L'article 7 du décret d'Allarde des 2-17 mars 1791 dispose qu' « il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier, qu'elle trouvera bon ». Ce principe a été consacré par le conseil constitutionnel puis rappelé par la cour de cassation. Néanmoins l'existence de ce principe fondamental de la liberté du travail et de celui de la libre concurrence ne fait pas complètement échec à la licéité des clauses conventionnelles ou contractuelles interdisant à un salarié de travailler pour le compte d'une entreprise concurrente de son ancien employeur. En l'absence de disposition législative en ce domaine, c'est la jurisprudence qui a progressivement déterminé quelles sont les conditions de validité de ces clauses. Tel est le cas des arrêts de principe de la chambre sociale du 10 juillet 2002 qui posent une nouvelle condition de validité de ces clauses. Nous nous pencherons sur un seul de ces pourvois afin d'analyser l'apport et la porté de cette nouvelle condition jurisprudentielle.
En l'espèce M. Salembier a été employé le 1er décembre 1993 par la société d'assurance la Mondiale. Le 7 mars 1995, son employeur lui demande de cesser d'exécuter le contrat de travail. Il lui reproche de s'être introduit irrégulièrement en août 1994 dans le bureau de son supérieur hiérarchique.
Suite à cette accusation et à la demande de rupture du contrat, le salarié saisit le conseil de prud'hommes. Il réclame le paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des dommages et intérêts pour clause de non-concurrence et un rappel de commission.
La cour d'appel rejette la demande de dommages et intérêts pour clause de non-concurrence. Elle estime que la clause litigieuse était licite et régulière. De plus la clause ne comportant aucune contrepartie financière était conforme à la convention collective applicable.
Le salarié forme un pourvoi en cassation.
Se pose alors à la chambre sociale de la Cour de cassation la question suivante : une clause de non-concurrence ne comportant pas de contrepartie financière est-elle valable ?
La Cour de cassation répond par la négative et considère que la Cour d'appel en déclarant licite une clause de non-concurrence ne comportant pas de contrepartie financière a violé l'article L. 120-2 du code du travail qui énonce que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». Elle estime aussi que sa solution n'est pas conforme au principe selon lequel « une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière ». Elle ajoute que ces conditions sont cumulatives.
[...] Cependant, l'absence de contrepartie financière se heurtait à un souci d'équité, le salarié étant privé de son libre droit au travail, sans compensation. Il est vrai que l'absence de compensation entrait en contradiction avec le principe fondamental du droit des obligations selon lequel la validité d'une obligation suppose l'existence d'une cause. S'imposait alors l'exigence une contrepartie pécuniaire à l'interdiction de faire concurrence. En effet dans les contrats synallagmatiques l'obligation de chaque partie doit avoir une cause qui est la contrepartie fournie par le cocontractant. [...]
[...] En l'absence de disposition législative en ce domaine, c'est la jurisprudence qui a progressivement déterminé quelles sont les conditions de validité de ces clauses. Tel est le cas des arrêts de principe de la chambre sociale du 10 juillet 2002 qui posent une nouvelle condition de validité de ces clauses. Nous nous pencherons sur un seul de ces pourvois afin d'analyser l'apport et la portée de cette nouvelle condition jurisprudentielle. En l'espèce M. Salembier a été employé le 1er décembre 1993 par la société d'assurance la Mondiale. [...]
[...] Il faut savoir que pendant longtemps la chambre sociale, notamment par une décision du 13 octobre 1988 avait interdit aux juges du fond de rechercher si la clause de non-concurrence était justifiée par une nécessaire protection des intérêts légitimes de l'entreprise. A présent un employeur ne peut plus exiger l'exécution d'une clause de non concurrence tant qu'il n'est pas établi que l'existence de celle-ci est justifiée par les risques particuliers que fait courir à l'entreprise la mise à la disposition de tiers des connaissances acquises par le salarié au cour de l'exécution de son contrat de travail. Cela avait déjà été confirmé avant ces arrêts du 10 juillet 2002 par un arrêt de la chambre sociale du 14 février 1994. [...]
[...] Cela n'est pas évident puisqu'une contrepartie dérisoire pourra sans doute être assimilée à une absence de contrepartie. Il s'agit en fait pour le juge de trouver un équilibre entre le montant versé à l'employé relativement à la part de privation de liberté que lui imposent la clause de non-concurrence et les intérêts de l'entreprise. Cela apparaît très peu facile d'autant plus que cette contrepartie n'a pas pour but de réparer le préjudice que lui causerait l'interdiction de concurrence (Cass. Soc octobre 1996) mais bien d'indemniser une perte de liberté, notion difficilement quantifiable. [...]
[...] A défaut, si l'une des conditions requises n'est pas remplie, la clause de non-concurrence s'avère illicite. Il s'agit en imposant ce caractère cumulatif de donner aux juges du fond une ligne de conduite pour apprécier dorénavant la validité des clauses. II- Un revirement jurisprudentiel plus favorable aux salariés mais complexifiant le travail du juge Le juge doit désormais apprécier si chacune des conditions sont remplies mais il doit par ailleurs vérifier si l'article L.120-2 du code du travail, au visa duquel la cour a rendu son arrêt de principe est respecté. [...]
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