Les salariés mandatés bénéficient d'un statut protecteur concernant principalement le mode de rupture de leur contrat de travail. L'interprétation des dispositions de ce statut a amené les juridictions à se prononcer sur certains modes de rupture, dont la résiliation judiciaire. L'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 16 mars 2005 constitue un revirement important puisqu'il y est énoncé le principe de recevabilité d'une action en résiliation judiciaire d'un salarié protégé.
En l'espèce, un salarié protégé, victime de harcèlement moral, eut des ennuis de santé. Le médecin du travail le déclara inapte à son emploi, mais l'employeur s'obstina à ne pas vouloir le reclasser à un poste compatible avec son état physique. C'est pourquoi le salarié demanda la résiliation judiciaire de son contrat. La Cour d'appel, par un arrêt confirmatif, fait droit à sa demande en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail. La solution ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié bénéficie alors d'indemnités et d'autres sommes. Pour admettre cette résiliation à l'initiative d'un salarié protégé, la Cour d'appel énonce que les dispositions applicables aux salariés protégés, qui sont dérogatoires au droit commun, sont d'interprétation étroite. En conséquence, l'employeur forme un pourvoi énonçant que la rupture du contrat de travail d'un salarié protégé obéit à une procédure d'ordre public absolu qui s'impose à tout salarié. Ainsi, la Cour d'appel aurait violé les articles L.431-4 et L.436-1 du Code du travail. Par ailleurs, un pourvoi incident soutient que le juge prud'homale connaît de l'entier dommage consécutif à un harcèlement. Le salarié n'a donc pas à saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale pour statuer sur le préjudice corporel.
L'action en résiliation judiciaire du contrat de travail est-elle ouverte aux salariés protégés ?
Dans cet arrêt de cassation partielle, la Cour de cassation fait droit au moyen du pourvoi incident. L'apport de cet arrêt réside dans le fait que la Cour de cassation formule un principe concernant l'action en résiliation du contrat de travail. En effet, « si la procédure de licenciement du salarié représentant du personnel est d'ordre public, ce salarié ne peut être privé de la possibilité de poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations ». L'arrêt de la Cour de cassation est le résultat d'une évolution jurisprudentielle (I) qui marque la volonté de ne pas désavantager le salarié protégé à cause de son statut (II).
[...] En 2001, la Cour de cassation décida ensuite que ce mode de rupture n'était ouvert qu'au salarié ordinaire Mais deux ans plus tard, dans un arrêt Sogeposte du 21 janvier 2003, la Cour changea de position énonçant qu'un salarié protégé, qui s'estime victime d'une inexécution du contrat pouvait prendre acte de la rupture pour faire ensuite condamner l'employeur. On ne voit pas d'argument permettant de circonscrire cette solution à la seule prise d'acte. En effet, pour justifier l'acceptation de la prise d'acte, on retrouve les arguments en faveur de la protection des salariés. De plus, dans ce mode de rupture, le juge intervient en aval, contrairement à la résiliation judiciaire. Par conséquent, accepter la résiliation judiciaire n'accorde aucune liberté en plus aux salariés. [...]
[...] Puis, la chambre mixte rendit deux arrêts de principe, dits Perrier, le 21 juin 1974 fondés sur la protection spéciale dont bénéficient les salariés protégés. En conséquence, excepté la démission, le contrat de travail d'un salarié protégé ne peut prendre fin que par un licenciement. La résiliation judiciaire n'étant pas prévue par la Cour de cassation, elle ne pouvait que faire l'objet d'une censure. Par ailleurs, en qualifiant la demande de résiliation judiciaire par l'employeur en délit d'entrave, la Cour dissuade l'employeur de toute tentation de contourner la procédure spéciale. Cette jurisprudence fut implicitement consacrée par la loi de 1982. [...]
[...] Mouly affirme donc que la Cour aurait pu sanctionner cette irrecevabilité par une requalification de la rupture en licenciement. Ainsi, l'ensemble statutaire serait conservé et l'uniformité des solutions assurée. Pourtant cette solution ne serait finalement qu'une illusion et il est préférable, pour assurer une meilleure connaissance du droit par les salariés, d'affirmer clairement que l'action en résiliation judiciaire leur est ouverte. D'autant plus, que l'ensemble statutaire dont bénéficient les salariés protégés n'est pas (fondamentalement) remis en cause ; mais adapté à leur protection et intérêt. Soc mai 1957, Dr. [...]
[...] La combinaison de ces solutions laisse malgré tout une question en suspend. En effet, la prise d'acte n'étant qu'un diminutif de la résiliation judiciaire l'arrêt du 16 mars 2005 permet-il de penser que le salarié protégé qui prend acte de la rupture ne pourra plus invoquer la violation de son statut protecteur, et que la rupture poursuivra les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ? Outre cette question, des critiques s'élèvent tout même à l'encontre de l'ouverture de l'action en résiliation judiciaire au salarié protégé. [...]
[...] C'est pourquoi le revirement de la chambre sociale de la Cour de cassation du 16 mars 2005 n'est pas si surprenant. Après avoir totalement fermé cette possibilité pour le salarié protégé et pour l'employeur à l'encontre de celui-ci, la Cour de cassation module l'ouverture de cette action afin d'assurer une protection des salariés et d'éviter des situations de blocage. Ainsi, elle accepte l'action en résiliation judiciaire d'un salarié mandaté, mais pas l'action de l'employeur. Ces solutions mettent en évidence que le salarié protégé est d'abord un salarié qui est dans un rapport de force avec son employeur, avant d'être un salarié mandaté. [...]
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