« Avec cet arrêt, dont l'importance est capitale, la Chambre sociale de la Cour de cassation poursuit, voire parachève, son œuvre de détermination de la portée de l'article L.321-4-1 du Code du travail » ( H. TOURNIQUET (1)).
En l'espèce, l'Association laïque pour l'éducation et la formation professionnelle des adultes (ALEFPA) a décidé en 1995, en raison de complications financières, la fermeture de la Communauté Anne Franck, tout en engageant une procédure de licenciement collectif pour motif économique ayant mené à la notification, le 30 avril 1996, de leur licenciement à 6 salariés de la communauté précitée.
Le comité d'entreprise de l'ALEFPA saisit alors le président du tribunal de grande instance (TGI) de Sens, statuant en référé, d'une demande tendant à la reprise de la procédure de licenciement pour violation des dispositions des articles du Code du travail relatifs aux exigences légales, notamment procédurales, en matière de licenciement économique. Par ordonnance du 6 juin 1996, le comité d'entreprise est débouté de sa demande, le président du TGI estimant le référé injustifié.
Dès lors, les 6 salariés lésés saisissent le conseil de prud'hommes, dans sa formation de référé, d'une demande de réintégration en faisant valoir la nullité de la procédure de licenciement économique. Cette demande est reçue par ladite juridiction, qui ordonne donc la réintégration des salariés, et confirmée par la cour d'appel de Paris le 15 janvier 1997. L'ALEFPA se pourvoit en cassation, faisant notamment grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la réintégration au lieu de dommages et intérêts, tout en contestant la faculté des salariés en l'espèce d'avoir pu agir par eux-mêmes après pourtant l'action du comité d'entreprise.
La Cour de cassation devait, dès lors, s'interroger sur le droit des salariés licenciés pour motif économique à faire valoir que leur licenciement est nul et d'obtenir leur réintégration, en contestant le plan social s'y attachant, devant le conseil de prud'hommes statuant en référé.
[...] : Antoine MAZEAUD, Droit du Travail Montchrestien, 5ème Ed., p.502 : Gérard COUTURIER, Insuffisance du plan social : les actions en nullité propres aux salariés Dr. Soc., juin 1999, p.593 : L'article L.321-4-1 est devenu, dans la nouvelle codification, l'article L.1233-61 : Soc avril 1996 SIETNAM Dr. Soc obs. A. LYON- CAEN, p.487, Liaisons soc légis, n°7450, Semaine soc. [...]
[...] II Le corollaire de la nullité ou la marque de son efficacité : la réintégration La réintégration, ou au moins le choix qu'elle génère chez le salarié, constitue la fin utile, comme il a été vu, du prononcé de la nullité de tout licenciement. Pourtant, elle ne trouve elle-même toute sa portée que si son obtention peut intervenir au plus tôt par rapport à l'apparition du trouble manifestement illicite engendré par le licenciement entaché de nullité Malgré que l'obligation qu'elle génère semble pouvoir se heurter à l'impossibilité matérielle de réintégrer, cette hypothèse ne semble, et le présent arrêt en convient, que constituer le mirage des limites de l'obligation de réintégration A Du trouble manifestement illicite à la réintégration : le rôle du référé La Haute Cour proclame avec force le soutient qu'elle confère aux conclusions des juges d'appel : en effet, celle-ci a pu affirmer dans l'arrêt ALEFPA qu'ayant constaté, par des motifs non critiqués, que le plan social était manifestement insuffisant au regard des dispositions de l'article L.321-4-1, la Cour d'appel, qui en a justement déduit que la procédure de licenciement collective était nulle, a pu décider que les ruptures prononcées constituaient un trouble manifestement illicite sous- entendu, justifiant le recours au référé. [...]
[...] F. Lefebvre : Cette partie de l'article L.122-14-4 du Code du travail est désormais codifiée à l'article L.1235-11 : J. PELISSIER, A. SUPIOT et A. JAMMEAUD, Droit du Travail DALLOZ, 23ème Ed., p.583 : Gérard COUTURIER, L'impossibilité de réintégrer Dr. [...]
[...] En effet, en dépit ou à défaut de toute procédure engagée par les représentants du personnel devant le Tribunal de Grande Instance, les salariés pourront exercer une multiplicité de recours devant une multiplicité de Conseils de prud'hommes différents. Si certains ont pu affirmer que les conséquences pratiques de l'arrêt ALEFPA portaient à son comble l'insécurité juridique qui caractérise depuis plusieurs années le droit social et ce parce qu'il devient purement prétorien il convient de nuancer de tels propos. Bien sûr la multiplicité des juridictions saisies donnera lieu à une potentielle insécurité juridique. [...]
[...] Dès lors, on semble pouvoir étendre considérablement l'apport du présent arrêt, de la manière suivante : la Cour de cassation consacre ici un droit d'action individuel au salarié lui permettant d'obtenir en référé devant le Conseil de prud'hommes la nullité du licenciement économique dans le cadre du plan social. Cette action est, semble-t-il, une modalité essentielle de la mise en œuvre de la nullité-réintégration : en effet, très concrètement, les bienfaits de la réintégration sont fortement réduits si cette dernière est prononcée des années après le licenciement effectivement contesté. [...]
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