En droit commun, on distingue les lois impératives qui définissent les règles d'ordre public auxquelles on ne peut déroger par des conventions particulières, et des lois supplétives qui ne s'appliquent qu'à défaut de stipulation contraire. La plupart des lois en droit du travail relèvent d'une catégorie intermédiaire, celle de l'ordre public social. Les conventions ne peuvent y déroger que dans un sens plus favorable aux salariés (article L132-4 du code du travail) et la loi constitue la norme minimale. Cette originalité de l'ordre public en droit du travail est, selon l'expression de monsieur Jean Carbonnier, un « ordre public de protection ». Il existe cependant certaines lois d'ordre public absolu qui excluent expressément toute espèce de dérogation.
C'est ce qu'estime la chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt du 8 novembre 1994.
En l'espèce, la société Ricoh a prolongé le mandat des délégués du personnel afin de faire concorder leur élection avec celle des membres du comité d'entreprise. Elle a agit conformément à l'article L-423-16 du code du travail qui prévoit que les délégués du personnel sont élus pour deux ans. Par ailleurs, la société, a statué sur la date d'organisation des élections sans qu'aucune des organisations syndicales n'aient pu comparaître à l'audience pour y faire valoir ses droits.
Les syndicats saisissent alors le tribunal d'instance de Colmar. Ce dernier par un jugement du 1er mars 1994, condamne la société à organiser l'élection des délégués du personnel conformément à l'article 29 de la convention collective de la Métallurgie du Haut-Rhin, c'est-à-dire avec la présence des organisations syndicales. Il décide par ailleurs, que l'élection des délégués du personnel se déroulerait chaque année, comme le prévoit la même convention et non tous les deux ans comme le prévoit la loi. Il estime en effet que les dispositions de l'article 29 de la convention collective prévoyant une élection annuelle est plus favorable que les dispositions légales. Suite au jugement la société forme un pourvoi en cassation.
La question qui se pose à la cour de cassation est la suivante : Doit- elle faire primer sur une loi les dispositions d'une convention collective sous prétexte que ces dernières sont plus favorables pour les salariés que les dispositions légales ?
La chambre sociale répond par la négative et casse le jugement du tribunal d'instance de Colmar au motif que les dispositions légales de l'article L-423-16 du code du travail ont un caractère d'ordre public absolu. Il en résulte donc l'obligation d'écarter les dispositions de la convention collective.
Il faut préciser que la cour de cassation, sur la question de la convocation à l'audience des organisations syndicales, estime que le moyen n'est pas fondé puisque seules les parties qui n'ont pas étaient convoquées à l'audience peuvent se prévaloir de l'omission pour faire annuler la décision, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
[...] Dans le commentaire de cet arrêt du 9 novembre 1994, nous ne nous intéresserons pas à ce premier moyen. Afin donc d'analyser exclusivement la solution relative au conflit de normes, nous verrons dans un premier temps que la cour de cassation refuse d'appliquer, ce qu'on appelle le principe de faveur Nous appréhenderons par la suite le fondement de l'ordre public absolu, notion sur laquelle se fonde la solution, qui est une dérogation à l'ordre public social, conception particulière au droit du travail (II). [...]
[...] La distinction entre les deux catégories est donc essentielle pour comprendre la solution de la cour de Cassation. Il faut savoir que ce principe a été reconnu par le Conseil Constitutionnel comme ayant valeur de principe fondamental mais que ce dernier se refuse à lui reconnaître la valeur constitutionnelle en ce qu'il n'est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la république (C. Constitutionnel 13 Janvier 2003). Pour analyser la solution du tribunal il faut se rendre compte que classiquement la Convention collective est plus favorable que l'accord d'entreprise qui l'est plus que le national. [...]
[...] Le fait que la Cour pose ce principe, a priori sans importance excessive, comme relevant de l'ordre public absolu nous amène à envisager le recul du principe de faveur. vers le recul du principe de faveur au profit de l'ordre public absolu Cet arrêt amène à nous interroger sur la réelle portée de l'ordre public social et du principe de faveur. En effet certaines dispositions légales revêtant un caractère d'ordre public absolu c'est-à-dire au sens de l'article 6 du Code civil ne supportent aucune dérogation conventionnelle, jusque-là rien d'anormal, mais ce qui paraît plus choquant c'est que même dans un sens plus favorable aux salariés ces dispositions ne peuvent être contournées. [...]
[...] Dans l'arrêt de la chambre sociale 8 novembre 1994, la cour dans son visa expose que disposition de l'article L. 423-16 du code du travail, modifié par la loi du 20 décembre 1993 ( a un caractère d'ordre public absolu C'est le juge qui décide de ce caractère. En effet nulle part dans l'article L.423-16 n'est précisé le caractère absolu ou non des dispositions. La jurisprudence, qui a voulu mettre des limites aux principes de faveur est seule compétente pour juger du caractère des normes. [...]
[...] Il est inspiré du concept de l'ordre public social qui impose que le droit du travail est, par essence un droit de protection du salarié et qui donc ne doit pas se retourner contre lui. D'une façon générale, les clauses de la convention collective qui violent une règle d'ordre public sont nulles, que cette règle s'attache à l'ordre public social ou à l'ordre public absolu. Quand la règle est d'ordre public social, elle interdit seulement la clause moins favorable alors que les règles d'ordre public absolu ne supportent même pas d'amélioration. [...]
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