet arrêt est relatif à la vie personnelle du salarié et plus exactement aux contraintes professionnelles sur sa vie privée.
Un attaché commercial recruté en région parisienne a pour secteur d'activité cette région mais aussi le nord et l'est de la France. Titulaire d'une clause de mobilité, il fait moins d'un an plus tard, l'objet d'une mutation à Montpellier. En application d'une stipulation particulière de son contrat, son employeur lui demande alors de transférer son domicile (domicile entendu ici au sens de l'article 102 du code civil c'est-à-dire qu'il s'agit du lieu où chaque individu a son principal établissement) dans sa nouvelle région d'affectation, ce qu'il refuse, acceptant cependant d'avoir une résidence à Montpellier. Licencié, Monsieur Spileers conteste le bien fondé de la rupture du contrat de travail.
La Cour d'appel de Versailles considère que la clause de mobilité est licite car elle est justifiée par la nature, ainsi que le lieu, des fonctions commerciales exercées par l'intéressé et par le bon fonctionnement de l'entreprise. Le licenciement fondé sur le non respect de l'obligation de résidence imposée par la clause repose donc sur un motif réel et sérieux.
La Cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles au motif que celle-ci n'avait pas tenu compte de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés individuelles.
Cette solution soulève deux problèmes : Quel est le devenir des clauses de mobilité ? Et, pourquoi la Cour de cassation a-t-elle choisi un visa international alors que des fondements internes pouvaient être retenus ?
De ce fait il convient d'étudier, dans un premier temps, le libre choix du domicile comme étant un compromis entre la liberté individuelle du salarié et la protection des intérêts légitimes de l'entreprise (I). Puis les fondements possibles et le fondement retenu pour cette décision (II).
[...] En matière de simple choix du domicile et des limitations que l'employeur pouvait être amené à apporter dans le cadre du contrat de travail la Cour de cassation n'a pas eu, jusqu'à ce jour, une position très tranchée. Deux arrêts illustrent cette hésitation. Dans une première affaire (Cass.Soc.4 février 1993), il s'agissait d'un directeur de supermarché. Par un avenant à son contrat de travail, l'employeur lui proposait de prendre la direction d'un nouveau supermarché à condition qu'il habite avec sa famille dans la localité. [...]
[...] Ces textes de rédactions similaires prévoient que nul ne peut apporter aux droits et libertés individuelles et collectives, des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché Ces textes traduisent le souci du législateur de protéger les libertés individuelles et de n'autoriser l'employeur à y porter atteinte que pour des raisons liées au travail et à son bon accomplissement. En l'espèce, la chambre sociale ne pouvait pas utiliser l'article L 120-2 dont l'entrée en vigueur ne date que de 1993 (alors que les faits remontent à 1991) et pour cette même raison servir de fondement à la cassation dans l'arrêt du 12 janvier 1999. [...]
[...] Ce texte prévoit que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance La Cour de cassation ne s'arrête pas à la lettre de ce texte. Elle aurait pu prendre une conception classique du respect du domicile à travers la notion d'inviolabilité de celui-ci. Elle va beaucoup plus loin puisqu'elle affirme dans son attendu que le libre choix du domicile personnel et familial est l'un des attributs de ce droit Par cette décision, la Cour de cassation précise d'abord que le domicile visé par la Convention est le domicile personnel et familial. [...]
[...] L'audace de la Chambre sociale est d'autant plus grande qu'elle aurait sans doute pu justifier sa solution sans avoir à élargir encore l'interprétation européenne déjà très extensive de l'article 8. Sur le plan européen, elle aurait peut-être pu trouver un meilleur fondement dans l'article 2 du protocole additionnel 4. L'applicabilité de ce texte, qui garantit à quiconque se trouvant régulièrement sur le territoire d'un Etat le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence, pouvait cependant prêter à discussion puisque dans cette affaire où le salarié avait proposé d'avoir une résidence à Montpellier c'était le domicile au sans strict qui était en jeu. [...]
[...] Le régime juridique protecteur du domicile est une notion qui relève des libertés publiques. Il est un élément de la vie privée, attaché à la liberté individuelle que le législateur national et international protège. Pour rendre son arrêt, la Cour de cassation n'aurait-elle pas pu se fonder sur des textes législatifs autres que la Convention européenne des droits de l'homme? Il semble que la protection du libre choix du domicile peut être recherchée dans la Constitution, dans le Code civil, dans les textes protecteurs spécifiques du droit du travail ou dans d'autres Conventions internationales Mais la Cour de cassation a choisit la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour fonder sa décision A. [...]
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