L'arrêt dont il est question a été rendu par la chambre sociale de la cour de cassation le 26 novembre 2003, en même temps que 3 autres arrêts, marquant l'importance de la solution dégagée. Ces arrêts traitent du contrat à durée déterminée (CDD) d'usage, et plus particulièrement de la recherche que doivent effectuer les juges du fond pour pouvoir le requalifier en CDI.
En l'espèce, sur proposition de l'association Connaître l'Islam, France 2 a confié à M. Mohamed X, à compter de janvier 1993 la réalisation et la production d'une émission religieuse diffusée le dimanche matin, conformément au cahier des charges. Il a, à cet égard, souscrits divers CDD portant l'indication de l'emploi de réalisateur TV, du nombre de jours travaillés par mois, du montant du cachet. En 1999, l'association Connaître l'Islam a été remplacée par l'association Vivre l'Islam et une nouvelle équipe a été mise en place. C'est pourquoi France 2 a mis fin au CDD de M. X. Ce dernier a alors saisi la juridiction prud'homale pour demander la requalification de son contrat en CDI ainsi que diverses indemnités au titre de la rupture. La cour d'appel fit droit à sa demande considérant que France 2 avait utilisé abusivement le CDD pour une émission qui avait en fait un caractère permanent, et qu'ainsi, l'activité de M. X ne pouvait être pourvue que dans le cadre d'un CDI. France 2 se pourvut en cassation et dès lors, se posa la question de savoir s'il convenait aux juges de vérifier dans le cadre de la requalification du contrat, si l'emploi présentait ou non un caractère par nature temporaire bien que soit constatée l'existence d'un usage constant conduisant pour ce type d'emploi à ne pas recourir au CDI ?
C'est alors que la haute juridiction, dans son arrêt du 26 novembre 2003, cassa la solution des juges du fond, considérant qu'ils auraient dû rechercher si en ce qui concerne l'emploi de M. X, « il était d'usage constant de ne pas recourir à un CDI dans ce secteur d'activité ». Ainsi, au visa des articles L. 122-1, L.122-1-1 3°, L. 122-3-10 et D 121-2 du Code du travail, la cour de cassation déclara désormais que « l'office du juge, saisi d'une demande de requalification du CDD en CDI, est seulement de rechercher, par une appréciation souveraine, si, pour l'emploi concerné, et sauf si une convention collective prévoit dans ce cas le recours au CDI, il est effectivement d'usage constant de ne pas recourir à un tel contrat ; que l'existence de l'usage doit être vérifié au niveau du secteur d'activité défini par l'article D 121-2 du Code du travail ou par une convention, ou par un accord collectif étendu ».
Cet arrêt marque donc un revirement jurisprudentiel quant à l'étendue du contrôle exercé par les juges sur la mise en œuvre des critères légaux.
Pour commenter cet arrêt nous nous intéresserons à souligner l'évolution opérée par cet arrêt sur les critères applicables en matière de requalification de CDD en CDI en montrant que bien que le recours au CDD soit admis depuis longue date (I), il n'en reste pas moins qu'il semble désormais encore plus aisé de par l'abandon d'un critère permettant auparavant une requalification d'office en CDI (II).
[...] Cependant, l'arrêt à commenter semble abandonner une de ces conditions : le caractère temporaire de l'emploi. Dès lors, après avoir souligné la conséquence de non requalification du CDD en CDI nous en mesurerons les conséquences, majoritairement néfastes sur la sécurité contractuelle La non requalification du CDD en CDI comme conséquence En vertu de l'article 1 de la Loi du 12 juillet 1990, rappelons que le contrat à durée indéterminée est la forme normale du contrat de travail et son alinéa 2 dispose que le dispositif législatif doit avoir pour effet de faire reculer la proportion d'emplois précaires De la sorte, le législateur a voulu que même dans les cas où il existe un usage constant de recourir à des CDD pour certains emplois, le CDI demeure la règle lorsqu'il s'agit de pourvoir des emplois permanents. [...]
[...] Commentaire d'arrêt : Cass. soc novembre 2003 L'arrêt dont il est question a été rendu par la chambre sociale de la cour de cassation le 26 novembre 2003, en même temps que 3 autres arrêts, marquant l'importance de la solution dégagée. Ces arrêts traitent du contrat à durée déterminée (CDD) d'usage, et plus particulièrement de la recherche que doivent effectuer les juges du fond pour pouvoir le requalifier en CDI. En l'espèce, sur proposition de l'association Connaître l'Islam, France 2 a confié à M. [...]
[...] Mais finalement la principale conséquence réside dans le fait que pour des faits qui auraient auparavant emporté requalification, cet arrêt la refuse. Selon Pierre BAILLY, cette nouvelle approche confère donc aux juges du fond un pouvoir d'appréciation, exclusif de tout contrôle de fond, dès lors qu'ils se prononcent sur l'existence ou inexistence de l'usage lié à une catégorie d'emplois déterminés, en fonction des éléments qui sont produits devant eux et dans lesquels les accords collectifs devraient occuper une place primordiale Vers une précarisation encore plus flagrante du contrat d'usage Pour une partie de la doctrine, cet arrêt a au moins eu l'effet de limiter les contradictions existant d'une part sur la notion même de travail permanent, prétendue contradiction entre les articles L 122-1 et L 122- 3-10 qui autorise une reconduction illimitée des contrats d'usage et d'autre part sur l'opposition que constitue l'exigence pour le juge de constater l'existence d'un emploi par nature temporaire alors même qu'il se trouve en présence d'un usage constant de ne pas recourir à un CDD. [...]
[...] 122-1 du Code du travail. La discussion sur le caractère temporaire de l'emploi, source du contentieux, ne trouve ainsi plus sa place parmi les critères du CDD. Par ailleurs, l'employeur pour se prémunir de tout risque de requalification, pourra simplement apporter la preuve matérielle d'une part, de l'existence indiscutable de l'usage, et d'autre part, de l'existence d'une liste de poste ou de fonctions où le CDD d'usage est utilisé en toute licéité. En effet, l'employeur pourra arguer d'un usage constant : la répétition de pratiques illicites : contrairement à l'adage selon lequel : on ne peut se prévaloir de sa propre turpitude les employeurs pourront détourner les CDD d'usage du champ d'application prévu pour pourvoir des emplois qui n'ont aucun caractère temporaire et sans craindre une requalification étant donné qu'ils pourront invoquer l'usage existant au sein de l'entreprise. [...]
[...] Cette solution était principalement fondée sur l'idée de l'existence d'une structure minimale permanente de l'entreprise en dépit de son appartenance à un secteur considéré. Si l'une de ces conditions n'était pas remplie, le contrat était réputé conclu pour une durée indéterminée et devait être requalifié. En ce sens, par exemple, l'arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 10 octobre 1995 avait déclaré que les emplois liés à l'activité normale de l'entreprise ne pouvaient être pourvus que par des CDI. [...]
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