L'arrêt du 5 mars 2013 offre une illustration des comportements susceptibles de caractériser le délit d'entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel ; mais le véritable intérêt de cet arrêt réside en ce qu'il est l'occasion pour la chambre criminelle de la Cour de cassation de préciser sa jurisprudence relative à la sanction du délit d'entrave au travers de la violation d'une norme collective de nature conventionnelle.
Les faits concernaient le président et le directeur de l'association « Escal », qui gère un centre social d'insertion et de réinsertion, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour entraves à l'exercice régulier des fonctions des délégués du personnel d'une part et au fonctionnement du comité d'entreprise d'autre part, alors que l'association comportait moins de 50 salariés. En effet, la mise en place d'un comité d'entreprise n'est pas obligatoire dans ce centre, mais une convention collective nationale étendue impose de créer un conseil d'établissement.
[...] la méconnaissance des dispositions conventionnelles invoquées ( . ) n'était susceptible de recevoir aucune des qualifications pénales visées par la prévention (Cass, crim avril 1991). En l'espèce, il était reproché au directeur et au président de l'association un délit d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise pour ne pas avoir mis en place un conseil d'établissement, tel que prévu à l'article 4-1 du chapitre II de la convention collective nationale étendue des acteurs du lien social et familial à laquelle est soumise cette association. [...]
[...] La Cour de cassation relève qu'en raison de l'effectif du centre social la mise en place d'un Comité d'entreprise n'est pas obligatoire, mais que l'article L2322-3 du Code du travail permet de le créer par convention ou accord collectif. Pour arriver à cette solution, la Cour de cassation a dû dépasser l'obstacle de la dénomination de conseil d'établissement en mettant en avant une égalité de fonctions avec le CE (ou le Comité d'établissement qui lui est assimilé par la loi) afin de le qualifier comme tel. [...]
[...] La Cour de cassation, chambre criminelle a pris acte de cette évolution. Après avoir relevé que l'art L2141-10 du Code du travail permettant la conclusion d'accords plus favorables que loi ne peut pas en lui même constituer une disposition législative expresse dans une matière déterminée (Cass, crim février 1987), La Cour a fait preuve d'une interprétation stricte de ces conditions dans trois décisions du 4 avril 1991, rejetant la mise en œuvre de l'art L2263-1 du Code du travail. B Un certain assouplissement quant à l'interprétation de la présence de l'autorisation légale spéciale Cet arrêt représente une application favorable à la sanction par le délit d'entrave d'un manquement à une stipulation conventionnelle en application de l'article L2263-1 du Code du travail, qui ne trouvait jusqu'alors qu'une application théorique. [...]
[...] En effet, la Cour de cassation a eu l'occasion à de multiples reprises de constater que les manquements à des dispositions de nature conventionnelle ne pouvaient être sanctionnés pénalement. Ainsi, deux décisions du 4 avril 1991 viennent préciser que le délit d'entrave n'est pas commis en cas d'une part de méconnaissance d'un accord d'entreprise prévoyant la désignation d'un représentant syndical au comité de groupe, et d'autre part de licenciement sans autorisation administrative d'un représentant syndical au comité interentreprises d'hygiène et sécurité institué par voie conventionnelle. [...]
[...] De ce fait, en allant plus loin que la simple assimilation opérée parla Cour d'appel de Nîmes, la solution est conforme à l'interprétation stricte imposée par le principe de légalité en matière pénale. II - Une solution dans le prolongement de la jurisprudence antérieure Cette décision du 5 mars 2013 s'inscrit dans le prolongement d'une jurisprudence faisant suite à la loi de 1982, qui a conduit à une interprétation stricte des conditions légales mais s'illustre cependant par une interprétation relativement souple de la qualification du conseil d'établissement A Un arrêt s'inscrivant dans un champ d'application limité de l'article L2263-1 du Code du travail Dans un premier temps, par application d'un principe de faveur, la jurisprudence avait largement ouvert la sanction pénale du non-respect de stipulations conventionnelles dérogatoire en admettant, en l'absence de texte, que la violation d'un accord collectif concernant les droits des représentants élus du personnel constituait un délit d'entrave (Cass, crim février 1978, arrêt Plessis). [...]
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