La jurisprudence offre à la plupart des principes définissant la grève dans le secteur privé leur équivalent dans le secteur public. Une réglementation spécifique à la grève dans les services publics s'est cependant greffée sur cette jurisprudence de facture classique. Elle vise à concilier deux principes constitutionnels contradictoires : le droit de grève et le principe de continuité du service public.
Les articles L521-2 et suivants du Code du travail, issus de la loi du 31 juillet 1963, sont le fruit de cette conciliation difficile ; ils posent ainsi l'exigence d'un préavis afin d'éviter toute grève surprise préjudiciable aux pouvoirs publics et usagers.
Reste que, comme l'atteste l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 21 mars 2006, le seul respect de cette procédure n'évite pas les problèmes pratiques en cas de grève dans un service public, résultant notamment de la confusion permanente des intérêts professionnels et politiques.
[...] L'arrêt commenté risque néanmoins fortement d'être cassé en cas de pourvoi. Toujours est-il que le juge des référés, confronté au trouble manifestement illicite découlant de la cessation de travail, était dès lors à même de prendre des sanctions visant à y mettre un terme et le réparer. La sanction du trouble manifestement illicite La cessation de travail ayant dégénéré en un trouble manifestement illicite, il convenait pour le juge des référés d'y mettre un terme en prescrivant les mesures de remise en état qui s'imposent et éventuellement de prononcer à l'encontre des syndicats signataires du préavis des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'employeur du fait de la grève illicite. [...]
[...] Mais une telle conclusion entrait-elle dans le champ de compétence du juge des référés ? La question de l'appréciation de la licéité de la grève se posait avec force. II) L'appréciation de la licéité de la grève dans les services publics Dans un second temps, le dispositif de la cour d'appel d'Aix-en- Provence envisage les modalités d'appréciation de la licéité de la grève dans les services publics : une grève illicite constituera un trouble relevant de la compétence du juge des référés et devra donc être sanctionnée comme telle La compétence du juge des référés en matière de grève illicite Dans l'affaire en cause, nous avons vu que l'une des conditions cumulatives de la grève faisait défaut, son objet n'étant pas de satisfaire des revendications professionnelles. [...]
[...] Cette omission par la cour d'appel est aisément compréhensible : en effet, en matière de grève dans un service public, la loi elle-même impose cette concertation, en exigeant à l'article L521-3 du Code du travail (rappelé au visa de l'arrêt) qu'un préavis permettant l'information préalable de l'employeur lui soit déposé cinq jours francs avant le déclenchement de la grève par un syndicat représentatif. Ainsi, il suffit très probablement que cette procédure spécifique ait été respectée pour qu'il y ait bien cessation concertée du travail. [...]
[...] Forte de ce fait, la cour d'appel d'Aix-en-Provence refuse que la seule constatation du trouble manifestement illicite résultant de la cessation du travail suffise à caractériser la responsabilité civile des syndicats. Si des instructions positives des syndicats visant à déclencher une grève illicite n'engage pas leur responsabilité civile à l'égard de l'employeur, cette responsabilité sera des plus difficile voire impossible - à mettre en œuvre Une telle solution vient donc tempérer la compétence contestable du juge des référés en matière de grève illicite. [...]
[...] Au premier abord, cette solution ne semble pas surprenante. En effet, la chambre sociale de la Cour de cassation de longue date, retenu l'illicéité de toute grève politique sans revendications professionnelles, condamnant par exemple les grèves organisées pendant la guerre de Corée dans un arrêt du 23 mars 1963. Dans l'arrêt étudié, la cour d'appel s'inscrit dans la lignée de cette jurisprudence en confirmant l'illicéité de la cessation de travail dont l'objet ne constitue pas en soi une revendication salariale ou touchant à l'emploi Une telle solution est néanmoins emprunte de subjectivité et ne s'imposait pas. [...]
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